libre propos : A chacun sa Nouba

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 Par Neila GHARBI
Depuis le début du mois de Ramadan, une polémique stérile tourne autour de la Nouba. C’est le feuilleton portant le titre de Nouba,diffusé sur la chaîne privée Nessma TV qui a créé cette controverse. Abdelhamid Bouchnak, le réalisateur de la série, a accordé la paternité du méga spectacle « Nouba », dont il s’est inspiré pour le scénario de sa fiction, à Fadhel Jaziri. Le compositeur Samir Agrebi, co-auteur du spectacle est sorti de ses gongs révélant que c’est lui l’auteur de ce spectacle « Nouba ». Plusieurs autres protagonistes sont entrés en ligne.
Intervenant sur l’une des stations radio, le chanteur Samir Loussif fustige Samir Agrebi affirmant qu’il n’a rien à voir avec le mezoued et encore moins avec la musique. Pour sa part, Hédi Habouba, chantre du mezoued, qui a participé au spectacle et au feuilleton, convient que l’œuvre d’Abdelhamid Bouchnak est une fiction à part entière et non un spectacle de chant, et confirme la paternité du spectacle « Nouba » de 1991 à Fadhel Jaziri. Propos repris par l’auteur du feuilleton. Un imbroglio dont profitent largement les talk-shows et les radios en manque de buzz. Abdelhamid Bouchnak aurait pu éviter toute cette confusion, en intitulant autrement son feuilleton.
Une autre version, sans doute la plus plausible, est celle du critique Mohamed Moumen. En effet, Fadhel Jaziri rêvait depuis les années 60 de réaliser un méga spectacle populaire. Tandis que Samir Agrebi voulait organiser un spectacle en hommage au chanteur Habouba, dont les chansons furent longtemps censurées sous le régime de Bourguiba, dans la mesure où le mezoued était considéré comme une musique des « zoufris » des faubourgs de Tunis, dont certains de ses protagonistes ont séjourné dans les prisons. L’opportunité d’un spectacle consacré à cette musique profane est venue de l’acteur Fathi Heddaoui qui a rapproché Fadhel Jaziri et Samir Agrebi. Le courant est passé entre les deux hommes qui ne se connaissaient pas à cette époque.
Jaziri et Agrebi ont convenu d’une fiesta grandiose réunissant une grande majorité de chanteurs de mezoued. Bien entendu, le pivot central étant Hédi Habouba qui connaît bien le domaine et surtout les musiciens qui y travaillent. En 1991, le monde arabe était sous le choc de la première guerre du Golfe en Irak. La déception était grande et inconsolable. Pour sortir de cette déception, le duo Jaziri et Agrebi a imaginé le spectacle « Nouba » pour rendre hommage à une musique populaire qui était de toutes les fêtes de mariage des Tunisiens, mais privée d’une présence médiatique. Au bout de quelques spectacles réussis en Tunisie et à Paris, la Nouba a connu un fiasco et s’est arrêtée.
Samir Agrebi, qui a rompu sa relation professionnelle avec Jaziri après plusieurs autres collaborations musicales d’envergure, est revenu plusieurs années après à ses premières amours : le mezoued, en organisant un spectacle intitulé « Habouba chante et danse » en hommage au chanteur dans le cadre de la 54e édition Festival d’été de Hammamet 2017. Ce à quoi Habouba, qui n’a pas été invité à chanter dans ce concert, a mis en cause le projet d’Agrebi. Ce dernier continue à creuser dans le même sillon, puisqu’il propose actuellement un télé-crochet « Nouba Talents » diffusé sur El Hiwar Ettounsi. Les candidats sont en lice dans une compétition où le meilleur sera choisi par le vote du public. Un jury présidé par Samir Agrebi donne aussi son avis sur les prestations des participants.
Par ailleurs, le cinéma documentaire s’est emparé du sujet et, en 1991, Hichem Ben Ammar a réalisé « Cafichanta », excellent documentaire en hommage aux artistes de mezoued, est une incursion dans leur univers masculin et une reconstitution de la mémoire collective envers les injustices commises à l’égard de ces artistes. Plusieurs années plus tard, en 2010, Sonia Chamkhi a réalisé également un documentaire portant le titre de « L’art du mezoued » dans lequel elle réhabilite cette musique qui fait partie intégrante de notre patrimoine et lui donne une visibilité en célébrant quelques talents ayant contribué à la production du répertoire de cette musique profane. En somme, à chacun sa Nouba et il n’y a pas de quoi en faire des tartines !

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