Afrique | Un «Open sky» continental : Un projet toujours en veilleuse

 

Lors de la 30e session ordinaire de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement en 2018, l’Union africaine avait lancé le projet pilote de mise en place du marché unique du transport aérien africain (Mutaa). Un «Open Sky» continental qui, selon l’organisation panafricaine, devrait permettre de libéraliser et d’unifier les espaces aériens africains.

Lancé en janvier 2018 à Addis-Abeba, le marché unique du transport aérien africain devrait permettre de libéraliser le ciel africain et réduire les tarifs exorbitants des billets d’avion entre les différents pays du continent.

Plus de cinq ans plus tard, où en est ce projet ?

Tout d’abord, il faut commencer par reconnaître que le transport aérien en Afrique reste un véritable casse-tête. Cherté des billets, longues distances, tracasseries douanières, faible rentabilité des compagnies aériennes… Autant de facteurs qui entravent le développement de ce secteur stratégique pour les économies africaines.

Objectif : unifier les espaces aériens africains

Pour y faire face, l’Union africaine avait lancé, le 28 janvier 2018 à Addis-Abeba, lors de la 30e session ordinaire de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement, le projet pilote de mise en place du marché unique du transport aérien africain (Mutaa). Un «Open Sky» continental qui, selon l’organisation panafricaine, devrait permettre de libéraliser et d’unifier les espaces aériens africains.

Sur les 35 nations qui avaient adhéré solennellement à sa mise en œuvre, seules 21 ont signé le mémorandum d’implantation du marché commun.

«Le Mutaa n’est que la continuité d’un projet similaire qui avait commencé depuis la fin des années 1990, avec la Déclaration de Yamoussoukro ratifiée par plusieurs Etats, qui était censé donner naissance à un marché ouvert qui permettrait le développement du transport aérien», déclare un expert en transport aérien a un site spécialisé dans le business et l’économie africaine.

Plus de cinq ans plus tard, où en est ce projet ? Apparemment, il avance doucement mais sûrement. Récemment, le 14 novembre 2022, 17 pays (dont le Maroc, le Sénégal et l’Afrique du Sud) avaient lancé le programme pilote pour la mise en place de ce projet. Une rencontre organisée par la Commission africaine de l’aviation civile (Cafac). La participation de pays leaders dans le transport aérien en Afrique, comme l’Ethiopie et le Maroc, est de bon augure pour la concrétisation de ce projet.

Impact sur le prix des billets d’avion

Un projet qui n’a pu se concrétiser, notamment «à cause de la réticence de certains Etats signataires à ouvrir leurs lignes à d’autres compagnies du continent. La Cafac avait même créé un comité de suivi pour l’exécution des accords de Yamoussoukro», affirme le même expert. En effet, les passagers souffrent énormément des tarifs exorbitants des billets d’avions, qui contrastent avec les prix abordables proposés sur les dessertes entre l’Afrique et l’Europe.

De l’avis de plusieurs spécialistes, cette cherté est due aux nombreuses taxes, redevances et autres frais appliqués sur le billet d’avion par les Etats africains. A titre d’exemple, les taxes représentent 40 à 50% du coût total du billet d’avion en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale.

«Ce projet encouragera la multiplication des vols, ce qui permettra au continent de faire un maillage de ses différentes liaisons. Et par conséquent, proposer une offre plus diversifiée et plus importante. Une concurrence saine qui entraînera une baisse des tarifs au grand bonheur des passagers», explique l’expert.

Il fait également savoir le «Mutaa» sera aussi bénéfique pour les compagnies aériennes car «plus un avion vole, plus il est rentable». Cette rentabilité fait d’ailleurs défaut à plusieurs entreprises du continent. Les cas de Kenya Airways et de South African Airways sont assez illustratifs. Engluées dans des difficultés financières, les deux entités prévoient de créer une compagnie panafricaine d’ici 2024 pour relancer leurs activités.

D’après l’expert, le projet du Mutaa a des chances d’aboutir. «Il y a une nouvelle dynamique avec dix-huit pays signataires. On constate aussi une volonté manifeste de l’Association des compagnies aériennes africaines (Afraa) et de la Cafac pour mettre en place ce projet. Il est temps pour l’Afrique de libéraliser son ciel à l’image des pays européens et des Etats-Unis», souligne-t-il.

Six axes d’intervention

La libéralisation du ciel africain, c’est aussi le souhait de l’Association internationale du transport aérien (Iata). Ce projet fait partie des six axes d’intervention prévus dans son nouveau programme Focus Africa, lancé le 3 avril 2023. Son objectif est de renforcer la contribution de l’aviation au développement économique et social du continent, améliorer la connectivité, la sécurité et la fiabilité pour les passagers et les transporteurs. La sécurité aérienne, les infrastructures aéronautiques et la formation des compétences figurent aussi dans cette feuille de route que l’institution compte mettre en œuvre, en collaboration avec des partenaires publics et privés. «L’Afrique représente 18 % de la population mondiale, mais seulement 2,1 % des activités de transport aérien (fret et passagers combinés). Combler cet écart afin que l’Afrique puisse bénéficier de la connectivité, des emplois et de la croissance que l’aviation permet, c’est l’objectif de Focus Africa», déclare Willie Walsh, DG de l’Iata, cité par un communiqué de l’organisation.

Le document précise que l’Afrique dispose d’une base solide pour favoriser l’amélioration de la contribution de l’aviation à son développement. Pour preuve, le secteur de l’aviation pré-Covid avait généré 7,7 millions d’emplois et 63 milliards de dollars aux économies africaines.

En clair, l’accélération de la mise en place du marché unique du transport aérien, qui entre dans le cadre de l’Agenda 2063 de l’UA, permettra aux compagnies africaines d’être plus rentables et plus résilientes aux crises exogènes. Ces compagnies devraient perdre 213 millions de dollars en 2023, d’après l’Iata, principalement à cause des coûts élevés du carburant, de diverses taxes et redevances d’utilisation des infrastructures et des différents prélèvements statuaires. Le Mutaa pourrait aussi stimuler le développement du tourisme intra-africain plombé par la cherté des tarifs proposés.

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