Reportage—Commerce parallèle : Un phénomène qui prend de l’ampleur

Les trottoirs rétrécissent dans la capitale comme peau de chagrin. Les étals anarchiques prolifèrent et les commerçants envahissent presque tous les espaces publics. Tant d’étalages de marchandises, loin d’embellir les rues, les enlaidissent et rebutent les piétons, contraints de faire constamment attention où ils mettent les pieds, les décourageant du coup à prendre du plaisir à flâner. La lutte acharnée des décideurs locaux et des responsables du département du Commerce contre la prolifération des étals anarchiques n’a pas eu raison du phénomène qui ne cesse de s’aggraver.

En tout état de cause, le constat est amer, et cela est visible à travers tous les points noirs repérés aussi bien dans la capitale que dans d’autres villes. Le commerce illégal a, en effet, investi les rues et les espaces publics, s’imposant comme un fait accompli contre lequel aucune solution n’a pu être trouvée. Aucune solution n’a été apportée pour réglementer l’activité commerciale et intégrer ces commerçants illégaux dans le circuit légal et lutter contre ce phénomène qui ne cesse d’étendre ses tentacules à d’autres espaces. A telle enseigne que des rues entières et des trottoirs se retrouvent conquis par des marchands illégaux nullement inquiétés et qui ne cessent d’accaparer de nouveaux espaces.

Ce phénomène, qui a émergé après la révolution en 2011, dans les centre-villes, semble imposer son diktat dans un contexte d’une extrême anarchie qui sévit face au laxisme des services concernés qui donne encore plus des ailes aux animateurs du circuit commercial informel. Pendant ce temps, le commerce illégal s’impose comme une fatalité et une alternative pour les citoyens, prospérant sur la voie publique. Et il risque encore de déborder durant le mois de Ramadan, face au laisser-faire observé.

Ce décor est observé depuis plus d’une année aux alentours de la place Barcelone, squattés par une armée de squatteurs qui écoulent différentes marchandises, le long des rues d’Espagne, El Jazira, et autres où s’est érigé un marché de jour inopiné.

Tirant profit du laxisme des services compétents, ces vendeurs à la sauvette, essentiellement des jeunes, dressent des étals de fortune en plein centre-ville (Tunis, Sfax et Sousse) et au milieu des axes routiers névralgiques, causant de nombreux désagréments.

Il y a lieu de rappeler qu’une campagne contre les étals anarchiques a été menée samedi dernier à la ville de Sousse par les différents services et qui a été fortement appréciée par les commerçants et les citoyens qui ont vu finalement leur ville libérée.

Stratégie de formalisation du commerce informel

D’après l’étude élaborée par le Forum tunisien des droits économiques et sociaux sur le secteur informel en Tunisie, baptisée «Autorité de l’Etat ou autorité de l’informel», des solutions ont été avancées qui consistent en l’aménagement d’espaces appropriés dans les grandes villes pour les commerçants informels ambulants.

Ainsi, parallèlement aux marchés hebdomadaires classiques, il s’agit « d’intégrer le commerce informel ambulant, éparpillé dans la capitale et les grandes villes du pays, dans le circuit officiel : il s’agit de lui réserver —construire— des espaces appropriés».

L’approche que le Ftdes propose est inspirée de la Chine populaire avec son marché informel «légal» appelé le “Silk Market” dont la réussite d’intégration du commerce informel dans le circuit officiel n’est plus à démontrer.

Cette stratégie aura comme avantages de regrouper tous les commerçants du quartier et d’autres ambulants de la ville dans un même espace. Ce regroupement facilitera leur recensement et permettra de connaître les activités commerciales exercées. Cela permettra aussi d’organiser l’espace urbain et de le rentabiliser. Les commerçants seront appelés en effet à payer le loyer, outre une taxation progressive, raisonnable, ce qui engendrera des recettes fiscales non négligeables pour l’Etat. Cette stratégie pourra être généralisée à toutes les zones périphériques de la capitale et à d’autres grandes villes. L’investissement initial pourra intéresser les banques ou de gros investisseurs privés. Dans la capitale, à titre d’exemple, «on peut penser au marché Moncef-Bey, Mellassine, et pourquoi pas le grand parking de Mohamed-V qui pourra faire l’objet d’un tel aménagement et, bien sûr, plusieurs autres quartiers pourront faire l’objet de la même organisation de l’espace géographique tout en y intégrant les commerçants informels et les ambulants», estime le Ftdes.

Cette stratégie sera concertée entre les ministères du Commerce, de l’Intérieur, de l’Economie, des Finances et la Direction de l’aménagement du territoire. Un bureau de recettes fiscales pourra être prévu à l’intérieur de chaque espace.

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