Tourisme et agences de voyages illégales: Gare aux circuits parallèles 

Vraisemblablement, en Tunisie, dans chaque secteur ou domaine il existe une activité parallèle qui met en péril les intérêts des acteurs légaux se conformant aux lois et réglementations en vigueur et nuit à leur image. Le secteur du tourisme n’échappe pas à cette triste réalité. Pire encore, il est marqué par une activité parallèle à plusieurs dimensions, touchant diverses activités, dont notamment celle des agences de voyages. Arnaque, escroquerie et publicité mensongère… Tout est bon pour réaliser des profits.

Le problème ne date pas d’aujourd’hui, mais ces dernières années il a considérablement proliféré au point que la Fédération tunisienne des agences de voyages (Ftav) et d’autres intervenants ont, à plusieurs reprises, lancé un cri d’alerte pour mettre en garde contre la gravité de cette activité illégale, d’autant plus que les cas d’arnaque et d’escroquerie ne se comptent plus sur les doigts d’une main et que la sécurité des clients serait parfois menacée. Et lorsqu’on parle d’un secteur si stratégique, auquel on attribue souvent le titre de sauveur de l’économie nationale, le contrôle de ces structures, se présentant comme des agences de voyages conformes, devra être renforcé. Mieux encore, ces dernières doivent être passées au crible car en cas d’incident, les dégâts peuvent être graves et les responsabilités très lourdes. En effet, la Fédération tunisienne des agences de voyages et tous les intervenants du secteur ne cessent de tirer la sonnette d’alarme sur l’activité de ces agences non agréées qui nuisent considérablement à celles opérant en toute conformité au règlement. D’ailleurs, la Ftav avait entamé une stratégie de sensibilisation à cet effet, en partenariat avec l’Organisation de défense du consommateur, pour contrecarrer ces agences illégales et inciter l’Etat à intervenir pour mettre fin à leur activité.

Et pour revenir sur la situation de ces structures illégales, une seule adresse, la Ftav, qui fédère les voyagistes tunisiens, organise leur activité et défend, évidemment, leurs intérêts dans la limite de non-contradiction avec les intérêts de la profession, son statut et sa déontologie. Parmi ses adhérents, elle compte plus de 1.100 agences de voyages tunisiennes, toutes catégories confondues. Et selon ses estimations, le nombre des agences opérant hors-la-loi dépasse les quatre mille réparties sur le territoire tunisien et s’activent notamment en période estivale, afin d’organiser les voyages du petit pèlerinage, la «Omra». Vous l’aurez compris, ce chiffre illustre la gravité du problème. Ce grand nombre d’agences de voyages qui opèrent en Tunisie en toute illégalité profite, parfois, d’un laxisme et d’un manque de contrôle de la part de l’Etat, ce qui met en danger la sécurité des voyageurs d’autant plus que ces agences ne respectent, dans leur majorité, aucune norme de sécurité et aucune réglementation pour assurer un strict minimum de droits aux clients. Et dans certains cas, selon des responsables de la Ftav, ces agences profitent également d’une licence attribuée par le ministère du Commerce mais qui n’autorise, en aucun cas, l’organisation de voyages sous n’importe quelle forme, mais ces contrevenants continuent à exercer.

Cadre légal et mécanismes de contrôle défaillants ?

