Ezzedine Saidane, économiste

«La Tunisie se trouve dans une situation très critique, et ce, aussi bien sur les plans économique, financier que monétaire. Le pays ne sera pas en mesure de réformer les finances publiques, les institutions publiques et redresser le pouvoir d’achat des citoyens sans réformer l’économie. En ce qui concerne la nouvelle loi de finances, elle n’a pas d’empreinte économique. Elle n’encourage pas l’investissement et n’annonce aucune réforme. Il s’agit tout simplement d’une loi de recouvrement visant à mobiliser des ressources au profit de l’Etat, quelles que soient les conséquences de cette politique sur la situation économique en Tunisie. La loi de finances 2023, estimée à 70 milliards de dinars, a connu une augmentation d’environ 13 milliards de dinars par rapport à celle de 2022, qui était de l’ordre de 57 milliards de dinars».

Amine Ben Gamra, expert-comptable et commissaire aux comptes

«Flambée des prix, guerre, hausse des taux, réchauffement climatique…, l’économie mondiale a finalement subi une succession de crises aggravées par l’invasion russe en Ukraine, laissant présager une difficile année 2023. L’année passée restera celle des poly-crises: des chocs hétérogènes qui interagissent, rendant l’ensemble accablant. Le monde n’a pas connu une situation aussi compliquée depuis la Seconde Guerre mondiale. Inégalée depuis les années 1970-80, l’inflation pousse des millions de ménages de pays développés dans la précarité et menace ceux des pays pauvres d’une misère accrue. Pour Kristalina Georgieva, la directrice générale du Fonds monétaire international, l’année qui vient de s’ouvrir sera plus difficile que celle qui s’est terminée. Les Etats-Unis pourraient éviter la récession  mais  la moitié de l’UE sera en récession, selon elle. Avec le bond du Covid en Chine, les deux prochains mois seront difficiles.

Cette fois, des récessions de part et d’autre de l’Atlantique tireraient vers le bas l’économie mondiale. Sa croissance pourrait être inférieure à la prévision d’octobre de 2,7 % du FMI, son niveau le plus faible depuis 2001 – excepté la crise financière de 2008 et celle de la pandémie de Covid en 2020. Pour la Banque mondiale, le PIB de la planète ne progresserait que de 1,9 %, un niveau dangereusement proche d’une récession mondiale, selon son président, David Malpass. En Tunisie, le gouvernement, par dogmatisme, n’a pas pris les mesures nécessaires pour éviter les catastrophes à venir. Et comme si ces problèmes n’étaient pas suffisamment sérieux, tout porte à croire que la réponse des dirigeants politiques transformera un contexte grave en une situation encore plus catastrophique ».

Fathi Ben Khalifa, conseiller économique de l’Utap

«Nous n’avons pas été invités à nous prononcer sur la loi de finances 2023, alors que nous sommes l’organisme le plus concerné par la sécurité alimentaire. Toutes les forces vives du pays, et les professionnels de chaque secteur auraient dû être impliqués dans l’élaboration du texte. L’année 2023 sera tout aussi difficile que les deux années précédentes pour le secteur agricole. Plusieurs filières seront exposées à des dangers, comme la filière avicole et laitière, entre autres. Nous serons aussi confrontés à des difficultés en ce qui concerne l’alimentation animale, question totalement absente de la LF. Il faut mettre en exécution la stratégie nationale de sécurité dans le blé dur et dans les grandes cultures en général, en plus de la question du stress hydrique.

Depuis un certain temps, la Tunisie est confrontée à des problèmes liés aux engrais et aux retards voire aux manques considérables dans l’approvisionnement de certains intrants, tels que l’ammonitrate, le DAP. Je pense que ces facteurs rendent toute stratégie inutile, car une stratégie est un engagement de l’Etat, pour lequel tous les organismes étatiques doivent répondre présents, je citerai les banques, le Groupe chimique…, avec un schéma de financement clair. En ce qui concerne le soutien à l’approvisionnement du marché en lait et beurre, l’article 21 se limite à l’importation du lait en poudre et du beurre, alors que la filière laitière en Tunisie est au bord de l’effondrement. Celle-ci était auparavant excédentaire. Il aurait été plus judicieux de soutenir la production nationale et d’écouter les exploitants aujourd’hui confrontés à la hausse des coûts de revient ».

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