Environnement et ONG : Pour une Tunisie plus verte et sans plastique

 

Le 4 décembre 2022 se tiendra la 35e édition du Marathon Comar de Tunis Carthage. Evénement annuel inscrit au calendrier international, il est organisé en partenariat avec Tounes Clean-Up, qui œuvre pour la préservation de la nature et la protection de l’environnement dans le pays. Rencontre avec Jalel Bouslah, secrétaire général de l’association.

À l’heure de la clôture de la COP 27, qui s’est déroulée ces derniers jours en Égypte, le constat est sans appel : les pays en développement sont les principaux touchés par les enjeux environnementaux. Réchauffement climatique et montée des eaux, pollution… ont engendré une prise de conscience planétaire des dangers qui guettent l’humanité et des limites des institutions de régulation politique, qui n’arrivent plus à répondre aux aspirations des peuples. En ce sens, de par leur éthique et leur contact permanent avec les populations, les associations écologiques jouent un rôle fondamental dans l’éducation, la sensibilisation du public à l’environnement, contribuant à l’enracinement de la culture écologique dans ces régions du monde.

Quatre ans déjà !

À l’échelle locale, le secteur associatif puise dans les objectifs de la politique tunisienne optant pour « une participation plus intense de la société civile » et un « renforcement des interventions du tissu associatif tant au niveau de l’action sur le terrain qu’au niveau de la diffusion de la culture environnementale parmi les citoyens ». Tounes Clean-Up notamment, est l’une des ONG tunisiennes ayant pour objet la préservation de la nature et la protection de l’environnement.

Un projet associatif qui a débuté à l’origine en 2018, suite à un constat alarmant sur les ordures accumulées dans l’espace public. Initié par un groupe de jeunes adultes et amis, un premier ramassage de déchets en simultané sur plusieurs plages a vu le jour, regroupant plus de 3.500 volontaires. Une initiative citoyenne qui s’est poursuivie par un premier reboisement avec Soli & Green en 2019, sans cesser depuis de participer activement à la cause écologique dans le pays.

Un grand nombre d’appels au bénévolat très rapidement enregistré, qui a alors contribué dans la foulée à la création officielle de l’association Tounes Clean-Up. En 2020 apparaissent les premiers fonds pour investir dans des solutions durables, grâce à un appui économique de la part de municipalités et de partenaires. Un pas en avant dans les missions de l’association, qui proposera des actions de plus en plus importantes. Grâce à l’affrètement de deux bus notamment, qui facilitent désormais les déplacements des bénévoles dans leur mission.

Aujourd’hui, c’est une équipe de direction composée de 10 membres et plus de 200 bénévoles présents chaque semaine pour assurer les missions de ramassage et de plantation, en étroite collaboration avec l’ONG Soli & Green. En ce qui concerne les évènements ponctuels ouverts au grand public, comme le marathon, les marches ou encore les festivals, les participants se comptent en un bien plus grand nombre. Un élan de participations impulsé par la nouvelle génération tunisienne, soucieuse du futur environnemental auquel elle tend à être destinée.

Tant d’initiatives à son actif

Au-delà de l’ambition écologique, l’association détient une volonté d’insertion sociale, avec un accord signé entre le ministère de l’Agriculture, jusqu’en 2024. Il consiste à offrir des semences gratuites provenant de pépinières d’État, replantées ainsi par des personnes en réinsertion professionnelle, au chômage ou d’anciens agriculteurs. Une moyenne de 60 employés par mois, une main- d’œuvre motivée qui favorise considérablement l’expansion des actions de reboisement de l’association.

Au programme donc, des missions de plantation d’arbres dans plusieurs sites du territoire, effectuées du 13 novembre au 31 mars, chaque dimanche et ouverts à une centaine de participants. De mai à octobre, c’est la saison du nettoyage et du ramassage des déchets. Sur les plages et autres zones publiques, ce sont plus de 800 tonnes de déchets plastiques et de verres qui ont été collectées par les volontaires en 3 ans, avec un taux de recyclage de 70%.

Aussi, un projet éducatif a-t-il été instauré dans les différentes écoles du pays, l’éco-school, pour la sensibilisation et la protection de la faune et de la flore, adapté aux enfants de 5 à 13 ans. Jeux ludiques sur le recyclage, nettoyage et plantations sur le site de l’école… Un programme qui vise à former les élèves dès le plus jeune âge aux enjeux de l’environnement et de son respect. Cette semaine notamment, à l’occasion de la Semaine des forêts tunisiennes et en partenariat avec le ministère de l’Éducation, l’association s’est rendue à une sélection d’écoles pour y mener des campagnes de sensibilisation. Enfin, des actions de RSE (responsabilité sociétale des entreprises) sont régulièrement organisées, afin de proposer des campagnes de sensibilisation sur les lieux de travail en milieu professionnel et ainsi mettre en place de nouveaux partenariats avec les sociétés.

