Portrait Hope Mokded, artiste peintre et vidéaste : Celle qui questionne l’intime pour parler féminisme

Hope définit sa pratique artistique comme des instants libres où elle vit une expression à la fois corporelle, en tant qu’immédiateté, et sensorielle par le geste qui, pour elle, est une forme d’extériorisation.

Elle présente, actuellement, son exposition personnelle « Vulnérable » à la galerie Aire Libre à El Teatro où elle questionne, à travers la vulnérabilité intime, l’ensemble des violences infligées aux femmes. Amal Mokded alias Hope Mokded est une artiste peintre et vidéaste tunisienne qui vit et travaille à Paris. Portrait
Née en 1988 à Gabès, Hope Mokded a fait ses études à l’institut supérieur des Beaux-arts de Tunis et s’est spécialisée en gravure. Elle a continué ses recherches à l’université de Strasbourg, pour axer ses réflexions sur la problématique de la violence invisible, qu’elle définit comme une violence sociétale acceptée. En tant qu’artiste et femme elle s’est intéressée à la manière de créer une trace de cette violence afin de rendre celle-ci intelligible.
Elle a réalisé, ces dernières années, des expositions personnelles et collectives à l’instar de l’exposition au Ceaac « There is no place Iike home », l’ installation photographique Chaos Echoes, une exposition personnelle à La Station LGBTI Alsace intitulée «Végétations» et l’exposition collective « Subjectivité Féminine », dans le cadre du Festival d’art feministe de Strasbourg Femfest. et l’exposition collective « I am my body I am my memory» à Venise.
Egalement vidéaste, l’artiste a à son actif un bon nombre de films à l’instar de « Brume», «Le bleu de tes yeux» et «Post Violence» grâce auxquels elle a pris part à différents festivals et événements nationaux et internationaux à l’instar du Festival Art féministe Chouftouhonna à Tunis, le Festival printemps culturel tunisien à Paris,le Festival international du film amateur de Kélibia (Fifak – Tunisie), le Festival for the 4th edition of Olhares Mediterrâneo à Lisbonne. Son dernier film «Violent c-elle» a été sélectionné, entre autres, au Cefalù film festival en Italie.
Les artistes qui inspirent Hope Mokded sont essentiellement des artistes féministes telles que les plasticiennes Sophie Calle, Niki de Saint phalle , Marina Abramovic , Gina Pane et les réalisatrices Chantal Akerman et Agnès Varda qui ont toutes, comme elle le souligne, la caracteristique de travailler sur le questionnement de l’intime.
Hope Mokded définit sa pratique artistique comme des instants libres où elle vit une expression à la fois corporelle, en tant qu’immédiateté, et sensorielle par le geste qui, pour elle, est une forme d’extériorisation: «Mon œuvre traite, aujourd’hui, principalement, de la violence faite aux femmes. Pour cela j’utilise, particulièrement, deux médiums qui sont la vidéo et la peinture», nous a-t-elle précisé et d’ajouter que l’art vidéo est profondément lié à la lutte féministe. Dans sa qualité d’outil,  il permet d’enregistrer, de mémoriser et de donner la parole aux opprimés. La vidéo, pour elle, a des qualités techniques susceptibles de participer au traitement de certaines névroses: «C’est une sorte d’exploration de témoignages intimes qui m’offre une facilité pour créer en sachant que le sujet est, souvent, mon propre corps et ma propre image. Ceci me permet ainsi de faire un travail d’introspection.», note-t-elle.
En peinture, elle utilise le dripping (technique popularisée par Pollock après 1945) qui, comme elle le souligne, lui offre une liberté gestuelle et un rapport direct avec le support et la matière. Une technique qui lui permet de créer des mouvements pendulaires: «Le balancement du bras génère des sinuosités sur toute la surface de la toile. J’utilise tout mon corps, j’imprime mes empreintes de pieds sur le support, je laisse une trace, la marque d’une présence», note-elle et d’ajouter que la relation entre le corps de l’artiste et le support relève de l’art corporel.
Dans « Vulnérable » exposée à la galerie El Teatro, elle tente de sublimer la supposée laideur des menstruations. Une fragilité qui, comme elle l’écrit, révèle une beauté jusqu’ici niée dans l’imaginaire collectif. L’artiste tente ainsi de réhabiliter la femme et son propre corps dans ce qui paraît être le plus intime.
Cette exposition représente pour elle à la fois un retour dans le lieu où tout a commencé, la première galerie dans laquelle elle a exposé ses gravures à travers des expositions collectives, mais aussi sur le sol qui l’a vu naître et qui a inspiré ses recherches sur les violences visibles et invisibles faites aux femmes. «Dans la société tunisienne, une femme sur deux subit les violences. Témoin privilégié, je puise mon inspiration dans ce que j’ai pu observer, dans ce que j’ai vécu et dans les séquelles qui subsistent après les violences», affirme l’artiste en ajoutant que les violences dont elle parle sont liées à «la domination masculine, le harcèlement moral, le trauma après la violence, les menaces latentes à partir du moment où il y a oppression». Une violence morale qu’elle dit plus traumatisante, plus présente et difficile à discerner que la violence physique car elle est masquée dans la réalité quotidienne.
Pour ce qui se fait actuellement, sous nos cieux en matière d’arts plastiques et arts visuels , l’artiste qui vit en France constate que pas mal d’artistes s’attaquent à la problématique des tabous présents dans la société tunisienne. « Je remarque aussi qu’il y a beaucoup d’artistes comme moi qui ont choisi l’exil ou de partir au moins provisoirement. Je pense que ces deux constats sont liés à la place qu’occupe l’artiste en Tunisie», affirme-t-elle dans ce sens.
Son exposition est visible jusqu’au 29 juillet 2019.

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