Deux chasseurs nous quittent

Editorial La Presse

 

Hier fut une journée lourde de deuil avec la perte concomitante de deux illustres personnalités du monde des arts et du tourisme. Le premier est un chasseur d’images et le second n’a jamais manqué une battue. Il s’agit d’Abdellatif Ben Ammar, illustre cinéaste, l’un des pionniers du 7e art dans le pays, notamment avec Octobre 65 de Hassen Daldoul (1965) ou  dans Follow me de Roberto Cavalloni et Justine de Joseph Strick, Biribi de Daniel Moosman, Rebel Jesus de Larry Buchanan, Le Messie de Roberto Rossellini et Les Magiciens de Claude Chabrol ou encore dans Jésus de Nazareth de Franco Zeffirelli (1976).

La deuxième perte fut celle de Nabil Ben Abdallah, pionnier du tourisme de chasse et hôtelier hors pair. La perte de ces deux  êtres chers  est irréparable et rien ne peut sécher les larmes d’une patrie qui voit ses enfants partir l’un après l’autre, sans aucune forme d’hommage ou de reconnaissance tant la douleur passe sous silence.  Car il s’agit de personnes qui se sont dépensées pour une cause que personne ne pourra nier,  étant donné l’importance de leurs parcours menés avec autant de sincérité, d’énergie, de courage, d’obstination pour les combats qui leur paraissaient justes. Le lien entre les deux ? C’est cet amour inconditionnel pour la patrie qui n’a d’équivalent que celui de l’image d’une destination à forte charge culturelle. Ces deux disparus appartiennent à la longue lignée de ceux qui ont voué leur vie au service de l’État et qui, depuis des décennies, avaient contribué à défendre  la république contre des assauts sans cesse répétés. Avec leur départ, la Tunisie perd deux grands serviteurs de l’État, incompris mais  qui ont toujours gardé le goût de servir sans jamais afficher cette souffrance quotidienne minée par  une sourde colère contre les forces du renoncement. Ces hommes étaient sans cesse portés vers le mouvement, le progrès. Ils savaient d’instinct que l’immobilisme est mortel et que seules leurs traces pouvaient les conduire à la postérité. Une vérité prouvée aujourd’hui, contrairement à ceux qui détruisent le pays.

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