Gestion de l’eau durant l’Aïd El Idha : La Sonede a joué avec le feu !

Les résultats de l’enquête sur la gestion de l’eau durant l’Aïd El Idha ont révélé des pics de consommation sans précédent dus, entre autres raisons, à la chaleur historique que la planète a connue. Cependant, l’absence de dispositifs permettant le suivi de la crise, notamment des 90 mille abonnés touchés par la perturbation de la distribution de l’eau le jour même de l’Aïd, a été imputée à la Sonede.

Encore une fois, la saison estivale n’est pas passée aussi paisible qu’on le souhaitait. Plusieurs régions, villages et campagnes ont connu des périodes très difficiles à cause des coupures d’eau fréquentes auxquelles les habitants ont riposté par des actes de violence et des barricades érigées dans les rues en guise de protestation. Mais ce qui était vraiment intolérable aux yeux des citoyens, c’étaient les perturbations et les coupures d’eau survenues le jour même de l’Aïd et qui se sont étalées sur deux, parfois trois jours selon la région. Les mouvements de protestation qui ont éclaté simultanément un peu partout en Tunisie durant la matinée de l’Aïd, notamment dans le Grand Tunis et plus spécifiquement dans l’agglomération périurbaine d’Ennahli, ont réussi à faire braquer les projecteurs, une fois de plus, sur l’éternel problème de la gestion de l’eau en Tunisie. A qui la faute ? Y a-t-il eu sabotage ? Une mauvaise gestion ? Pourquoi les coupures ne touchent que les agglomérations populaires ? Autant de questions que les citoyens se sont posées et qui ont alimenté la polémique sur la gestion de l’eau en Tunisie. Une commission présidée par l’expert en hydraulique Ameur Horchani a été mandatée, à cet effet, par le chef du gouvernement en vue d’en déterminer les causes. Les résultats de l’enquête ont été présentés, hier, lors d’une conférence de presse tenue au siège du ministère de l’Agriculture, en présence du ministre, Samir Bettaieb, du secrétaire d’Etat aux Ressources hydrauliques, Abdallah Rabhi, ainsi que des membres de la commission chargée de l’enquête.

Malgré les mesures préventives, les coupures semblaient inévitables

Avant de passer la parole au président de la commission, Bettaieb a affirmé dans son mot d’ouverture qu’à la veille de l’Aïd, tous les réservoirs étaient pleins. La Sonede a pris toutes les mesures nécessaires afin de se préparer au pic de consommation d’eau prévu le jour de l’Aïd, notamment au cours d’une période très chaude où les températures ont atteint des seuils historiques couplée à une saison touristique à son apogée.   

Ameur Horchani a choisi d’entamer son exposé en dressant le bilan de la situation hydraulique de la Tunisie. L’objectif étant de sensibiliser les représentants des médias sur l’ampleur de la problématique de l’eau dans le pays mais également du rôle clé que joue la Sonede dans l’approvisionnement des citoyens en eau d’une façon équitable et à moindre coût. Une entreprise titanesque dans la mesure où la société n’est pas suffisamment dotée des moyens financiers nécessaires pour y parvenir. Horcahni a fait savoir que la Tunisie a exploité toutes les ressources hydrauliques dont elle dispose allant des vallées jusqu’aux nappes phréatiques. Au point de l’épuisement. «Actuellement, l’orientation c’est la mer.  La station de dessalement de Djerba assure la production de 30 millions m3 par an ! Ce qui est énorme», explique Horchani. Pour l’expert, cette crise persistante de l’eau n’est que conjoncturelle, puisqu’elle est inhérente à la transformation que le système hydrique tunisien est en train de subir. 

105 mille abonnés  touchés

S’exprimant sur les coupures survenues le jour de l’Aid Al Adh Idhha, le président de la commission a souligné que la Sonede a géré la distribution des eaux à la limite de ses fonctions, dans la mesure où elle a essayé de maîtriser la forte demande en eau avec le peu des moyens dont elle dispose. En effet, la consommation de l’eau potable distribuée par la Sonede s’est accrue de 19% par rapport à la même période de l’année précédente. Plusieurs facteurs y ont contribué. Courbes et diagrammes à l’appui, l’historique vague de chaleur qui a frappé cet été, en l’occurrence durant le mois de juillet, a été mise en avant. «Une canicule qui dure une journée n’a pas les mêmes répercussions que celle qui dure plus», soutient Horchani.