Si l’activité illégale de ces agences de voyages continue à prospérer, c’est en raison d’une situation légale compliquée, dans laquelle interfèrent plusieurs intervenants. Elle est également la conséquence directe d’un manque de contrôle accru. En tout cas, l’exercice de l’activité d’agences de voyages est soumis à la fois à un cahier des charges et à une déclaration préalable qui devront être déposés auprès des services concernés relevant du ministère du Tourisme. Le cahier des charges relatif à chaque catégorie est approuvé par un arrêté du ministre chargé du tourisme. Outre ces documents, les agences de voyages doivent répondre à d’autres conditions pour pouvoir exercer ce métier, en l’occurrence un capital d’au moins 100 mille dinars, une assurance et une caution de 50 mille dinars. Mais le problème des agences anarchiques réside plutôt dans le fait que ces structures opèrent sous  le couvert d’une autre activité, celle de «services touristiques», permise par les patentes ordinaires des activités économiques. Et c’est exactement pour cette raison que Jabeur Ben Attouch, président de la Ftav, a appelé le ministère des Finances à supprimer ces patentes, pour resserrer l’étau autour de ces prestataires de services touristiques qui se présentent comme agences de voyages légales, alors que la réalité est tout autre. Arnaque, escroquerie, mauvais services et même voyages et excursions fictifs. Certaines fausses agences ont même opté pour des pratiques frauduleuses afin de réaliser de grands bénéfices allant jusqu’à vendre des voyages et des séjours fictifs pour le pèlerinage «Hadj» aux Lieux Saints. Or, ces pratiques sont contraires à la réglementation en vigueur dans la mesure où aucune agence de voyages n’est habilitée à vendre directement des séjours au «Hadj» ni à encaisser des avances auprès des personnes candidates, seul l’Etat gère ce type de voyage religieux. Et c’est avec l’émergence des réseaux sociaux en Tunisie que l’image s’est brouillée davantage. Quand de simples individus organisent des voyages, des excursions, des randonnées… réalisant de grands profits et échappant à tout mécanisme de contrôle, une grande porte d’évasion fiscale s’ouvre, causant des dégâts considérables à l’économie nationale. Sur ces mêmes réseaux, des agences fictives naissent également pour arnaquer certains clients désireux de se divertir à petits budgets. Malheureusement pour eux, ces derniers tombent souvent sur des pratiques frauduleuses. D’ailleurs, la Fédération des agences de voyages avait informé le public, au début de cette saison estivale, de la découverte d’un nombre très important d’informations commerciales mensongères sur les réseaux sociaux proposant des séjours dans des hôtels, des excursions en Tunisie ou encore des voyages à l’étranger. La Ftav a attiré l’attention sur des offres de voyages pour la Turquie qui proposent aux clients «juste un vol jusqu’à la destination sans aucune autre forme de garantie et sans aucune information sur la nature des prestations qui seront fournies sur place».

Miser sur la bienveillance des clients

En somme, si les agences de voyages légalement constituées sont soumises au contrôle du ministère du Tourisme et de l’Artisanat, le problème concerne plutôt les sociétés et les personnes offrant des services touristiques qui, semble-t-il, échappent à tout contrôle. A ceci s’ajoutent bien évidemment des agences totalement clandestines, proposant des voyages et des excursions en Tunisie, en Algérie ou encore en Turquie, une activité qui, notons-le, prospère sur les réseaux sociaux. Il faut prendre en considération qu’en Tunisie, les associations peuvent également exercer l’activité d’agences de voyages en  organisant des voyages, des excursions ou des circuits touristiques, et ce, après accord du ministère du Tourisme, ce qui pourrait également compliquer davantage la situation et les mécanismes de contrôle. Face à l’incapacité de l’Etat de contrôler ces circuits parallèles qui poussent comme des champignons, il faut compter sur la bienveillance des clients, qui ne doivent pas se laisser arnaquer par des offres promotionnelles mensongères. La Ftav appelle, à cet effet, les clients tunisiens à ne traiter qu’avec des agences légales disposant d’un agrément officiel de l’Ontt. Pour les reconnaître, il suffit de vérifier l’existence, à l’entrée de l’agence, d’un macaron ovale de couleur bleu et blanc. Celui-ci confirme que l’agence est habilitée par la Ftav ainsi que par l’ODC à offrir des prestations dans la légalité. Notons-le, la liste des agences membres de la Ftav et agissant de manière réglementaire est également consultable sur le site officiel de cette dernière. Profiter des vacances, dénicher des occasions de voyage à petit prix est tout à fait possible, mais en dehors des circuits parallèles.

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