
De notre envoyée spéciale à Cannes Samira DAMI
En pleine vitesse de croisière, la 72e édition du festival de Cannes nous a gratifiés d’un film poignant «Hidden Life» (La vie cachée) réalisé par le grand cinéaste américain Terrence Malick. Inspiré de faits réels tirés d’une correspondance entre un paysan autrichien, Franz, emprisonné parce qu’il a refusé, durant la Seconde Guerre mondiale, de prêter serment pour faire allégeance à Hitler, et sa femme Fani.
Le film s’ouvre sur des moments de bonheur vécus par une famille de paysans heureuse et unie. Franz et Fani se vouent un amour profond et adorent leurs trois petites filles. Dès les premières scènes du film la caméra s’emballe dans une ode à la nature avec laquelle tous les personnages, y compris la grand-mère paternelle, sont en parfaite harmonie. Travailler la terre, faucher le blé, traire les vaches, faire les cueillettes, toutes ces séquences sont filmées par le réalisateur telle une chorégraphie dédiée à la nature et aux grands espaces. Mais très vite, un événement extérieur, la guerre, va perturber ce bonheur. Franz résiste par orgueil ou sagesse, il ne sait pas très bien lui-même.
Or, son comportement et sa position sont loin de plaire aux habitants du village.
Tous se dressent contre lui et sa famille, ils sont isolés et abandonnés à leur sor. Ce rejet et cette solitude sont accentués par l’arrestation de Franz par les Nazis, mais Fani soutient son mari, par amour, tout en sachant qu’il ne pourra pas changer le monde : «Tu ne changeras pas le monde, il est plus fort», lui dit-elle. Franz combat, avec toute sa force et sa foi, l’horreur humaine grâce à sa croyance en Dieu et son rapport spirituel à la nature. Ce que la caméra de Malick montre à travers des plans subliminaux magnifiant la beauté, l’éclat et la force de la nature entre collines, vastes champs, cours d’eau, ciel, terre et autres sites naturels du village et cela en toutes saisons. La neige, la pluie, le soleil, le vent sont ces éléments de la nature à travers lesquels le réalisateur nous dit tout simplement que «Dieu est parmi nous et qu’il suffit d’ouvrir les yeux pour s’en apercevoir et en prendre conscience ».
Grâce, donc, à son rapport spirituel à la nature et sa foi en Dieu, Franz réussit à transcender cette épreuve en refusant de cautionner le mal et la cruauté des Nazis et leur fascisme qui génère la mort et la destruction. D’ailleurs la résistance à tous les totalitarismes et à toutes les oppressions, et cela par tous les temps que ce soit, hier en Europe ou, aujourd’hui en Palestine, par exemple, exigent plus que jamais la résistance de l’humanité entière.
Car «la disparition de la lumière est le début de la folie», nous dit en substance le réalisateur de «Ligne rouge», Ours d’or à Berlin en 1998 et de « Tree of life », Palme d’Or à Cannes en 2011.
Avec ce drame, Malick revient à la narration en utilisant une voix off poétique tandis que sa caméra inventive multiplie les plans lumineux, façon hymne à la nature, pour appuyer davantage les valeurs de résistance et de liberté que prône son personnage central, magnifiquement interprété par Auguste Diehl aux côtés de Valérie Pechner (Fani) tout aussi lumineuse. Le réalisateur américain très discret, rarement présent à Cannes pour présenter ses films, s’est montré, cette fois, lors de la projection officielle de son film pour disparaître de nouveau.
S.D.