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Commentaire | Premières leçons de la rébellion en Russie

 

La rébellion armée du groupe Wagner en Russie a semé certes une grande confusion et n’a pas encore livré ses secrets. Elle suscite de nombreuses questions pour le moment qui restent sans réponse. En attendant le jour où les coulisses commenceront à être dévoilées, voici déjà deux conclusions indéniables qui se dégagent de cette séquence historique inattendue et surréaliste. Celle-ci rappelle à notre souvenir deux principes, deux outils d’analyse que les étudiants en science politique connaissent bien. L’Etat détient le monopole de la violence légitime (Max Weber). Etonnamment, la Russie de Poutine tolère plusieurs groupes que l’on peut qualifier de paramilitaires, voire de milices armées. Le plus connu est précisément ce groupe Wagner. Mais il y en a d’autres. Et certains ont failli entrer en scène en même temps que Wagner.

Lorsqu’on tolère des milices, des groupes armés, des paramilitaires privés, ou encore de structures secrètes (al jihaz asserri),  comme diraient des gens bien de chez nous, l’Etat est immanquablement affaibli. Les exemples ne manquent pas, près de nous dans notre voisinage immédiat (Libye); les événements actuels au Soudan et plusieurs pays du Proche-Orient…

Deuxièmement, la notion de bloc historique que l’on va emprunter à Antonio Gramsci. Comme il y a un bloc historique qui peut conquérir le pouvoir, le fonctionnement de celui-ci nécessite l’existence d’un bloc qui accepte sa légitimité et exécute des ordres. Le premier signe de la chute du régime du chah d’Iran fut le refus de la Banque centrale d’exécuter un ordre du gouvernement. En Tunisie, le vendredi 14 janvier dans l’après-midi, et alors que Ben Ali était encore dans nos murs, Samir Tarhouni commandant de la BAT, avait commis l’impensable. Au lieu de protéger la famille régnante, il avait interpellé une partie de ses membres et les avait empêchés de prendre l’avion, refusant par la suite d’exécuter les ordres de Ali Seriati, consistant à les libérer.

Visiblement en Russie, le bloc du pouvoir ne fonctionne plus d’une manière assurée et fluide. Car si cela avait été le cas, jamais Evguéni Prigojine, le chef du groupe Wagner, n’aurait pu menacer Moscou sans être trop inquiété ; en tous les cas sans vraie résistance.

Tout bien considéré, les milices et les paramilitaires affaiblissent les régimes et cet affaiblissement casse le bloc de pouvoir.  Pour le reste, qui a tiré les ficelles, qui a manipulé qui, il faudra être patient et garder un esprit critique, un scepticisme de principe, car les manipulations sont nombreuses.

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