Hatem Oueslati se confesse dans le récit singulier d’une expérience personnelle traumatisante où son destin a été pris en otage pendant des années par sa propre épouse, identifiée par son psy comme une perverse narcissique vampirisante et manipulatrice, incapable de donner ou de recevoir de l’amour. Mais il ne considère à aucun moment que si cette perversion est indéniablement une pathologie relationnelle, elle est aussi un mécanisme de défense ! Ce sera peut-être le sujet de son prochain ouvrage.
‘’J’ai épousé une perverse narcissique’’, s’écrie l’auteur quand il se rend finalement à l‘évidence. Toutes les femmes en ont toujours rêvé ; Nadia l’a fait. Cette emprise totale sur un homme qui est aux antipodes du connu et qui sape à la base les innombrables faits de prise du contrôle par tous les hommes qui le considèrent comme un droit de naissance depuis la nuit des temps, depuis leur création en premier avant que la Volonté Divine ne fasse émerger leur alter ego (qui est souvent leur Némésis) de leurs propres côtes

Les présages des tourments !
Nous sommes ici, avec ce récit de Hatem Oueslati, de l’autre côté du miroir où le caractère quasi démoniaque de cette forme insidieuse de perversion est un attribut féminin. Femme comme homme, les armes se fourbissent de la même manière car cette déviance caractérielle est un parfait copier-coller.
C’est ainsi que Nadia se faufile côté cœur. Hatem, 36 ans, un bon boulot et une belle voiture, il possède son appartement mais la solitude lui pèse et, quand il entend parler d’un site de rencontres communautaires, il s’inscrit. Une inconnue le contacte. Tout ce qu’il connaît de son ‘’profil’’ sur site est qu’elle est Tunisienne et qu’elle a 27 ans. Il lui donne son numéro. Elle l’appelle tout de suite. Ils ne se lâchent plus. Il est conquis : ‘’Elle avait l’air de déborder d’énergie et d’être quelqu’un de très passionnée. Elle avait une manière peu commune de raconter les choses. Elle vous transportait et vous faisait rêver. J’étais entièrement sous le charme de cette personnalité très atypique.’’ La date de ce constat reste gravée dans sa mémoire, c’est le 21 novembre 2010. Pourtant, il décèle déjà une bizarrerie mais l’oublie bien vite, même si une phrase sibylline de Nadia où elle lui parle de ses frères durs et obtus aurait dû le pousser à réfléchir. Commence alors une suite de chauds et de froids qui présagent de bien de tourments !

Il découvre qu’elle n’est pas néophyte
Il la rencontre. Elle est parfaite. Elle a l’émotion au bout du corps comme si elle était possédée et se confie à lui. Elle lui parle d’un père qui boit et de frères ayant fait de la prison. Il refuse d’en tirer les conclusions, les principes de précaution. Il lui dit qu’il comprend.
Seulement, le côté pile de la personnalité de Nadia commence à pointer, à prendre de l’espace. Elle espionne son téléphone portable et le tracasse pour ce qu’elle y découvre, ou ce qu’elle veut croire de ce qu’elle découvre. L’orage passe. Ils continuent à se voir et elle montre de nouvelles faces de son caractère. Cela aurait dû lui mettre la puce à l’oreille mais il est imperméable, aveugle et… il demande sa main en bonne et due forme. Plus tard, il assiste chez ses beaux-parents à une scène sordide de violence qui implique les trois frères de Nadia. L’amour prend le dessus une énième fois mais un incident éclate du côté où son éducation conservatrice l’éveille enfin, pour la première fois, à l’évidence des disparités avec Nadia. Il découvre qu’elle n’est pas du tout aussi néophyte qu’elle le prétend en matière sexuelle. Là n’est pourtant pas le problème pour lui. Ce qui le tracasse, c’est qu’il découvre qu’elle ment ouvertement, au défi des évidences. Elle lui ment aussi au cours des préparatifs du mariage quand elle lui commande de lui payer sa robe de mariée.

Le mépris et l’ambivalence
Il découvre progressivement, sans s’y arrêter vraiment, que Nadia n’est pas du tout ce qu’il croit qu’elle est. Il découvrira son ‘’Double Blind’’ à la veille du 5 mai 2012 quand ils s’unissent pour la vie. Le piège se referme.
Elle n’en fait qu’à sa tête, elle l’isole, le méprise, lui révèle sa faiblesse face à elle, déverse son ambivalence, divise le monde autour de lui pour mieux le posséder, l’entraîne dans les hauts et les bas, lui fait prendre l’ascenseur émotionnel dont elle tient les commandes…
Un désastre colossal dont il ne parvient à trouver un semblant de début d’alternative que sur le divan d’un psy auquel il raconte son histoire. Et, tout de go, le diagnostic du praticien tombe comme un couperet sur les dernières illusions de Hatem : ‘’Vous vous êtes fait vampiriser, vous avez affaire à une manipulatrice et vous êtes en plein stress post-traumatique grave. Votre épouse semble être une perverse narcissique !’’
Incapable de donner ou de recevoir de l’amour, Nadia est un archétype à part et c’est de la sorte que l’auteur l’a traitée après être passé par d’innombrables moments de flottements, incapable de se résoudre à accepter qu’il a fait fausse route, ne prenant en compte à aucun moment de ce que la psychanalyse apprend de la perversion narcissique que si elle est indéniablement une pathologie relationnelle, elle est aussi un mécanisme de défense ! C’est compréhensible quand on constate qu’il s’est donné corps et âme, dès le début, à cette relation qui lui a semblé la bénédiction de son existence.

L’ouvrage
‘’Je lui ai donné mon cœur, elle a pris mon âme’’, 262p., mouture française
Par Hatem Oueslati
Editions Afrique Culture, 2018

Sarrah O. BAKRY

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