Au cœur d’une tension sociale : L’Ugtt face à l’ultime choix ?

 

Entre le gouvernement, et derrière lui le Président de la République, et l’Union générale tunisienne du travail (Ugtt), rien ne va plus. Pour certains, la confrontation s’avère inévitable à la lumière des déclarations incendiaires de la Centrale syndicale. Mais celle-ci peut-elle toujours compter sur son pouvoir de mobilisation populaire ?

Depuis le 25 juillet, les relations entre l’Ugtt et les autorités sont mitigées. Sauf qu’avec l’aggravation de la crise sociale, on s’aperçoit que le fossé est en train de se creuser entre les deux parties et que parfois, la rupture est envisageable. Les dernières réactions du chef de la Centrale syndicale, Noureddine Taboubi, viennent confirmer cette tendance qui met à mal toute la stabilité du pays. Le secrétaire général de l’Ugtt a même annoncé que la centrale syndicale «prendra la décision adéquate pour l’intérêt du pays et que beaucoup de temps s’est écoulé».  

Revenant sur les élections du 17 décembre, Taboubi a estimé à l’occasion d’un rassemblement des agents agricoles devant le siège de l’Office des terres domaniales, que «le peuple déteste tous les partis, mais il semble que l’opposition n’a pas retenu la leçon. Le peuple est suffisamment intelligent pour répondre au bon moment et on ne va pas laisser le pays en proie au populisme».

Par ailleurs, Taboubi a estimé que «le Président de la République, Kaïs Saïed, a échoué dans la gestion des affaires du pays», l’appelant à «s’asseoir à la table de dialogue».

«La Tunisie appartient à tous ses enfants, nous voulons y vivre en toute liberté et en partenariat, opinion contre opinion et idée contre idée», a-t-il dit, déplorant que «le pays ait commencé à se diriger vers le clanisme, alors qu’il appartient à tous ses enfants». Il considère que «nous n’avons aucun autre choix que le dialogue, mais ils veulent nous mener à l’affrontement et à la violence qui sont inacceptables».

Il s’est arrêté à la situation déplorable dans le pays, avec la pénurie des produits de base, et des médicaments : «Le temps a expiré et la situation s’est envenimée», a-t-il asséné, signalant que «le peuple va exercer des pressions à travers un militantisme encadré et organisé».

Un dilemme ?

Au fait, ces déclarations ont été interprétées par les observateurs de la scène nationale comme étant un préavis de grande mobilisation de la part de l’Ugtt. Et si on sait que d’habitude, les hivers en Tunisie sont «assez chauds», il faut s’attendre à des formes de mobilisation populaire de la part de la Centrale syndicale d’ici au mois de janvier et avec l’aggravation de la crise économique qui risque, selon certains sociologues, de faire exploser davantage la situation sociale du pays.

Si Taboubi a affirmé que «l’Ugtt n’abandonnera pas son rôle national et sera un bouclier contre quiconque cherche à démembrer le pays», il faut en effet s’attendre à ce genre de mobilisation, mais à quel prix ? Le pays peut-il supporter plus de tension ? Le Tunisien saura-t-il gérer son quotidien à la lumière de ces rebondissements ? Tant de questions qui se posent, mais la plus importante étant de savoir si l’Ugtt jouit de ce pouvoir magique de mobilisation longtemps observé depuis la révolution de 2011.

Au fait, l’Ugtt, opposé aux réformes douloureuses voulues par le Fonds monétaire international, a, à maintes reprises, essayé de retarder sa décision. Appeler à une mobilisation générale, voire à une nouvelle grève générale après celle du 16 juin 2022, s’avère un exercice périlleux. D’une part, cette décision pourra envenimer davantage la situation sociale et, d’autre part, elle pourrait être contre-productive vu la donne économique.  

De même, l’Ugtt est toujours exposée aux risques de s’ingérer davantage dans les affaires politiques du pays. Si son secrétaire général Noureddine Taboubi a tenu à rappeler que la centrale syndicale n’était pas un parti politique, une divergence de points de vue l’opposait assurément au gouvernement et à la présidence de la République.

D’ailleurs, pour Taboubi, «il n’y a pas eu de changements… Nous n’avons pas vu de programme… Nous n’avons pu constater qu’un populisme exagéré et un processus nous menant vers la mauvaise direction… Il y a une divergence entre les déclarations des responsables du FMI et celles du gouvernement… L’équipe de Bouden a perdu sa crédibilité. Nous n’avons plus confiance en elle».

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