Changement Climatique | Sondage d’opinion des Tunisiens de l’institut One to One : Un phénomène ignoré et peu connu…

 

Pas très conscients et peu connaisseurs des aspects des changements climatiques, les Tunisiens sondés octroient un rôle prépondérant et une grand partie au gouvernement, pour changer la donne.

Deux enseignements majeurs sont tirés de ce double sondage d’opinion axé sur le changement climatique et la pollution, à savoir que les Tunisiens ressentent les effets des changements climatiques, mais en sont peu informés. De plus, ils restent mitigés quand la préservation de l’environnement entrave la création d’emplois.

A ce sujet, une rencontre-débat a eu lieu lundi dernier à Tunis, afin de présenter les résultats de la 5e vague de l’Afrobaromètre sur l’environnement et le changement climatique. Il en ressort que 22% seulement des citoyens ont entendu parler des changements climatiques et peuvent montrer certaines connaissances sur ce sujet. Un taux en baisse par rapport à 2018 de l’ordre de 33% que les experts même ne sauraient expliquer ni interpréter. Les plus instruits (37%), les habitants du Grand-Tunis (35%) et les plus nantis (32%) sont plus enclins d’être informés des changements climatiques. Parmi ceux qui sont au courant des changements climatiques, plus de huit sur 10 (84%) affirment que ces phénomènes détériorent  la vie en Tunisie.

Rôle accru du gouvernement

La plupart des Tunisiens disent que les aléas climatiques, tels que les sécheresses, se sont aggravés dans leur pays, mais peu d’entre eux sont au courant du concept des changements climatiques (CC). La majorité de ceux qui sont informés sur les CC trouvent que le phénomène rend la vie pire aux Tunisiens et que la responsabilité première de limiter ses effets incombe aux pays riches, ainsi qu’au gouvernement. Ils sont également majoritaires à approuver que les citoyens ordinaires peuvent jouer un rôle important dans les efforts de lutte contre les CC et que le gouvernement devrait prendre des mesures urgentes contre ce problème.

Adel Ben Youssef, spécialiste sur la problématique du changement climatique, enseignant universitaire et maître de conférences à l’Université Côte d’Azur-Nice, Sophia Antipolis (France), a apporté son expertise sur le CC, en dévoilant les enjeux principaux à saisir en Tunisie, tout en rappelant les connaissances limitées des Tunisiens dans cette question du CC.

Les femmes plus exposées au CC

Ceci car ils (les Tunisiens) sont peu nombreux à le connaître ou décrire de quoi il s’agit. Ils semblent plus portés sur la question environnementale que climatique. Il estime qu’il est étonnant que 78% des Tunisiens n’ont aucune conscience sur la question, en comparaison avec les autres pays africains. Il a réfuté les oppositions emploi ou environnement, «alors qu’on doit penser à une économie circulaire où l’emploi est créé par une économie verte». D’après l’afrobaromètre, les Tunisiens appellent à plus de régulation dans l’exploitation des ressources naturelles «or, le cadre juridique a empêché la régulation des ressources naturelles», précise l’expert en changement climatique. Il précise en approuvant «les résultats de l’étude qui sont cohérents, notamment, compte tenu de la tranche d’âge et du genre». Parce que, à son avis, alors que cela a été omis, «les femmes sont plus exposées aux effets du changement climatique et paradoxalement sont moins conscientes que les hommes de l’étendue du phénomène puisque seulement 15% d’entre elles ont entendu parler des CC… Du reste, ce sont les femmes agricoles dans les champs qui gèrent les ressources naturelles ou le budget du foyer. Lequel budget est frappé par la cherté des prix et ainsi de suite…», termine A. Ben Youssef en avertissant sur le rôle prépondérant des femmes.

Dans un dernier message au sujet d’une problématique relevée à l’échelle mondiale, l’Etat, de façon générale, est le garant du changement de la donne en pensant des villes plus mobiles, plus intelligentes et écologiques et non celles anarchiques et sans relief des pays sous-développés. Toutefois, il avance que les pays développés sont responsables du changement climatique, avec 75% de déchets carbone.

Si le rôle du gouvernement et la responsabilité des producteurs sont engagés dans la problématique des CC, il y a un impact sur le comportement des citoyens. Mais, il y a une distinction à faire entre la météo étalée sur 30 ans et les caractéristiques du climat qui ont changé la perception des Tunisiens.

