M.Jérôme Ehui, Directeur Général de Versus Bank et Président de l’APBEF Côte d’Ivoire : “La solidité du système bancaire passe par le respect des standards internationaux”

 

“Parfois, le manque de flexibilité raisonnable dans l’application des règles peut en effet entraîner plus de dommages que l’on a voulu éviter. La recherche de l’équilibre doit donc être constante, même si elle ne doit pas avoir pour effet de contrevenir aux règles”, a  précisé le président de APBEF Côte d’Ivoire.

Intervenant lors des journées annuelles du Club des dirigeants de banques et établissements de crédit d’Afrique qui se sont tenues, les 9 et 10 février à Tunis, sous le thème «quelle réglementation bancaire pour les économies africaines ?», Jérôme Ehui, Directeur Général de Versus Bank et Président de APBEF Côte d’Ivoire, a souligné que, depuis 2018,  la zone Uemoa a vu l’entrée en vigueur du nouveau dispositif prudentiel Bâle II et III. “La Transposition a consisté à intégrer ces règles internationales à nos règles locales pour assurer la convergence avec les standards internationaux. Elle a été suivie, quelques mois plus tard, par  des circulaires de la Commission Bancaire de l’Uemoa. Une revue de la loi bancaire  est actuellement en projet”, a-t-il précisé. Et d’ajouter que cette nouvelle réglementation de l’Uemoa met un accent particulier sur la gouvernance, les risques et la conformité qui requièrent toute l’attention du régulateur, du superviseur et même des autorités de tutelle.

Une saine gouvernance est indispensable

En effet, la gouvernance dont la définition a été déterminée  par le comité de Bâle est essentielle au bon fonctionnement des banques mais aussi de l’économie dans son ensemble, à l’égard du rôle déterminant que jouent les banques dans l’économie. “C’est pourquoi la gouvernance intéresse au premier plan le régulateur (Banque Centrale) et l’organe de supervision”, fait-il remarquer.  Et d’indiquer  qu’il est important pour ces organes que chaque banque dispose d’un système approprié de pouvoirs et de contre-pouvoirs, de responsabilités et d’obligations de rendre compte, au niveau, non seulement, du conseil d’administration, mais aussi de la direction et des fonctions gestion des risques, conformité et audit interne. “Une saine gouvernance permet ainsi aux autorités de contrôle de se fier davantage aux processus internes de la banque, et allège leurs besoins d’intervention”, a-t-il ajouté.

M. Ehui a, en ce sens, fait savoir que gouvernance, risque et conformité sont indissociables, parfaitement imbriqués, et s’influencent mutuellement. Le dispositif de gouvernance comprend, en effet, la gestion des risques et la conformité . Ainsi, une bonne gouvernance suppose une bonne gestion des risques et de la conformité.

Il a ajouté que la convergence des règles régissant les secteurs bancaires africains vers les standards internationaux constitue, en ce sens, une condition essentielle  pour favoriser la bonne gouvernance et faciliter la gestion des risques et la demande de conformité. “Dans la zone Uemoa, la Transposition Bâle II et III est effective depuis 2018 avec des circulaires et instructions spécialement dédiées à la gouvernance, à la gestion des risques et à la conformité. La transposition des normes IRFS comptables est en projet”, a-t-il fait savoir. Le directeur général de Versus Bank a, par ailleurs, noté que la plupart des autres zones africaines sont dans cette dynamique. La convergence vers les standards internationaux et les bonnes pratiques permet, selon l’intervenant, d’assurer une bonne gouvernance des établissements de crédit et un meilleur encadrement de la gestion des risques et de la conformité.

Les pays africains sont dans une dynamique de convergence vers les standards internationaux

“La dynamique est à encourager et à poursuivre. Cependant, il est important, tout en le faisant, de prendre en compte, de façon convenable, les réalités locales et les spécificités africaines. Il faut prendre en compte adéquatement les réalités et spécificités locales. La transposition des normes internationales doit se faire en tenant compte des spécificités de nos zones. C’est ce qu’ont fait les autorités de la zone Uemoa lors de la transposition des normes bâloises, en procédant d’abord à une analyse de maturité, qui a préalablement été faite, pour s’assurer que la zone était prête pour cette transposition. Ensuite, on a eu recours aux  discrétions nationales  pour adapter et modifier certaines normes”, a-t-il insisté.

En effet, les  discrétions nationales  sont une possibilité laissée par le Comité de Bâle aux différentes juridictions, lorsqu’elles transposent les normes bâloises, d’adapter, de modifier certaines règles. En outre, M. Ehui  a ajouté également que la pertinence et la nécessité d’une réglementation nouvelle et aux standards internationaux ne sont plus à démontrer. Cependant, l’application peut, dans certains cas, constituer une entrave à l’innovation et à la rentabilité des banques. “L’innovation et la rentabilité sont tout aussi importantes pour la survie et la pérennité desdites banques. C’est pourquoi il convient certainement de rechercher et de trouver un équilibre”, a-t-il ajouté. L’intervenant a, en outre, précisé que le respect des normes assure la pérennité de la banque, tandis que la maîtrise des risques constitue un gage de protection de la création de valeurs.  D’ailleurs, le système bancaire de l’Uemoa a affiché une meilleure résilience depuis l’entrée en vigueur, en 2018, du nouveau dispositif. L’évolution du niveau des fonds propres et du ratio de solvabilité des banques en est la preuve.

Une conformité qui peut avoir, parfois, un coût

Le banquier a toutefois souligné la présence de contraintes majeures que la réglementation, notamment bâloise, impose, et qui constituent des points de douleur dans la recherche de la rentabilité. A titre d’exemple, il a cité les nouvelles normes prudentielles, notamment le ratio de division des risques (qui chute à 25%), et l’exigence de limites d’appétence (à définir en lien avec les niveaux de fonds propres) qui ne sont pas de nature à faciliter l’activité crédit. Elles constituent même, dans bien des cas, des limites à l’activité, et donc à la rentabilité.

“Peut-être faudrait-il aussi, dans la mesure du possible, un peu de flexibilité dans l’application de certains textes, surtout lorsque les risques sont bien maîtrisés … Parfois, le manque de flexibilité raisonnable dans l’application des règles peut en effet entraîner plus de dommages que l’on a voulu éviter. La recherche de l’équilibre doit donc être constante, même si elle ne doit pas avoir pour effet de contrevenir aux règles”, a-t-il précisé.

En conclusion, M. Jérôme Ehui a souligné que  la solidité et la résilience du système bancaire passent par une réglementation au diapason des standards internationaux, notamment en matière de gouvernance, de risques et de conformité qui sont parfois  très contraignants quant à leur mise en œuvre. ‘Il appartient donc aux banques de s’adapter, et, au besoin, réinventer leur  business model, pour continuer à assurer la rentabilité recherchée”, a-t-il conclu.

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