Croissance mondiale : Un ralentissement net et… durable !

 

Sur la période 2022-2024, l’investissement brut dans les économies de marché émergentes et en développement devrait augmenter d’environ 3,5 % en moyenne, soit moins de la moitié des taux observés au cours des deux décennies précédentes.

La Banque mondiale vient de publier l’édition 2023 de son rapport «Perspectives économiques mondiales». Sans aucune surprise et vu la situation géopolitique et économique fragile dans laquelle se trouvent plusieurs pays, causée notamment par la série de crises successives que connaît le monde entier et leur répercussion (la pandémie de Covid-19 et la guerre russo-ukrainien, notamment), un ralentissement net et durable de l’activité va frapper durement les pays en développement.

Une situation économique précaire

Selon l’institution de Bretton Woods, la croissance marque fortement le pas sous l’effet de l’inflation, de la hausse des taux d’intérêt, de la diminution des investissements et des perturbations causées par l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Compte tenu de la précarité de la situation économique, toute nouvelle évolution défavorable — comme une inflation plus élevée que prévu, une hausse brutale des taux d’intérêt pour la contenir, une résurgence de la pandémie de Covid-19 ou une escalade des tensions géopolitiques — pourrait faire entrer l’économie mondiale en récession. Ce serait la première fois en plus de 80 ans que deux récessions mondiales se produiraient au cours de la même décennie.

A cet effet, la croissance de l’économie mondiale devrait s’établir à 1,7 % en 2023 (contre un taux de 3 % prévu il y a six mois), puis à 2,7% en 2024. La banque anticipe aussi un ralentissement marqué et généralisé avec des prévisions revues à la baisse pour 95 % des économies avancées et près de 70% des économies de marché émergentes et en développement.

Par ailleurs, au cours des deux prochaines années, la croissance du revenu par habitant dans ces économies devrait être de 2,8 % en moyenne, c’est-à-dire un point de pourcentage de moins que la moyenne enregistrée sur la période 2010-2019.

Mena : la croissance devrait ralentir à 3,5 % en 2023

Dans la région Moyen-Orient-Afrique du Nord (Mena), l’économie a enregistré une croissance d’environ 5,7 % en 2022, ce qui traduit son taux le plus élevé depuis dix ans. Mais ce sont les pays exportateurs de pétrole et de gaz qui ont profité de la hausse exceptionnelle des cours et de l’augmentation de la production. Cette embellie témoigne également de la reprise en cours dans le secteur des services après le marasme causé par la pandémie de Covid-19.

Néanmoins, la région reste marquée par des conditions économiques et des trajectoires de croissance très divergentes, des niveaux élevés de pauvreté et de chômage dans de nombreux pays, une faible progression de la productivité du travail, des vulnérabilités élevées et des contextes politiques et sociaux fragiles. Le rapport ajoute que de nombreux pays pétroliers de la région ont connu en 2022 une hausse rapide de leurs exportations et de leur production. Ainsi, l’Arabie saoudite, le Koweït et les Émirats arabes unis ont vu leur production augmenter à son rythme le plus rapide depuis une dizaine d’années. Grâce à des taux de change fixes et aux subventions sur les carburants, les pays du Conseil de coopération du Golfe ont aussi pu maintenir l’inflation des prix à la consommation bien en dessous de la moyenne mondiale.

En revanche, la hausse de l’inflation et le resserrement des conditions financières ont pesé sur l’économie des importateurs nets de pétrole, à l’image de l’Égypte et du Maroc, dont la croissance a considérablement ralenti au cours du premier semestre de l’année dernière. En glissement annuel, la hausse des prix à la consommation a atteint l’an dernier des taux à deux chiffres dans de nombreux pays qui ont subi une dépréciation importante de leur taux de change et une forte augmentation du prix des denrées alimentaires et de l’énergie.

Donc, selon les prévisions de l’institution internationale, la croissance de la région Mena devrait ralentir à 3,5% en 2023 et à 2,7% en 2024. Cette baisse est principalement due à l’essoufflement du rebond dans les pays exportateurs nets de pétrole, où la croissance devrait tomber à 3,3 et 2,3% en 2023 et 2024, respectivement, contre 6,1% en 2022.

Les économies avancées ne font pas l’exception

La croissance des économies avancées devrait, quant à elle, chuter de 2,5% en 2022 à 0,5% en 2023. En effet, durant ces deux dernières décennies, des ralentissements de cette ampleur étaient annonciateurs d’une récession mondiale.

Aux États-Unis, la croissance devrait tomber à 0,5% en 2023. Ce taux, inférieur de 1,9 point de pourcentage par rapport aux prévisions précédentes, constituera la plus faible performance enregistrée par ce pays depuis 1970, en dehors des épisodes officiels de récession. En 2023, la croissance de la zone euro devrait être nulle, ce qui correspond à une révision à la baisse de 1,9 point de pourcentage. Alors que pour la Chine, elle devrait enregistrer une progression de 4,3% en 2023, soit 0,9 point de moins que les prévisions précédentes.

En excluant la Chine, la croissance des économies de marché émergentes et en développement devrait ralentir de 3,8 % en 2022 à 2,7 % en 2023, en raison d’une demande extérieure nettement plus faible conjuguée à une forte inflation, des dépréciations monétaires, un resserrement des conditions de financement et d’autres difficultés intérieures.

Fin 2024, les niveaux de PIB dans les économies émergentes et en développement resteront inférieurs d’environ 6 % aux prévisions antérieures à la pandémie. Par ailleurs, même s’il est probable que l’inflation mondiale se modère, elle demeurera supérieure aux niveaux d’avant le Covid.

Qu’en est-il de la progression de l’investissement ?

Le rapport fournit, en outre, la première évaluation complète des perspectives à moyen terme de la progression de l’investissement dans les économies de marché émergentes et en développement. Sur la période 2022-2024, l’investissement brut dans ces pays devrait augmenter d’environ 3,5 % en moyenne, soit moins de la moitié des taux observés au cours des deux décennies précédentes. Dans ce même cadre, le rapport suggère aux décideurs politiques différentes options pour accélérer la croissance de l’investissement.

Le document met, également, en lumière les difficultés spécifiques de 37 petits États, des pays dont la population est inférieure ou égale à 1,5 million d’habitants et qui ont connu un ralentissement plus marqué et un rebond beaucoup plus limité que les autres économies après la pandémie, en partie à cause des perturbations prolongées du tourisme. Il souligne qu’en 2020, la production économique des petits États a chuté de plus de 11 %, sept fois plus que dans les autres économies émergentes et en développement.

De ce fait, ces pays subissent souvent des pertes liées aux catastrophes qui représentent en moyenne environ 5 % du PIB par an, ce qui constitue un sérieux obstacle à leur développement économique. Face à ce constat alarmant, le rapport appelle la communauté internationale à aider les petits États en maintenant les flux d’aide publique nécessaires pour soutenir l’adaptation au changement climatique et contribuer à rétablir la viabilité de la dette.

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