Chez Aïcha Gorgi, l’art se met au vert. On y raconte des histoires végétales, on y retrouve des racines profondes, on y dessine sur du papier fait main, et on y fait du papier à partir de fibres végétales. On y crée des fagots de brindilles, et on punit le plastique en le faisant fondre au soleil. En un mot, on y rend hommage à la mère nature que l’on se promet de protéger, ce que l’on nous encourage à faire.
Les artistes, invités à aller «au- dessous de la surface», ont joué le jeu avec talent, imagination, créativité et dérision. Sans se vouloir donneur de leçons, ils nous confrontent à des réalités qu’ils transfigurent, défigurent, détournent, réinterprètent. «En établissant, chacun à sa manière, un dialogue entre l’acte de faire et l’environnement, ces artistes nous transportent vers des territoires inexplorés ouvrant de la sorte la grande porte de la contemplation. Le spirituel prend très vite le relais du visuel», nous dit-on dans la présentation de l’exposition. Arrêtons-nous au visuel pour le moment. Un poulpe trône en majesté dans une partie de la galerie. Saviez- vous que le poulpe récolte tout ce qu’il trouve et en entoure son habitat ? Cet éboueur des mers a inspiré Intissar Belaïd qui a collecté minéraux, végétaux et objets multiples pour les mettre en situation en une délicate suspension qui peut sembler autogénérée. Hamadi Ben Saad qui est de toutes les expositions, cette semaine, présente des papiers lacérés constituant un de ses paysages personnels colorés et puissants. Cependant que Tom Egoumenides propose des «peintures en plastique» qui ne doivent rien à la peinture mais à l’agression du soleil et de la chaleur sur le plastique honni. Ce qui serait peut-être une façon de s’en débarrasser. Les racines découpées de Najeh Zarbout, délicates, aériennes, dansent au moindre souffle d’air, projetant leurs ombres mouvantes et témoignent de la fragilité de la nature. L’exposition est dans l’air du temps : les artistes, dont c’est le rôle essentiel, se font lanceurs d’alerte, témoins, montent au front, mais avec légèreté, et c’est certainement la meilleure façon de faire passer le message.