A la rencontre de Atef Belhassine, Acteur : «Je deviens prudent à l’égard des télévisons !»

Après sa participation au feuilleton «Chouerreb 2», Atef Belhassine reprend son projet «L’acteur devant la caméra». Il nous en parle dans cet entretien tout en pointant du doigt les dépassements des télévisions dans le profond déni des lois et en l’absence de toute structure qui protège les producteurs.

Vous êtes en pleine préparation de l’atelier « L’acteur devant la caméra « ….

En effet c’est un atelier qu’on organise depuis sept ans à Tunis. Mais depuis l’année dernière nous avons étendu cet atelier aux régions avec des subventions du ministère des Affaires culturelles  et des partenaires comme l’AAC (Académie des arts de Carthage) et le ministère de la Jeunesse et des Sports. Le principe est de se déplacer dans les gouvernorats dans l’objectif de tourner  des courts  métrages avec une équipe technique jeune et des acteurs venant des régions et qui pour la  première fois se tiennent devant la caméra. Le projet est à sa deuxième année. L’année dernière nous avons visité six régions et à la fin de cet été nous  entamerons six autres régions jusqu’à couvrir les 24 gouvernorats. Dans ces régions nous avons eu des jeunes qui ont une expérience dans le théâtre et qui ont eu l’occasion de voir la différence entre le jeu théâtral et le jeu devant la caméra. Ce sont des textes de Hatem Marhoub  et cette année, nous avons ouvert la participation à des scénarios qui viennent des régions. Je suis accompagné par Mohamed Ali Chouaib,  un jeune directeur photo compétent et qui encadre l’équipe technique et de ma part je m’occupe de la direction artistique. On essaie de mettre tous nos moyens techniques et artistiques au service de ce projet. 

Quel est le rapport des jeunes de ces régions avec la caméra ? 

Une relation très forte à l’image et à la caméra. Nous recevons un grand nombre de participants dans chaque région. On a eu d’agréables surprises par exemple à Gafsa avec 300 personnes pour un casting …C’est un projet qui a créé une grande dynamique dans les régions. ll faut noter qu’il y a un vide culturel terrible dans ces régions …. Que peut faire un jeune de Kasserine un 15 août par exemple ? 

Comment êtes-vous venu à Chourreb 2 ? 

Sincèrement je me suis retiré un peu de la télévision. Disons  que je suis devenu prudent à l’égard des  télévisons. Surtout après la mauvaise expérience que j’ai eue avec El Hiwar Ettounsi qui m’a un peu démotivé. J’ai fait cela par amitié pour Rania Mlika, la productrice de Chouerreb 2. Et parce que je sais à quel point c’est difficile pour une femme de produire pour les télévisons en Tunisie. Son expérience est d’ailleurs semblable à celle de mon épouse  Myriam Belhaj Yahia dans le feuilleton «El M’nara» sur «Al Hiwar Ettounsi». Je n’ai pas hésité un instant. Il y a aussi d’autres garanties comme celle de Medih Belaid en tant que réalisateur et Lotfi Abdelli qui est un ami. C’est pour cela que je l’ai fait. Du reste les magouilles des télévisons sont trop visibles …

C’est-à-dire ? 

Aujourd’hui les télévisons sont comme les lobbies dont le jeu n’est un secret pour personne. On trouve par exemple une chaîne qui produit avec des radios et des animateurs qui ne font qu’encenser ses productions. Il y a une très  grande exploitation des professionnels de la part des télévisons et beaucoup de dépassements sans qu’il n’y ait aucun organisme de régulation. Cette année, il y a eu de bonnes productions mais est-ce que les producteurs ont payé ou pas ? Vont-ils reconduire leur expérience ou pas ? L’avenir nous le dira. 

A ce point les télévisons ont un mauvais  rapport avec les producteurs ? 

Evidemment. Il n’ya qu’à voir les dépassements de «Al Hiwar Ettounsi» avec des producteurs comme Nejib Ayed, Slim Hfaïedh, et moi-même. Là je précise que nous avons porté plainte et notre dossier est entre les mains  de la justice.

Il n’y a malheureusement pas d’éthique  dans nos télévisions… Elles ne respectent aucun contrat.Il y a urgence à réviser ce métier dans les normes de cette éthique. Il ne faut pas oublier que la télévision est un accessoire «dangereux « dans un foyer. Je répète qu’il n’y a aucun organisme régulateur. Il est temps d’exiger la promulgation ou l’application de la loi pour protéger les producteurs. Tout ce que je souhaite c’est que l’exception qui a eu lieu pendant le Ramadan se poursuive.

Pour un acteur qui a fait du théâtre est-il prêt pour la télévision ? 

Il y a un très grand malentendu sur ce sujet. La formation théâtrale n’a aucun rapport avec la caméra que ce soit à la télé ou au cinéma. En Tunisie nous avons tendance à tout mélanger. Ce sont deux mondes, deux énergies, deux dosages, deux techniques  très différents. Tout cela ne peut pas servir le métier …

Votre avis sur les derniers attentats à Tunis ? 

Cela fait des années que nous savons que le terrorisme rôde parmi nous à travers ses cellules dormantes dans la ville ou dans les montagnes. Malgré tous les efforts déployés par nos services de sécurité que je respecte, cela demeure insuffisant parce qu’il y a un manque de travail sur la culture qui est le seul garant pour que l’esprit d’un jeune Tunisien ne se tourne pas vers le terrorisme. L’Etat tunisien doit prendre en considération cet élément vital pour protéger les jeunes. Nous avons plus de 220 maisons de la culture en Tunisie mais qui ferment le samedi et le dimanche.

Or c’est pendant  les week-ends qu’il faut offrir aux jeunes des activités qui les enrichissent. Bien sûr le ministère des Affaires culturelles et ses cadres sont ouverts à l’idée mais aucun chef de gouvernement n’a décidé  l’ouverture des maisons des jeunes pendant le week-end… Le corps cultivé est le seul corps que l’esprit terroriste ne peut atteindre.

Laisser un commentaire