A côté des passeurs locaux, la Tunisie fait face à de puissants groupes de trafiquants libyens et d’Afrique centrale qui préfèrent embarquer de nos côtes.
Ni le développement des technologies de surveillance ni la stratégie nationale de l’immigration 2015-2020, encore moins les programmes d’aide au retour volontaire et les accords bilatéraux conclus avec certains pays européens n’ont permis de freiner l’immigration clandestine à partir des côtes tunisiennes. Pis, le nombre d’immigrants irréguliers ne fait que suivre une courbe ascendante ces derniers mois, démontrant les limites, pour ne pas dire l’échec, des politiques entreprises en matière de lutte contre ce fléau.
En six ans, plus précisément entre 2011 et 2017, environ 38 mille immigrants ont débarqué clandestinement sur les côtes italiennes. Le nombre de candidats à l’immigration clandestine, arrêtés sur les côtes tunisiennes avant leur départ, est d’environ 13 mille durant la même période, selon une étude présentée par l’Institut tunisien des études stratégiques (Ites) en coordination avec l’Organisation internationale de migration.
Pas de répit et pas d’éclaircie dans la grisaille. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, nos jeunes continuent à fuir le pays en quête d’horizons plus prometteurs. L’augmentation du taux de chômage estimé à 15,3% ne fait que décourager les jeunes et les inciter encore plus à larguer les amarres et se lancer dans la traversée de la mort. Plus de 450 Tunisiens seraient portés disparus durant leur tentative de passage en Italie.
Plus il fera beau en Tunisie, plus ils auront le regard rivé sur une Europe prometteuse d’un avenir meilleur. Le contexte socio-politico-économique post-révolution n’est guère rassurant pour la majorité de nos jeunes (et les moins jeunes aussi) qui continuent à risquer leur vie usant de tous les subterfuges pour atteindre la terre promise.
De janvier à juin 2019, ils étaient plus d’un millier à traverser la Méditerranée en direction de l’Italie et l’Espagne, révèle le Forum tunisien des droits économiques.
Un dossier épineux pour le prochain gouvernement
Durant ces derniers jours marqués par l’enchaînement des élections législatives et présidentielle, plusieurs jeunes avaient le regard porté sur la rive nord de la Méditerranée. La partie italienne attend déjà la constitution du prochain gouvernement issu des dernières élections législatives pour la mise en application des dispositions d’un accord sur l’accélération de la procédure de rapatriement des immigrants clandestins.
Autre défi auquel notre pays fait face depuis la détérioration de la situation sécuritaire en Libye : les passeurs des migrants clandestins préfèrent les départs depuis les côtes tunisiennes, en utilisant des bateaux plus sûrs et plus discrets, selon le quotidien italien La Stampa. «Des voyages en classe affaires», décrit le procureur d’Agrigente, Salvatore Vella, le 21 septembre dernier. «Nous commençons à voir des Tunisiens mais aussi des Subsahariens à bord d’embarcations qui arrivent d’une manière autonome, ajoute la même source.
«Actuellement, il n’y a plus seulement des groupes de Tunisiens qui s’organisent eux-mêmes et utilisent de petits bateaux, mais aussi des groupes puissants de trafiquants, libyens et d’Afrique centrale», selon la journaliste Alessandra Ziniti, spécialiste dans les questions de la migration.
En juin dernier, l’agence européenne de garde-frontières, Frontex, a posté une vidéo sur twitter montrant un bateau de pêche en train de débarquer un canot de migrants à quelques kilomètres de l’île de Lampedusa. Alertés, les garde-côtes italiens ont pu intercepter le bateau en question au large des côtes libyennes, avec à son bord six Egyptiens et un Tunisien, qui ont été arrêtés, selon le média français Le Parisien.
En effet, il s’agissait de passeurs et non de pêcheurs. Les immigrants clandestins ont été arrêtés à leur tour.