Regard d’expert | Skander SALLEMI, président de l’Association Tunisienne pour la Gouvernance Fiscale, à La Presse : «Le nouveau plan de développement rassure les investisseurs et les partenaires économiques»

 

«Le nouveau modèle se montre plus convaincant que l’ancien, notamment en allant vers la décentralisation, en donnant aux régions la possibilité de fixer leurs propres objectifs selon leurs priorités, tout en imposant la nécessité de poursuivre la mise en place des structures et des institutions nécessaires à cette décentralisation».

Les axes du nouveau plan de développement 2023-2025 ont été dévoilés récemment. Quelle lecture faites-vous de ce nouveau projet ?

Il faut dire que c’est la première fois depuis 2011 qu’un gouvernement arrive à élaborer une vision stratégique cohérente et un nouveau modèle de développement pour le pays. De ce fait, avoir un plan de développement cohérent avec une vision stratégique ne peut être que positif et permettra de dissiper le flou qui entourait les choix et les orientations du pays dans un contexte national et international exceptionnel. Il est indispensable pour rassurer les investisseurs et les partenaires économiques du pays. Ce document peut être considéré comme un engagement du pays sur des objectifs clairs et bien définis et permettra aussi de mesurer les actions futures afin de se prononcer sur l’efficacité des gouvernements et de leur crédibilité.

Les experts économiques voient dans ce nouveau modèle de développement de nouveaux axes de politique économique et sociale. Qu’en pensez-vous ?

Le nouveau modèle de développement jette les bases des nouvelles politiques économiques et sociales inscrites dans l’air du temps. Il comporte les fondements d’une politique économique moderne et innovante en déclinant comme objectif la réalisation d’un développement durable et inclusif. Il promet une démarche participative et inclusive dans la réalisation des objectifs décrits avec un rôle essentiel du secteur privé dans la création de la richesse, tout en insistant sur le rôle social de l’Etat.

Contrairement au modèle actuel, le nouveau modèle se montre plus convaincant en allant vers la décentralisation, en donnant aux régions la possibilité de fixer leurs propres objectifs selon leurs priorités, tout en soulignant la nécessité de poursuivre la mise en place des structures et des institutions nécessaires à cette décentralisation.

Quels sont d’après vous les enjeux prioritaires pour la Tunisie dans les années à venir? Que peut être l’apport des acteurs économiques dans le nouveau modèle de développement ? La mobilisation des compétences est plus que jamais à l’ordre du jour. Comment peut-on intensifier leur contribution aux différents chantiers de développement ?

L’environnement, l’énergie et l’agriculture constituent des enjeux prioritaires pour la Tunisie. Ils sont indispensables pour la stabilité économique et sociale du pays. L’environnement constitue une priorité vu la spirale des complications qu’il continue à générer sur le plan sanitaire, social et politique. Le déficit énergétique dans un contexte mondial instable menace les équilibres budgétaires et impacte la compétitivité de l’économie nationale, d’où l’orientation du nouveau modèle de développement vers les énergies renouvelables. De même, l’agriculture constitue un élément clé dans la sécurité alimentaire tout comme dans l’industrie agroalimentaire.

Son développement est indispensable pour freiner le déficit commercial et le déséquilibre budgétaire.

Le nouveau modèle de développement a donné aux acteurs économiques du secteur privé une grande importance en les considérant comme partenaires principaux de l’Etat, en les invitant à jouer un rôle responsable dans la réalisation d’un développement durable. Il a accordé aussi une grande importance au partenariat public-privé. Le nouveau plan de développement évoque la nécessité de faciliter l’accès au financement et aux moyens de production par la mise en place d’une infrastructure juridique et institutionnelle adéquate.

Il considère, aussi, que le capital humain est la clé pour un développement durable, d’où l’importance de la mobilisation des compétences tunisiennes à l’étranger d’une part et à travers le développement des compétences locales entre autres dans le secteur des services.

Au regard du profil de la croissance actuelle, à quel horizon temporel situez-vous le décollage économique de la Tunisie qui nourrit de grandes ambitions en termes d’amélioration des indicateurs sociaux ?

En se basant sur l’état actuel des choses et sur le rythme du travail du gouvernement actuel, le décollage économique du pays reste tributaire de préalables indispensables à la mise en œuvre du nouveau plan de développement. Parmi ces éléments indispensables, il faut souligner l’importance de la restructuration de l’administration, et la réussite de la décentralisation. En effet, l’administration, qui est censée assumer l’importante tâche de la mise en œuvre du nouveau plan de développement, constitue l’obstacle majeur devant toute initiative de modernisation et de décentralisation.

A ne pas oublier aussi l’importance de l’amélioration du climat des affaires qui reste à son tour déterminant pour que le secteur privé puisse jouer le rôle qui lui est réservé par le nouveau modèle de développement. En conséquence, une amélioration sensible de la situation économique et sociale peut être espérée d’ici la fin de l’année 2023.

Cela à la condition que la réalisation du plan de développement démarre avec des actions concrètes et arrive à lever les blocages imposés par la bureaucratie et le mode de travail archaïque de l’administration ainsi que la réduction du fardeau des obligations lourdes et coûteuses imposées aux TPE.

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