Golfe de Gabès : Ces chalutiers qui font la loi !

 

Faute de protection, le golfe de Gabès, qualifié de « point chaud de pollution en Méditerranée », semble avoir perdu les atouts écologiques exceptionnels dont il s’est, jadis, distingué. Son écosystème si dégradé est doublé d’une pêche au chalut jugée abusive et menaçant la durabilité des ressources halieutiques dans la région. Des associations et des écolos, défenseurs de la nature, ont réagi, en connaissance de cause.

Le golfe de Gabès est la pépinière généreuse et le berceau de la reproduction des poissons de la Méditerranée, dont 28% au Golfe de Gabès et son large. Il est particulièrement connu pour ses hauts fonds et ses eaux peu profondes, riche de grandes prairies de posidonie et autres plantes marines, mais aussi d’un marnage exceptionnel, où la variation entre la marée haute et la marée basse arrive jusqu’à 2,10 mètres en hiver. Au début du mois lunaire, elle procure à cette zone une richesse bien considérable en plancton, phytoplancton et créatures marines minuscules, sources de nourrissage des poissons.

Un cri d’alarme !

Après la révolution et jusqu’à nos jours, le Golfe de Gabès est en train de subir une pression sauvage. Les réglementations et les interdictions régularisant aussi bien les méthodes de pêche que les saisons d’ouverture et de fermeture ne sont plus respectées. Encore plus grave, les profondeurs permises pour le chalutage, à partir de 50 mètres, ne sont plus respectées. Drôle de ces chalutiers qui font la loi. C’est grave ! Mais cela ne date pas d’hier. Un collectif associatif, le Réseau tunisien de la pêche traditionnelle durable, avait, en 2018, condamné les décisions prises par l’Utap, portant, à l’époque, sur le gel de certaines dispositions de la loi régissant le secteur de la pêche, en particulier les mesures de protection du golfe de Gabès et l’organisation de l’activité des chalutiers. Ces derniers n’en faisaient qu’à leur tête. Ils continuent à faire la loi, quitte à priver environ 40 mille familles de la région de leurs moyens de subsistance. « Aussi, cette pêche au chalut illicite risque-t-elle de peser sur nos richesses halieutiques et détruire les écosystèmes du golfe de Gabès.. », se préoccupent ces petits pêcheurs traditionnels. Ils sont toujours sur le qui-vive.

Il y a quelques jours, M. Abdelmajid Dabbar, un fervent écolo et président de l’Ong « Tunisie écologie », avait lancé, sur sa page facebook, un cri d’alarme, suite auquel il a interpellé les autorités sur un problème persistant: « Les pêcheurs utilisant des méthodes artisanales et traditionnelles font face à d’énormes difficultés vitales, car leurs filets déposés la veille sont détruits et éventrés par les chaluts, se trouvant le lendemain à zéro, sans matériel pour gagner leur vie ». Et de poursuivre que ce chalutage vient aussi sur les prairies de posidonie sauvagement arrachées sans pitié ni considération, rendant les fonds de la mer un désert sans vie. « Une autre activité d’horreur non loin du chalut, les filets dits « kyss ». Pire encore, les mailles de ces filets sont fines ne laissant pas les petits poissons sortir et une fois ramassés, ils sont jetés parce qu’ils n’ont pas une valeur commerciale », relève-t-il encore. Bien que le kyss soit interdit par la loi n° 15 de janvier 1994, il est encore produit par deux usines ; l’une à Sfax et l’autre à Teboulba, précise M. Dabbar.

A Kerkennah, les marins pêcheurs grognent

Face à l’invasion des côtes de Kerkennah par la pêche à l’usage illicite de kyss, souligne-t-il, les marins pêcheurs de l’île montent le ton, menaçant, ainsi, de quitter la Tunisie pour migrer vers l’Italie. Quitte à perdre leurs moyens de subsistance : Leurs installations traditionnelles et les pièges de poulpes sont complètement ravagés. Pourtant, les gardes- pêche n’ont cessé, depuis 2011, de tirer la sonnette d’alarme. A Sfax, à Skhira et à Kerkennah, l’on souffre de l’anarchie et la destruction sauvage de nos ressources naturelles marines par des bandits de la mer, au vu et au su de tous. Sans que les autorités ne fassent bouger les lignes pour donner à ce sujet l’importance qu’il mérite. Ceci étant, une politique générale sans exception ! C’est là que le bât blesse.

Un manque à gagner ?

En réalité, économie, agriculture, activités sociales ou autres, tous nos secteurs vitaux sont, désormais, touchés et mis à genoux. Ainsi, la pêche n’a pas été aussi épargnée. « Quand ce secteur demeure menacé par ses professionnels, soit par les pêcheurs eux-mêmes », s’alarme-t-il, en ces termes, pointant du doigt les non avertis, « ceux qui pensent à être des riches un jour, mais ils seront des pauvres pour toujours ». M. Dabbar a terminé sur une note négative : « La Tunisie, qui était exportatrice des poissons et produits de la mer, est devenue, aujourd’hui, importatrice et consommatrice des poissons d’élevage, d’importation et de congélation.. ». Un manque à gagner, pour ainsi dire.

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