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Analyse | A-t-on encore besoin des banques ?

 

Par Dr Tahar EL ALMI, Prof Associé, Psd-Fondateur de l’Institut Africain d’Economie Financière (IAEF-ONG)

La Tunisie est encore en crise. Pour autant, elle s’est engagée vis-à-vis de ses partenaires et des institutions internationales, à «trouver» quelques milliards de dollars pour équilibrer son budget et honorer ses engagements.

La Tunisie devra incessamment choisir son camp, celui de la crédibilité internationale, qu’elle a toujours eu, depuis l’Indépendance, et la crédibilité nationale pour assurer la stabilité et la cohésion sociale et endiguer le péril de l’écroulement de l’Etat. Les Pouvoirs Publics devront choisir leur camp. 

Sur le plan économique, pierre angulaire de la stabilité sociale durable, cela revient à assurer le redressement et la relance. Ce qui nous amène à pointer du doigt un certain nombre de points incontournables en matière de régulation.

En premier lieu, les mesures d’austérité et autres coupes des dépenses sociales sont vouées à l’échec, au moment où les agents (ménages, entreprises et Etat) ont besoin de pouvoir d’achat et de liquidités. Les circuits économiques, de la production à la dépense, sont voués à dépérir et donc à ne plus assurer leur contribution fiscale.

Résultat des courses, une aggravation supplémentaire des déficits publics. A moins que le système financier contribue à plus d’engagements. Les études empiriques (Portugal, Espagne, Grèce…) ont démontré que les plans d’austérité se sont traduits inévitablement et logiquement en une contraction économique, tout en s’avérant en définitive totalement contre-productifs.

En second lieu, l’accroissement des prélèvements et autres taux d’imposition freinent l’activité économique formelle au profit du marché parallèle, avec, comme conséquence, un tarissement progressif des recettes fiscales. Au bout du processus, les ménages auront aussi à subir non seulement la hausse des prix (hausse de la TVA et des autres droits de consommation…), mais aussi, du fait du ralentissement de l’activité, l’incitation à consommer et à investir est chahutée par la baisse du revenu disponible.

Une politique d’austérité imposée à un pays en crise transitionnelle et en récession s’avère nocive dans la mesure où elle déclenche un processus régressif auto-entretenu. En outre, son protocole d’application devient obsolète dès que le système bancaire se remet en selle (et il l’est toujours) pour assumer sa fonction de pourvoyeur de liquidités.

De fait, le déficit budgétaire «maîtrisé» constitue le seul levier à disposition des décideurs, pour booster l’activité économique et l’emploi productif.

La relance de la croissance, via les dépenses d’infrastructure, envoie un signal positif très fort au secteur privé qui prendra la relève via l’embauche et l’investissement. D’où un besoin croissant de liquidités, via le système financier, en l’occurrence les banques.

En troisième lieu, les déboires de l’économie tunisienne n’ont pas commencé avec la pandémie du Covid et la crise financière des années 2021-2023. Loin de là, puisque, en réalité, une redistribution substantielle des largesses monétaires et des revenus occultes s’est opérée depuis le début des années 2011, au détriment des salaires et en faveur des profits enregistrés par les entreprises du secteur productif pourvoyeur d’emplois réels.  Pour autant, n’est-il pas contradictoire de remarquer que les investissements productifs se maintiennent à des niveaux anémiques, alors même que les revenus et les profits des sociétés, cotées en Bourse notamment, atteignent des records (Evolution des revenus des sociétés cotées au 31 mars 2023: http://www.bvmt.com.tn/sites/default/files/actualites/ttwr-rqm-mmlt-lshrkt-lmdrj-bnwn-lthlthy-lwl-mn-sn-2023.pdf), et ce, dans une conjoncture de coûts de financement au plus haut historique ? 

A cet égard, l’exemple du secteur bancaire est révélateur de ces compagnies, peu soucieuses de s’impliquer dans l’économie réelle, selon certaines mauvaises langues, si elles n’en tirent pas un profit direct et immédiat. Il ne faut donc pas s’étonner si la consommation est en berne, si le pouvoir d’achat des ménages se dégrade, si la classe moyenne disparaît, bref, si l’économie tunisienne vit sa grande déprime historique : un système productif en berne sur fond d’une inflation incontrôlable.   

Enfin, si l’économie est pratiquement privée des liquidités mises par la BCT à disposition du secteur bancaire et si elle doit faire face à des entreprises qui n’investissent pas, alors, il ne faut pas s’étonner qu’il y ait des pénuries chroniques et que la hausse incontrôlable des prix se transforme en hyperinflation. 

TEA

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