Gravité de la sécheresse

Sept Tunisiens sur 10 (69%) affirment que les sécheresses sont devenues plus graves au cours des 10 dernières années. Seuls 14% des citoyens pensent la même chose sur les inondations. Les sécheresses sont plus perçues par les ruraux et les habitants du Centre et du Sud que les citadins. La perception de l’aggravation des sécheresses a augmenté de 24 points de pourcentage entre 2018 (45%) et 2022 (69%). Plus de la moitié trouvent que les pays développés (53%) doivent endosser la responsabilité première de limiter les changements climatiques et leurs impacts. Des majorités pensent que les populations ordinaires peuvent contribuer à limiter les changements climatiques (59%) et que le gouvernement doit agir dès maintenant pour limiter leurs effets (71%). A la recherche de meilleures conclusions, l’Afrobaromètre facilite la tâche de l’organisation One To One. C’est un réseau panafricain et non-partisan de recherche par sondage qui produit des données fiables sur les expériences et appréciations des Africains, relatives à la démocratie, à la gouvernance et à la qualité de la vie. Huit rounds d’enquêtes ont été réalisés dans un maximum de 39 pays depuis 1999. Les enquêtes du Round 9 (2021/2022) sont en cours. Afrobaromètre réalise des entretiens face-à-face dans la langue du répondant avec des échantillons représentatifs à l’échelle nationale. En conclusion du premier sondage, on se demande si les Tunisiens ordinaires peuvent jouer un rôle dans la limitation des changements climatiques et contribuer à leur manière, afin de changer la donne qui leur est défavorable. Mais il est important que notre gouvernement prenne des mesures dès maintenant pour limiter les changements climatiques à l’avenir, même si cela coûte cher ou entraîne des pertes d’emplois ou d’autres dommages pour notre économie.

En ce qui concerne les exploitations des ressources naturelles qui ont lieu près de leurs communautés, une large majorité (83%) des Tunisiens affirment qu’il faut plus de réglementation environnementale. Environ la moitié des citoyens affirment que les avantages l’emportent sur les coûts environnementaux (48%), mais que les citoyens ordinaires n’ont pas voix au chapitre des décisions prises (48%) et que les communautés ne reçoivent pas une part équitable des revenus (49%). Une majorité de Tunisiens pensent que le changement climatique impacte les ressources en eau, sans relever que le changement climatique va affecter le pouvoir d’achat et cause des inégalités sociales. Ainsi, beaucoup de personnes interrogées associent la question environnementale à la problématique de la gestion des déchets. Pour autant, on doit identifier le responsable majeur de la réponse à apporter au changement climatique, selon l’aspect individuel ou la locomotive de l’effort collectif. Le producteur pollueur doit payer la facture des dégâts causés par le CC. De ce raisonnement, une intervenante dans la salle parle des choix économiques faits par les producteurs et les consommateurs et écologiques puisqu’on veut vendre des bouteilles plastiques, en consommer aussi car c’est moins contraignant. Tout cela rajoute au désastre, car la consommation de plastique devient importante. Une membre du réseau Iwatch parle des obstacles et des entraves qui avantagent les producteurs au détriment des citoyens, notamment dans le rôle de l’Etat. De la lecture et la présentation des résultats assurés par Youssef Meddeb, directeur général et cofondateur de One to One, ressort un questionnement. Ainsi un ensemble de questions préalables ont fait l’objet de l’enquête Afrobaromètre conduite par One to One du 21 février au 17 mars 2022 portés aux Tunisiens et Tunisiennes, soit 1.200 adultes.

Comment les Tunisiens perçoivent-ils l’occurrence de certains phénomènes naturels dans leurs régions, tels que la sécheresse et les inondations, au cours des dix dernières années ? Comment les Tunisien.ne.s perçoivent-ils l’impact du changement climatique sur la qualité de la vie en Tunisie ? Un citoyen ordinaire peut-il jouer un rôle dans la réduction du problème du changement climatique ? Qui devrait être le premier responsable de la limitation du changement climatique ? Quels sont les problèmes environnementaux les plus importants de leur point de vue ? Dans quelle mesure la pollution est-elle une menace pour eux ? Quelles sont les principales sources de pollution ? Quels sont les principaux acteurs qui devraient réduire la pollution selon eux ? Quelles sont les attitudes des Tunisiens sur la question de l’extraction des ressources naturelles et de leurs coûts environnementaux ?

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