Entre discours alarmistes et d’autres rassurants… : L’inflation donne du fil à retordre

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Selon certains économistes, «l’inflation est devenue un problème structurel et non circonstanciel dans notre pays». Et même si, d’après les dernières statistiques publiées par l’Institut national de la statistique, l’inflation a frôlé les 10 % au mois de novembre dernier, ce taux reste acceptable par rapport à d’autres pays, estime la ministre du Commerce et du Développement des exportations, Fadhila Rebhi.

L’inflation augmente encore au mois de novembre pour atteindre 9,8%, selon les derniers chiffres de l’Institut national de la statistique (INS). Le taux a été de 9,2% au mois d’octobre. D’après la même source, les prix des services ont subi une hausse de 6%, tandis que ceux des produits manufacturés ont affiché une augmentation de 9,8%. De l’autre côté, les prix de l’alimentation ont augmenté de 15,1% sur un an. Les prix des œufs ont augmenté de 43,4% et ceux des légumes ont connu une hausse de 32,4%. Mais comment se mesure l’inflation ?

Une inflation acceptable ?

Les instituts statistiques s’appuient sur un «panier» de plusieurs centaines de biens et de services consommés par les ménages, qui vont des produits alimentaires à l’abonnement chez un opérateur téléphonique… Pour calculer l’indice des prix à la consommation, ils effectuent des pondérations dans ce panier, afin de donner plus de poids aux biens et services qui sont davantage consommés par les ménages. Les prix de l’énergie ont ainsi plus de poids que ceux du timbre-poste. Si l’indice des prix qui en résulte augmente par rapport à l’année précédente, on parle d’inflation.

Il s’agit cependant d’une moyenne : tous les ménages ne consomment pas exactement les mêmes produits et services dans les mêmes proportions, et la hausse des prix ne les affecte donc pas tous de la même manière.

Dans la zone euro, le taux d’inflation annuel est estimé à 10% en novembre 2022, contre 10,6% en octobre, selon une estimation rapide publiée par l’Office statistique de l’Union européenne (Eurostat).

La ministre du Commerce et du Développement des exportations, Fadhila Rebhi, veut voir le bon côté des choses. Elle vient d’affirmer, suite à la publication des derniers chiffres de l’INS, que « la hausse du taux d’inflation et des prix en Tunisie est acceptable par rapport à d’autres pays».

Elle a déclaré que le taux d’inflation estimé à 9.8% reste inférieur par rapport d’autre régions dans le monde, tels que l’Europe où le taux d’inflation a dépassé les 10%. Elle a aussi précisé que « la Tunisie importe tous ses besoins de l’étranger, ce qui explique la hausse du taux de l’inflation à l’importation». Selon Rebhi, «la crise est mondiale et la seule issue, c’est de travailler d’arrache-pied, soutenir l’exportation, créer la richesse et faire pression sur les coûts».

Une grave erreur

De son côté Mokhtar Lamari, économiste et universitaire au Canada, a estimé que le communiqué publié cette semaine par l’Institut national de la statistique comporte une grave erreur.

«Au mois de novembre 2022, les prix à la consommation augmentent de 0,6%. L’inflation augmente à 9,8%. Comme il y est écrit, et avec les chiffres annoncés dans le graphique, le taux de 0,6% est nébuleux…», selon Lamari, le taux annoncé induit en erreur et laisse croire que l’augmentation de l’inflation est très faible et très marginale, alors que pour lui, la réalité est tout autre. «L’erreur a d’énormes implications sur les décisions à prendre par le gouvernement», a mis en garde Lamiri. Il a poursuivi «pour calculer un taux de croissance du taux d’inflation entre deux périodes t1 (novembre) et t0 (octobre), on fait la différence des 2 taux de croissance : soit 9,8-9,2=0,6. Et on divise cette différence par la donnée de t0. Une formule dominante dans la production de ces estimations. L’INS se serait arrêté par inadvertance dans le premier bout de la formule, et n’a pas relativisé par la division requise. Le vrai chiffre serait le suivant : 0,6/9,2=0,0652, soit 6,52% et pas 0,6%. L’erreur est immense, dans une propension de 1 à 10 ».  

10,3 % en décembre

Selon les spécialistes, il est totalement faux de penser que ce que l’on appelle communément «inflation» se résume simplement à l’augmentation des prix à la consommation. L’inflation ne doit pas se définir comme une augmentation des prix à la consommation, mais comme une augmentation de la masse monétaire. L’augmentation des prix à la consommation n’est que l’un des symptômes de l’inflation, tout comme  l’augmentation du prix des actifs.

Cette distinction est importante. Il en découle que l’inflation est bien installée et elle est bien présente depuis plusieurs années. D’ailleurs,  l’analyste financier, Moez Hadidane, n’est pas optimiste concernant l’évolution de la situation économique en Tunisie dans l’avenir proche. Selon lui, la montée du taux d’inflation est loin d’être finie et devrait se poursuivre en décembre pour atteindre 10,3%. Il a estimé que la montée du taux d’inflation à 9,8% en novembre était attendue. Cela revient d’après ses propos à l’augmentation de certaines taxes, à la levée des subventions sur certains produits, en plus de la hausse des prix des carburants.

Il est à préciser, également, que l’Ordre des experts comptables de Tunisie (Oect) a appelé, récemment, à ne pas inscrire dans la loi de finances 2023 des mesures susceptibles d’augmenter la pression fiscale et le taux d’inflation, à alourdir davantage les charges des citoyens et des entreprises et à impacter le pouvoir d’achat et le climat des affaires.

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