Paysage médiatique : La télévision publique ne nous ressemble plus ?

 

A en croire certains sondages, la Watania 1 ou 2 n’occupent pas les premières places dans le paysage audiovisuel. Tout au plus viendraient-elles en quatrième place ou, dans le meilleur des cas, en deuxième position. Seul le téléjournal du 20H sauve la mise avec, nous dit-on, plus de 1.5 million de téléspectateurs. Parce que c’est un moment de prime time.

Les chiffres que l’on peut recueillir peuvent être plus ou moins crédibles mais ils n’en ont pas moins le mérite de nous donner une image approximative du rendement et de la qualité des prestations.

En l’absence d’études approfondies, sérieuses et précises sur les taux d’audience, (peut-être garnissent-elles les étagères des bibliothèques spécialisées ou sont-elles le sujet des mémoires de nos étudiants en journalisme), il nous semble opportun de se pencher sur la situation de la télévision publique et sur ses programmes. Autrement dit sur ce qu’elle offre au public et  ce qu’elle devrait faire pour répondre à ses attentes. Un véritable effort est à entreprendre en vue de redéfinir les grandes orientations des chaînes publiques.

En l’état actuel, force est de constater que la matière télévisuelle proposée aux téléspectateurs tunisiens n’est pas adaptée au profil.

Où est la dimension ludique

On continue de vivre avec du réchauffé. Heureusement que la médiathèque dispose de suffisamment d’archives et de fictions. Notamment les séries, feuilletons et sitcoms de la période allant de 1990 à 2010.

Les Tunisiens téléphiles apprécient à sa juste valeur le travail qui consiste à rediffuser des documents d’archives de notre télévision qui évoquent des moments inoubliables, notamment pour les séniors. Mais l’apport n’en est pas pour autant bénéfique pour les générations d’aujourd’hui.

Faute de productions adéquates, les responsables se contentent, donc, de recourir aux stocks de réserves constitués, généralement, des fictions d’antan. Notre télévision (la radio aussi) manque cruellement de nouvelles productions à tous les niveaux.

Il faut, par exemple, voir que l’absence des programmes de divertissement ne figure pas dans l’esprit de ceux qui veillent aux destinées de cet établissement. On veut, bien sûr, parler d’émissions intelligentes et pertinentes et non d’émissions de quatre sous comme on en voit trop ces derniers temps. On se rappelle qu’avant, de nombreux producteurs s’étaient attachés à offrir au public une multitude de programmes de ce genre malgré les moyens (techniques et matériels) très limités qu’ils avaient à leur disposition.

Quand on voit, aujourd’hui, les grandes opportunités technologiques, on s’étonne de la démission des  producteurs et de leur incapacité à réaliser des programmes visant à divertir et à instruire puisque, à l’origine, la télévision a entre autres rôles d’apporter cette dimension culturelle et éducative. Certes on n’est plus dans les années 60 ou 70 où l’outil télévisuel était focalisé sur une mission prioritaire d’édification et de développement. Néanmoins, il est important de privilégier l’aspect ludique. Les gens ne supportent plus ces émissions de débats politiques sur des sujets qui n’intéressent pas l’écrasante majorité du peuple.

Grosses lacunes dans les programmations

L’argent dilapidé dans la production de fictions qui ne reflètent pas notre société et notre authenticité servirait mieux ailleurs. Ces feuilletons tirés de l’imagination de personnes qui “planent” (le mot est à prendre dans tous les sens) nous parlent de sujets très éloignés des préoccupations immédiates du citoyen tunisien. On nous expose en long et en large des scènes violentes et insupportables sur la migration illégale, les prisons, la drogue, comment se couper les veines pour se suicider, etc.

En somme, des œuvres qui n’ont pas leur place à la télévision mais, plutôt, au cinéma. C’est ce que ne veulent pas comprendre certains qui exigent des sommes colossales dépassant les moyens de notre télévision.

On se demande pourquoi beaucoup de Tunisiens continuent, encore, de regarder sans se fatiguer les feuilletons “El khottab al bab” ou le sitcom “choufli hal”. C’est, tout simplement, parce qu’ils s’y retrouvent. Ils n’ont pas à se torturer les méninges pour comprendre la portée soi-disant humanitaire ou idéologique de la réintégration des délinquants ou des drogués. Effectivement, les problèmes très sérieux soulevés sont de nature à interpeller plus d’un. Mais le souci actuel du Tunisien, c’est de se reposer et de trouver un moment de détente dans cette tempête politique jalonnée de crises et de stress.

Le service public qu’est la télévision nationale est appelé à jouer pleinement son rôle et à répondre aux attentes du plus large public.

Pour ce faire, il doit prendre en compte toutes les exigences des téléspectateurs et non le bon plaisir de certain(e)s animateurs (trices) qui invitent leurs copines et copains à des émissions sans trop grande utilité. En cela, ils négligent une catégorie très importante qui n’est autre que l’enfance. A celle-ci on continue de proposer des D.A anciens sans la moindre valeur. Nos enfants ne suivent pas ces émissions. On attendrait un travail plus sérieux où des animateurs spécialisés et bien formés s’adresseraient directement à nos juniors. Un travail de fond est à mener dans ce sens.

Le volet historique grâce à des émissions culturelles bien ciblées serait le bienvenu. Les historiens sont royalement ignorés par ces animateurs de télévision (et de radio). Or, ils seraient très utiles pour apporter les éclairages nécessaires à des pans de notre histoire et de notre patrimoine. Nous ne cherchons pas à recréer des séances de cours d’histoire à la télé, mais il y a différentes manières de se pencher sur le sujet tout en captivant l’attention de nos jeunes. Ces derniers souffrent d’une indigence inouïe de notre passé historique, comme l’ont constaté plusieurs observateurs. Accordons, alors, une bonne place à ces spécialistes qualifiés pour leur faire aimer notre belle Tunisie.

Comme l’un n’empêche pas l’autre, il nous semble intéressant d’accorder plus d’intérêt à l’actualité internationale. On sait que les moyens technologiques permettent à tout un chacun de trouver tout ce dont il a besoin. Mais n’oublions pas que l’optique n’est pas la même. Il y a l’approche tunisienne des événements et son recadrage en fonction de nos intérêts.

Pour tout dire, notre télévision ne nous ressemble plus. Elle nous est de plus en plus étrangère tant par les gens qui accaparent le plus gros temps d’antenne que par leur comportement. On a l’impression qu’ils réalisent, uniquement, leurs aspirations personnelles et oublient carrément la mission fondamentale de cet instrument « dangereux » qu’est la télévision. Même lorsqu’ils parlent, ils utilisent des mots venus d’ailleurs, de ces nombreuses chaînes TV du Golfe.

Ces gens oublient, également, qu’ils sont payés par le contribuable et qu’ils ne doivent leur présence sur les différents plateaux que grâce à lui. Aussi, sont-ils obligés de se plier à sa volonté et de lui présenter des programmes de qualité, de faire des choix intelligents. Il ne s’agit pas d’une question de copinage.

A bon entendeur salut !

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