Au fil de l’actu: Le paquebot ne peut continuer à naviguer ainsi…

Avec un taux de pauvreté de plus de 30%, selon l’indice de Gini (mesure statistique déterminant la répartition d’une variable : salaire, revenus, patrimoine au sein d’une population), un taux d’inflation de plus de 10%, un déficit budgétaire estimé à 7,5% (soit 2,5 fois la limite fixée par les accords de Maastricht pour les pays de l’UE) et une dette extérieure qui a atteint 42 milliards d’euros, soit près de 93% du PIB en juin 2022, selon le Fonds monétaire international (FMI), le paquebot des hommes ne peut continuer à naviguer ainsi en Tunisie.


Le penseur, feu Hicham Djaït, avait déjà mis en garde contre une marche suicidaire entamée il y a plus de dix ans. Sauf que la légèreté de l’être tunisien en a voulu autrement. Le résultat est là et le constat est aujourd’hui amer : des traversées tragiques et dramatiques du grand large, des centaines de vies fauchées à la fleur de l’âge, une intrigante et perpétuelle fuite des cerveaux, une détresse qui se sent et se voit à tout bout de champ. Dans les rues et ruelles, les campagnes et bourgades, les cœurs sont tristes et solitaires, les visages fermés, les regards éteints.

La misère du pays est un kaléidoscope social et n’a d’égale qu’une économie torpillée.

En tuant l’espoir, on tue un peuple

Pour bon nombre de Tunisiens, la patrie serait devenue une grande prison. Pourtant, l’on continue à ignorer la condition humaine chez nous.

L’on se pavane et l’on ignore ceux qui sont dans le besoin. Une vie entière ne suffirait pas pour absorber la tragédie que l’on vit, ici, depuis plus d’une décennie. D’autant plus que les banqueroutes sont multiformes dans cet État financièrement failli.

Elles sont économiques, institutionnelles, morales, politiques et sociales. Parvenu à un tel stade de déliquescence, le pays ne peut donner espoir à ses enfants. Si bien que l’organisation de la société, les services publics y compris enseignement, santé et justice rappellent l’âge de la pierre. Pis. Dans cette Tunisie nouvelle, les riches raflent plus de richesses, les pauvres s’appauvrissent de plus en plus. La fuite des cerveaux demeure phénoménale : des dizaines de milliers d’ingénieurs, de médecins, d’enseignants ont quitté le pays ces dernières années, selon des statistiques officielles. Et près de 78% des compétences souhaitent partir, d’après un sondage de l’Institut tunisien des études stratégiques.

Absurde duo

Le pays est pris à la gorge. Le fond de l’air est rouge. Le désespoir sape tout espoir de voir enfin émerger un Etat de droit, garantissant une égalité des chances à tous ses enfants. Aujourd’hui, en Tunisie, on a une économie aux pulsions suicidaires. La société semble sous une chape de plomb. Pourtant, show politique, information-spectacle continuent leur absurde duo. Paranoïaque, l’on cherche toujours des explications à des événements chaotiques. On a, hélas, des médias qui tiennent les vrais sujets à distance. Et le comble de la bêtise : des chroniqueurs qui, omniprésents, ne font qu’étendre la pensée conforme. Et des journalistes qui, corsetés dans un costume de craintes, ne sont point en mesure de rivaliser avec un facebook et un instagram qui altèrent la conscience plus que ne font les drogues. Une allégorie ?! Non, c’est plutôt un état de fait. La misère du pays est un kaléidoscope social. Mais le paquebot des hommes ne peut continuer à naviguer ainsi chez nous.

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