C’est l’une des figures de proue du football tunisien. Il fait partie de la vieille école qui croit encore au respect et aux bonnes valeurs que doit véhiculer le sport, le football en particulier. Humble, il n’aime pas trop parler de sa personne. Il ne s’est pas fait prier car il croit qu’entre sportif et journaliste, la confiance et l’amitié peuvent se frayer un chemin. Retour sur la carrière d’une personnalité sportive qui émerge du bon vieux temps.
Il est difficile de cerner aux premiers jours la personnalité d’Ali Selmi, cet entraîneur et ex-joueur de l’ASMarsa qui assume volontiers faire partie de la vieille école à la personnalité bien carrée. C’est le genre qui ne s’ouvre pas tout de suite vers les journalistes. Il est même ce qu’on appelle dans le jargon journaliste «mauvais client» quand on ne le connaît pas très bien. Mais une fois qu’on noue une relation de confiance et d’amitié avec lui (et ce n’est pas une mince affaire), c’est un Ali Selmi disponible à souhait. Un livre ouvert que nous avons feuilleté pour vous.
«Je n’ai pas eu la carrière de joueur souhaitée»
Ali Selmi a débuté tôt sa carrière de joueur : «J’étais encore cadet quand Pazmandy avait pris en main les affaires de l’équipe senior de l’ASM. Comme il était mon entraîneur dans les catégories jeunes, j’ai fait partie des cadets et juniors qui ont accédé sous son égide à l’équipe senior. J’ai donc fait partie de la génération de Derouiche, Aniba, Baccar Ben Milad, Bouaziz et Klibi entre autres. Sauf qu’il y a eu un hic. Eux ont pu faire une longue carrière de joueurs, contrairement à moi. J’ai dû mettre fin à ma carrière alors que j’avais seulement 25 ans et pour cause : à mon époque, l’opération du ménisque était si compliquée, que j’ai préféré arrêter ma carrière de joueur».
De sa courte carrière de joueur, il garde jalousement un vieil article du journal Le Sport paru le 14/05/1962 intitulé : «Concours du jeune footballeur : Selmi Ali (A.M.) lauréat, et à l’Avenir le challenge du Nombre».
Dans le classement final, on trouva des coéquipiers d’Ali Selmi, à savoir Gabsi, Klibi, Aouini et Derouiche. A l’époque, la formation était une des traditions de l’Avenir Sportif de la Marsa.
Un entraîneur titré
En tant que joueur, il a perdu quatre finales de Coupe de Tunisie, notamment celle de 1965 : «Je me demande encore pourquoi l’arbitre du match, Capitaine Abdelakader, nous avait refusé un but ?», se demande encore Ali Selmi. Et s’il n’a remporté aucun titre en tant que joueur, il a pris sa revanche comme entraîneur en offrant à l’ASM deux des cinq coupes de Tunisie que compte le club dans son palmarès. Par ailleurs, il était à la tête de l’équipe qui a remporté la dernière Coupe de Tunisie en 1994 devant l’ESS. Mais son plus beau titre, ce fut sa première consécration en tant qu’entraîneur : «Je débutais encore dans le métier d’entraîneur. Je n’avais que 25 ans. Mon premier titre reste à jamais le plus beau, même s’il n’est pas le plus important, celui d’avoir remporté le Championnat de Tunisie junior à la tête de l’ASM. J’avais battu, entre autres, l’Espérance de Khaled Ben Yahia. Ma première équipe que j’ai entraînée était composée, entre autres, de Moneem Mezlini, Ahmed Ben Youssef, Lotfi Lounis et Faouzi Marzouki. Ce dernier a été par la suite mon assistant bon nombre de fois».
Ali Selmi croit énormément dans le relationnel, chose qui l’a amené tout au long de sa carrière à entraîner peu d’équipes en Tunisie : l’ASM, le ST, le CSC et l’OB : «J’ai un attachement particulier à l’Olympique de Béjà. Ce sont les familles Mbarek, Ben Chiboub, Ouni et Kefi qui m’ont fait aimer leur club. Ils m’ont ouvert les portes de leurs demeures familiales et, à ce jour, je suis en contact permanent avec eux. L’OB est, par ailleurs, mon deuxième club de cœur après l’ASM».
Les dessous du Mondial
On ne peut pas parler souvenirs avec Ali Selmi sans évoquer les dessous du Mondial 98 : «Raouf Najjar, alors président de la FTF, m’a convoqué et m’a demandé d’être l’adjoint du futur sélectionneur national alors qu’il n’avait pas encore nommé Kasperczak. Je lui ai répondu favorablement mais sous deux conditions essentielles : être deuxième sélectionneur national que le premier sélectionneur consulte et non simple adjoint qui dirige les séances de décrassage. Par ailleurs, j’ai eu le même traitement financier qu’avait Youssef Zouaoui. Ma deuxième condition était de m’assoir avec le candidat choisi pour mettre les points sur les «I». Il m’a rappelé après avoir nommé Henri Kasperczak à la tête de l’équipe nationale. Nous nous sommes entretenus en tête à tête pendant une heure et le courant est vite passé. En ce qui concerne le Mondial 98, il est vrai que nous avons raté notre deuxième sortie contre la Colombie, un match que nous aurions pu mieux négocier. Toutefois, ce que les gens ne savent pas, c’est que l’ambiance était pourrie à cause d’ intrus qui sont entrés en contact permanent avec les joueurs et les ont influencés rien que pour nous mettre les bâtons dans les roues, Henri et moi. Pour être plus précis, c’était une personnalité très influente à l’époque qui était à l’origine de ces interférences négatives. C’était rien que par égocentrisme. Il n’a pas accepté le fait que nous ne lui avions pas prêté une oreille attentive quand cette personne a voulu s’ingérer dans notre travail. Quant au président de la FTF de l’époque, Tarek Ben Mbarek, il était complètement effacé et n’a pas protégé le groupe».
Revenir aux fondamentaux
On ne peut pas non plus être en présence d’Ali Selmi, sans demander son avis sur l’ASM : «Le club a perdu sa principale tradition, la formation, et c’est ce qui a causé sa dégradation. Le prochain bureau directeur, qui sera élu cet été, devra entamer un long travail de restructuration de formation sur des bases solides. Au bout de deux ans, on aura une ossature rajeunie de l’équipe senior et peu importe si durant les deux prochaines saisons le club ne parviendrait pas à accéder parmi l’élite. Le salut de l’ASM passe par le retour aux fondamentaux, notamment la formation». Un message on ne peut plus clair !