Accueil Culture Entretien du lundi avec Abdelaziz Meherzi (Comédien et metteur en scène) : ‘‘Nous défendons un patrimoine national avant tout ! ’’

Entretien du lundi avec Abdelaziz Meherzi (Comédien et metteur en scène) : ‘‘Nous défendons un patrimoine national avant tout ! ’’

Comédien et metteur en scène, Abdelaziz Meherezi est l’un des membres les plus anciens de la Troupe de la Ville de Tunis où il travaille depuis une cinquantaine d’années. Après la décision de la municipalité de Tunis de résilier les contrats de Kaouther Bardi et Rym   Zribi et l’absence de réels projets pour l’année 2019, l’existence de cette troupe semble menacée. Entretien.    

On croit savoir qu’il y a un projet pour mettre fin à la vie de la Troupe de la Ville de Tunis de la part de la municipalité…
En effet, la Troupe de la Ville de Tunis qui a aujourd’hui 64 ans passe par une période très critique et alarmante. Cela est dû essentiellement à la mauvaise gestion de la maire de Tunis qui ne semble pas avoir compris le rôle et   l’esprit de la Troupe de la Ville de Tunis. Cette troupe a été créée en 1953 mais elle a été officialisée le 14 août 1954. Une troupe qui a été créée par de grands artistes mais aussi des journalistes et des hommes de culture comme Mohammed Marzouki, le journaliste Mohamed Ben Fdhila, Fathia Khairi, Hédi Jouini, Tahar Belhaj, Hamda Ben Tijani, Hamadi Jaziri et j’en passe. Il s’agit d’un grand patrimoine de la mémoire collective de tous les Tunisiens et pas uniquement les Tunisois parce que l’impact de la troupe a dépassé les limites de la ville de Tunis et nous avons sillonné tout le pays. Et c’est pour cela que je suis là pour défendre cette institution. Je ne sais pas pour quelles raisons cette maire qui prétend connaître la ville de Tunis et ses institutions culturelles agit de cette manière en voulant écraser cette troupe. J’ai passé 50 ans dans cette troupe qui est le porte-drapeau du théâtre tunisien et qui a représenté la Tunisie au Théâtre des Nations à deux reprises en 1964 et en 1969 entre autres représentations en Autriche, le Caire, Berlin, le Liban, l’Algérie et le Maroc. Nous ne sommes pas des cas sociaux ! Cette troupe nous la défendons en tant que patrimoine et personne n’a le droit d’y toucher !

Pourquoi la troupe semble agoniser aujourd’hui ?
En effet, la troupe agonise aujourd’hui et cela est dû essentiellement à la mauvaise politique de gestion de l’actuelle Maire qui a trouvé le terrain plus ou moins fertile pour pouvoir mettre à mort cette troupe. A ce stade, je voudrais préciser que contrairement à ce que déclare madame la Maire    sur les ondes de Mosaïque FM nous ne disposons pas de bus mais c’est le corbillard de la municipalité qui ramène les comédiens chez eux le soir.

Quelle est la goutte qui a   fait déborder le vase ?
Ça a commencé par la décision d’arrêter la distribution d’une pièce qui marche très bien et qui porte le titre de « Taïeb Kakkah » que j’ai mise en scène. C’est une pièce qui a été représentée le 29 novembre 2018 et qui a fait  huit représentations à guichets fermé. Et la maire de Tunis vient d’arrêter et d’annuler toutes les représentations de cette pièce y compris celles qui ont été programmées par elle-même au Théâtre municipal. Elle a même envoyé une lettre au ministère des Affaires culturelles   lui demandant de ne pas programmer la pièce dans les festivals et les maisons de la culture. En parallèle, la maire de Tunis décide de résilier les contrats de Kaoutrher Bardi et de Rym Zribi (le noyau de la troupe) en laissant la troupe sans projets réels pour la saison 2019. Il y a également des comédiens freelances qui ont joué dans les pièces « Songes d’une nuit d’été » et « Al baydek » de Mokhtar Louzir et qui n’ont pas reçu leur cachet depuis deux ans. Avant cela, nous avons appris la démission de son adjoint chargé de la culture Mohsen Ben Nefissa. Une démission qui nous a surpris et on croit savoir que c’était sous l’effet de la contrainte.  Il y a des signes qui nous ont fait comprendre qu’elle n’a pas besoin de cette troupe et qu’elle veut peut-être  la remplacer par une autre culture…  Les intentions sont claires …. Je tiens d’ailleurs à remercier le ministre des Affaires    culturelles qui nous soutient, monsieur Noureddine Taboubi ainsi que le syndicat libre des arts dramatiques.    

Serait-ce une censure pour la pièce « Taieb Kakkah » ?
Non pas du tout il ne s’agit pas de censure. La pièce est une simple comédie qui se passe dans les années cinquante. C’est l’histoire d’un coiffeur qui tombe amoureux de sa femme de ménage alors qu’il est marié. C’est ce qu’on appelle une comédie de moeurs. Cette réaction est simplement une manière de faire trébucher les activités de la troupe.

Certains commencent à penser que c’est une démarche planifiée pour démanteler la culture dans la ville de Tunis servant ainsi d’exemple à d’autres villes.
Oui la démarche est claire !  Mais force est de croire aussi que la culture n’est pas un élément déterminant ou important dans la vision politique de son parti. C’est une dame qui a tout de même la responsabilité de gérer la ville de Tunis et pour cela il faut bien connaître l’esprit de la ville de Tunis. Il s’agit d’un immense morceau ! Nous tenons à notre culture et nous avons encore en mémoire Rjeb El Mejri qu’on a interné dans un hôpital parce qu’il faisait du théâtre, nous avons également en mémoire les événements de l’Africa et El Abdellia . 

Décrivez-nous les contrats qui vous lient à la troupe ?
Nous sommes régis par des statuts propres à la troupe. L’article  28 de ce statut stipule que le comédien signe un contrat la première année puis ce contrat est reconduit tacitement .Obliger les comédiens à signer tous les ans ne correspond pas à ce statut et cela a commencé l’année dernière avec 4 mois de retard pour les salaires. Il y a des techniciens qui n’ont pas été payés pendant neuf mois…

On croit savoir que la maire de Tunis a révisé sa position…
Dans ce cas, nous demanderons la révision des statuts de la troupe qui datent de 1983 et qui n’ont pas été actualisés jusque-là. Il s’agit également de rajouter un article qui   stipule que le contrat est reconduit automatiquement   sauf s’il y a une faute grave.    

La   grande absente de ce débat est Mouna Noureddine, directrice de la troupe. Pourquoi on ne l’a pas vu défendre ses comédiens ?
Il faut dire que en tant que directrice, Mouna Noureddine n’a plus la patience …. On l’a suppliée de sortir par la grande porte et elle restera toujours pour nous une valeur sûre et inestimable. Oui, elle n’a pas défendu ses comédiens pour répondre à votre question ! Et je ne vois pas pourquoi d’ailleurs, puisqu’elle travaille gratuitement, ce qui prête à confusion ….

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