Aujourd’hui en Tunisie, c’est plus de 70% des déchets organiques réutilisables qui ne sont pas exploités, étant mélangés aux autres matières et donc nonvalorisables. Cette constatation résulte d’une absence de système de tri des ordures à la source qui n’est pas instauré par le gouvernement, inconscient du potentiel de recyclage et de production d’énergies renouvelables.

Un manque de décharges délimitées et aménagées aussi, qui a entraîné forcément la prolifération des dépotoirs en pleine rue ou sur des zones naturelles, qui encombrent et gênent tout le pays. Ajouté à un ramassage des déchets aléatoire, voire anecdotique, la population souffre et se retrouve démunie de quelconques décisions étatiques.

Police de l’environnement, dites-vous !

Pourtant et depuis un décret de 2017, la police environnementale, un nouveau corps spécialisé, a vu le jour. Initiative qui semblait prometteuse, dont le slogan prône “Sensibilisation, protection, et durabilité”… Néanmoins, la réalité en est tout autre. Faute de «moyens», elle est totalement invisible, aperçue une fois de temps en temps dans les centres-villes pour déambuler en voiture, sans aucune utilité. Si jamais elle vient à agir, c’est généralement pour sanctionner les usagers, sans aucune pédagogie.

Pour Jalel Bouslah, la sanction est contre-productive. «Pénaliser la population pour avoir jeté ses déchets et mégots par terre, quand il n’y a pas de poubelles ni de cendriers à disposition et tout ça sans ne faire aucune prévention, c’est un peu ironique comme pratique…».

Un budget de l’État important est tout de même octroyé chaque année pour la gestion environnementale, mais aucunes mesures ne sont mises en place et un manque flagrant d’infrastructures s’observe dans les municipalités. «Comment voulez-vous instaurer un système de tri sélectif si premièrement, dans certains lieux, il n’y a même pas de poubelles ? Et en ce qui concerne la prévention, par exemple, avez-vous déjà vu des spots à la télévision, ou ne serait-ce même que des panneaux publicitaires sur les routes sensibilisant à ce sujet ? La cause environnementale est bien trop dévalorisée par rapport aux enjeux actuels qu’elle rencontre et c’est malheureux de ne voir aucune initiative de l’État. La société a besoin d’informations et de sensibilisation à la culture du tri pour être à même de savoir comment gérer ses déchets, car sans cela rien n’est envisageable pour le futur du pays…».

Alors, dans toute cette désinformation, on observe parfois certains comportements de tri, mais souvent il n’y a que le côté financier qui importe dans les habitudes. En effet, si les bouteilles plastiques sont mises de côté pour être données aux revendeurs, de même pour le pain, le reste des ordures ménagères, lui, s’entremêle dans les poubelles. «Dans ces cas-là, pourquoi ne pas instaurer le même système pour le carton par exemple, ou les déchets organiques ? Il faut savoir s’adapter aux habitudes des consommateurs si l’on souhaite progresser pas à pas dans cette cause et réussir à sauver le pays. Des mesures gouvernementales doivent apparaître quant à la gestion des déchets, du manque de poubelles et de l’initiation au recyclage, sans se reposer uniquement sur les associations, comme la nôtre. Mais tout cela, ne peut se faire que si—et seulement si — l’on souhaite avancer ensemble pour la cause».

430 mille arbres plantés et encore..

Selon son secrétaire, malgré un manque d’investissements financiers, les projets de Tounes Clean-Up s’effectuent à leur échelle, en apportant tout de même leur impact significatif à la cause. Un avenir prometteur dans le pays pour une création récente qui compte déjà de nombreux volontaires et partenaires engagés, pour une Tunisie plus verte et sans plastique.

A ce jour, 430.000 arbres ont déjà été plantés par l’association, pour un objectif final fixé à 1 million de semences avant le 31 décembre 2022. L’appel toujours actif aux nouveaux bailleurs de fonds et aux bénévoles s’inscrit dans une dynamique ambitieuse de la part de l’ONG. Pour information, toute l’actualité de Tounes Clean-Up est à retrouver sur ses réseaux sociaux et les inscriptions aux diverses actions s’effectuent par formulaire sur leur groupe Facebook. Soyez réactif, les places partent très très vite…

Inès ZARROUK

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