En somme, le rapport de la commission a révélé que le nombre des coupures d’eau enregistrées sur la période du 10 au 12 août s’élève à 112 touchant un total de 105 mille abonnés de la Sonede. Environ 90 mille abonnés ont été affectés par 64 coupures d’eau survenues le jour même de la fête du sacrifice. Horchani a réfuté l’hypothèse du sabotage étant donné que toute intervention de ce genre est traçable. « À vrai dire, les jours de l’Aid ont été, de tous temps, une source de crainte. La Sonede doit réussir la gestion de la crise. Le sacrifice prend lieu entre 6 h et midi. Ce qui implique une forte demande simultanée en eau, de surcroît couplée à une chaleur sans précédent. La Sonede a joué avec le feu !», a asséné le président de la commission. Par ailleurs, il a précisé que les techniciens de la société ont intervenu dans l’immédiat dans les diverses régions du pays pour assurer la réparation de 50 pannes dont la moitié sont survenues le jour de l’Aïd. Par souci de clarté, Horchani a mis l’accent sur les efforts considérables qu’il faut déployer pour la  mise à niveau des les réseaux de distribution de l’eau. «C’est un travail très compliqué qui demande au moins 12 spécialistes pour le réussir», affirme-t-il. Cependant, l’expert a déploré l’absence du volet préventif dont a besoin la société pour gérer les crises. «La Sonede n’a pas de salle d’opération pour suivre les personnes endommagées et les zones touchées par les coupures d’eau. Les efforts sont réalisés d’une façon disparate. Ce n’est plus admissible pour la Sonede», souligne Ameur Horchani.

Le cas d’Ennahli 

Plus de 400 personnes habitant les hauteurs d’Ennahli ont été victimes d’une pénurie intempestive de l’eau durant la matinée de l’Aïd. Désespérés, les habitants ont barricadé les routes pour exprimer leur colère. Horchani a qualifié le cas d’Ennahli de «drame» dans la mesure où le réservoir «Ghdir El Golla» qui alimente les réseaux de la Sonede pour une grande partie du Grand-Tunis, y compris les hauteurs d’Ennahli, est très sollicité. Avec la forte pression inhérente à l’accroissement simultanée et exponentielle de la  demande en eau, les habitants des zones montagneuses, à l’instar d’Ennahli, sont les premiers atteints par les coupures d’eau, soutient-on. «A 6 h du matin, le réservoir était à 4,6 mètres. Vers 8 h, le niveau a légèrement baissé pour avoisiner les 4,25 mètres. Aux alentours de 10h, le niveau a chuté à 1,6 mètre. C’est une illustration de ce qui se passe le jour de l’Aïd. A midi, le réservoir était presque vide», explique Horchani.

Les agglomérations sur les hauteurs, les premières zones touchées

Lors de la conférence, le ministre a également précisé que la quasi-majorité des zones rurales n’ont pas été touchées par les coupures d’eau. Ce qui représente une véritable prouesse. « La gestion de l’eau par les groupements agricoles dans les zones rurales est un acquis pour la Tunisie. C’est une expérience réussie qu’il faut pérenniser. Le monde rural nécessite des idées innovantes qui lui sont adaptées. Etant une idée provenant du Sud, le GDA en est la parfaite incarnation», affirme le président de la commission à ce titre.Par ailleurs, il est à noter que plusieurs coupures sont survenues dans les zones situées sur les hauteurs de diverses régions, à l’instar de Béja, El Fahs (gouvernorat de Zaghouan), Kélibia (gouvernorat de Nabeul) durant les pics de consommation. Quant à la région de Sfax, l’expert a affirmé qu’elle souffre d’un problème structurel dont la solution sera l’inévitable dessalement de l’eau. Il a appelé, à cet égard, les autorités de tutelle à accélérer le lancement du projet. Pour la région de Jendouba, les coupures qui ont eu lieu à Aïn Drahem et Babbouch ont été opérées par les riverains de Bni Mtir par crainte d’une pénurie durant l’Aïd. Le retour de la distribution de l’eau a nécessité trois jours pour qu’elle atteigne sa pression habituelle.   

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