Malgré ses richesses architecturales : Kairouan marginalisée

Le suivi des projets de restauration et de réhabilitation entrepris par les instituts chargés du patrimoine n’est pas assuré, d’où la déception des citoyens de voir que tout le circuit touristique est enlaidi par les poubelles, les restes des matériaux  de construction et les étalages anarchiques de fripe et de produits made in China.

Inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1988, Kairouan au patrimoine et traditions millénaires, a été fondée  au VIIe siècle par Okba Ibn Nafaa. La richesse de l’architecture de ses beaux monuments est un concentré des différentes civilisations qui se sont relayées en Tunisie.

D’ailleurs, avec ses monuments historiques, ses vieux souks, ses mosquées et ses maisons médiévales, la cité aghlabide est un véritable musée islamique, notamment avec ses sites qui constituent les vestiges les plus marquants de l’école kairouanaise qui a inspiré et servi de modèle aux édifices construits dans tout le bassin occidental du monde de l’Islam pendant des siècles. D’où l’intérêt des visiteurs locaux et des touristes de différentes nationalités, impatients de découvrir la majestueuse mosquée Okba avec ses magnifiques colonnes de marbre à chapiteaux antiques et son admirable minaret, l’impressionnant bassin des Aghlabides avec ses moellons arrondis, la lumière du soleil illuminant les cales des remparts et le charme des souks anciens et des ruelles de la médina avec ses vieilles portes cloutées.

Cela, sans oublier les activités artisanales dominées par la tapisserie, le cuivre et la pâtisserie.

Malheureusement, cela fait plusieurs années qu’on assiste, à Kairouan, à toutes sortes d’infractions commises par des personnes qui s’approprient des terrains communaux et qui construisent d’une manière anarchique sans permis de construire des locaux commerciaux et des habitations, même sur les trottoirs.

En outre, des dizaines de maisons traditionnelles à la Médina ont été complètement démolies par leurs propriétaires dans l’objectif de les reconstruire dans un style moderne. Ce faisant, ils  ne respectent ni les matériaux, ni les proportions, ni l’harmonie architecturale de la médina.

Certes, la commune a procédé à la démolition de quelques constructions bâtardes, mais les efforts restent insuffisants devant l’ampleur du phénomène. C’est comme si ces individus, qui n’hésitent pas à construire même sur des canalisations, venaient d’un pays ennemi…

Certains n’ont pas hésité à boucher les sondages des fouilles des vestiges pour y construire des maisons individuelles dans le prestigieux site de Sabra Al Mansouria. Où va-t-on? Qui arrêtera ces graves dépassements qui reflètent le laxisme des institutions concernées?

Certes, il y a plusieurs projets de rénovation et de restaurations entrepris par les instituts chargés du patrimoine, outre le grand projet de réhabilitation de tout le circuit touristique de la médina, entamé en 2014 et achevé en 2017. D’un coût de 4,8 MD, cette opération a été financée par l’Etat tunisien, l’AFD et la BEI et a concerné les travaux d’infrastructure, de ravalement des façades (enduits, éléments de menuiserie harmonisés, auvents, fers forgés aux fenêtres, des coulées pluviales, enfouissement de 8.000 mètres linéaires de réseaux téléphoniques et électriques etc…)

Malheureusement, on constate que le suivi de ces projets n’est pas assuré, d’où la déception des citoyens de voir que tout le circuit touristique est enlaidi par les poubelles, les restes des matériaux  de construction et les étalages anarchiques, de fripe et de produits made in china.

En outre, beaucoup de petites et belles et mosquées risquent de s’écrouler à tout moment, vu leur vétusté, cela sans oublier les regards sans tampons, les murs enlaidis par les graffitis, les odeurs nauséabondes dues au manque d’entretien des différentes placettes, les travaux de revêtement en pierre taillée mal faits dans beaucoup de ruelles puisqu’il sont plus hauts que le niveau des maisons, ce qui fait que dès qu’il pleut les foyers sont envahis par les eaux.

Des souks délaissés

Parmi les vieux souks qui portent allègrement leurs sept siècles d’existence, les souks El Majel faisaient partie d’une zone marchande et industrielle liée au tannage et datent de l’époque hafside.

Cet ensemble architectural, où la fabrication des «kobkabs» avait un grand succès, est par la suite tombé dans la désuétude. Plusieurs restaurations y ont été entreprises, ce qui a permis en 2015, d’y héberger des diplômés du supérieur désireux de créer un atelier artistique avant leur installation dans d’autres locaux au sein de  la Médina.

Mais, depuis deux ans, souk El Majel est de nouveau dans l’obscurité et la marginalisation et toutes ses 72 boutiques reliées par des voûtes  sont fermées.

Et les ruelles situées à proximité de ce souk sont devenues, le soir, une zone de non-droit, étant le fief nocturne des alcooliques et des drogués. C’est pour toutes ces raisons que les citoyens souhaiteraient une plus grande implication de l’Etat et des promoteurs à Kairouan, cette ville longtemps privée de tout soutien réel et qui a besoin qu’on valorise son tourisme culturel.

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