Et l’acceptation de l’autre ?

Editorial La Presse

 

UNE campagne d’arrestations cible ces derniers jours la communauté africaine installée en Tunisie ou de passage. Le Forum tunisien des droits économiques et sociaux, les militants associatifs, les intellectuels et quelques médias ne cessent depuis, de dénoncer ces campagnes visant les Africains, les contrôles massifs d’identité « au faciès » qu’ils subissent, les défèrements devant la justice.

Il faut commencer par dire d’abord que les migrants ne sont pas tous en situation irrégulière. Et quand bien même. Il faut appliquer la loi, qui est en situation régulière, qui ne l’est pas ? Dans le strict respect de la loi et des normes en vigueur. Sauf que les mesures les touchent globalement tous, sans distinction des étudiants et autres demandeurs d’asile en grande détresse, poussés par les guerres civiles, les changements climatiques, l’extrême pauvreté à fuir leur pays, et attendent des réponses à leurs requêtes.

On rappelle, ensuite, à toutes fins utiles, que la Tunisie a signé les conventions internationales qui protègent les migrants, y compris ceux en situation irrégulière. Ajoutons, enfin, que ces discours confortés par une posture officielle ne tarderont pas à avoir des retombées négatives sur les migrants tunisiens réguliers ou non. 

Une fois cela dit, et compte tenu de l’ambiance qui règne, nous avons l’impression que les propos argumentés et modérés ne semblent pas avoir de réels impacts. Alors changeons de style.

Dénoncer la présence de migrants dans un pays qui fait de l’émigration clandestine un sport national est tout simplement indécent. Rien que vers l’Italie, 16 250 migrants tunisiens ont rejoint les côtes italiennes en 2022 ; 14 375 en 2021 ; 11 250 en 2020. Des statistiques publiées par le ministère italien de l’Intérieur et mises à jour fin octobre 2022. Additionner seulement les chiffres des trois années, pour un seul pays, le total dépassera, et de loin, le nombre d’Africains présents en Tunisie depuis des années.

Revendiquer haut et fort la liberté de circulation et de séjour pour les Tunisiens et tenter d’en priver les Africains est une autre indécence. Visiblement, le flux migratoire est seulement préconisé lorsqu’il se déploie de la Tunisie vers la rive sud de l’Europe, là, tout le monde est content.  En revanche, lorsque les Africains se déplacent du sud de l’Afrique vers son nord, le discours change.

Il n’y a pas une seule famille tunisienne qui ne soit pas frappée par le phénomène migratoire. Qui de nous ne compte pas parmi les siens un migrant économique, un étudiant, un travailleur qualifié, un clandestin ?

Les valeurs humaines comprennent, enfin, le respect et l’acceptation de l’autre, l’ouverture, l’accueil, la bienveillance et la fraternité. Question, partageons-nous ces mêmes valeurs avec le reste de l’humanité ?

2 Commentaires

  1. Brahim

    24/02/2023 à 20:44

    Je vous félicite sincèrement et chaleureusement pour cette tribune. Nos dirigeants et en premier lieu le Chef de l’État devront s’en inspirer pour l’honneur de notre pays !

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  2. Niels Petersen

    24/02/2023 à 21:26

    Bravo!!! Celà fait du bien d’entendre ces mots!

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