Le Parti destourien libre (PDL) semble avoir obtenu gain de cause, alors que le bureau du Parlement a résolu l’affaire en condamnant tous les dérapages et en appelant à amender son règlement intérieur pour éviter que de tels incidents ne se reproduisent. Sur fond d’un conflit qui a mis à mal l’image, le fonctionnement et le pouvoir du Parlement, il est aujourd’hui indispensable de tirer les leçons nécessaires pour préserver le prestige de cette institution, dont la crédibilité ne fait pas l’unanimité.
Dès les premières plénières, la deuxième législature a été confrontée à un exercice périlleux et à un conflit qui a ébranlé non seulement l’hémicycle mais aussi tout le paysage politique et médiatique. Hier, le bout du tunnel est apparu, la plénière consacrée à l’examen de la loi de finances pour l’exercice 2020 s’est déroulée dans des conditions normales après la levée du sit-in observé tout au long de cinq jours par les députés du PDL sur fond de leur différend avec la députée d’Ennahdha, Jamila Ksiksi, qui les a qualifiés de « clochards et de bandits », provoquant une levée de boucliers. Même si nous avons assisté à un épisode de tension, d’altercations, d’accusations et de contre-accusations qui ne rendent pas service à l’image du pouvoir législatif et d’autant plus que les craintes de voir la constitution d’un parlement incontrôlable se sont malheureusement réalisées, il est aujourd’hui plus que nécessaire de tirer les conclusions et les enseignements de cet exercice et de ce conflit pour pouvoir préserver l’image du pouvoir législatif et son fonctionnement au cœur du régime politique tunisien.
Lors d’une conférence de presse tenue au Parlement, la présidente du bloc du PDL, Abir Moussi, a annoncé, hier, la levée du sit-in, entamé depuis le 3 décembre au palais du Bardo, appelant ses députés à reprendre normalement leur travail. La fin de ce conflit intervient notamment suite à la condamnation des propos de la députée d’Ennahdha Jamila Kesiksi, faite par le bureau de l’ARP. En effet, ce bureau avait condamné, dimanche, « les propos injurieux à l’encontre du Parti destourien libre au même titre que ceux proférés à l’encontre des députés du mouvement Ennahdha ».
Le bureau de l’ARP a également décidé de « retirer ces propos des travaux de la plénière du 3 décembre 2019 et appeler au respect de la marche du travail au sein de l’ARP, de la loi et de la déontologie de l’action parlementaire ». Il a, par ailleurs, affirmé qu’il incitera à l’amendement du règlement intérieur de l’Assemblée et à la mise en place d’un Code de conduite pour éviter que de tels incidents ne se reproduisent plus. Mais Abir Moussi a dévoilé, dans ce sens, qu’elle a envoyé un huissier-notaire au président de l’ARP, Rached Ghannouchi, pour dresser un procès-verbal d’avertissement contre toute tentative de supprimer les allocutions des députés du PDL des sessions parlementaires.
Politique d’autruche ou preuve de retenue ?
L’attitude et le comportement du président de l’Assemblée des représentants du peuple, Rached Ghannouchi, face à ce conflit qui a mis à mal l’image du Parlement, a soulevé de nombreuses interrogations et même critiques, d’autant plus qu’il était le plus à même de mettre fin à ce conflit et de l’étouffer dans l’œuf pour éviter ses développements qui ont pris des tournures graves et inadmissibles.
En effet, Rached Ghannouchi a opté pour le silence tout au long de ce conflit, et c’est seulement, hier, qu’il a décidé de présider la plénière consacrée à l’examen de la loi de finances pour l’exercice 2020, évitant ainsi toute confrontation avec les députés du PDL et notamment Abir Moussi, qu’un conflit idéologique les oppose. Dans ce sens, certains observateurs se sont interrogés sur l’attitude de Ghannouchi qui n’a pas fait usage de ses prérogatives garanties par le règlement intérieur de l’ARP pour éviter l’escalade de la situation.
Ghannouchi a-t-il adopté la politique d’autruche ou a-t-il simplement fait preuve de retenue ?
Retour sur les faits
Les députés du PDL, dirigé par Abir Moussi, ont entamé depuis la nuit du 3 décembre un sit-in ouvert dans la salle plénière du Parlement, pour exiger des excuses officielles du Mouvement Ennahdha, sur fond de déclaration de la députée du mouvement, Jamila Ksikssi, lors de la session plénière consacrée à l’adoption de la loi de finances complémentaire de 2019, dans laquelle elle avait traité les députés du Bloc du PDL de «bandits et de clochards». Depuis, la tension s’est emparée du Parlement alors qu’il est engagé dans le processus d’examen et de vote de la loi de finances pour l’exercice 2020.
Abir Moussi a appelé le mouvement Ennahdha à présenter des excuses officielles, chose qui n’a pas eu lieu. Toutefois, le bureau de l’ARP a publié un communiqué dans lequel il dénonce les propos prononcés contre le bloc du PDL, et contre Ennahdha, une décision suffisante pour mettre fin à ce conflit.
Le bureau du Parlement avait décidé vendredi dernier d’inviter « les deux parties, à savoir la députée du Mouvement Ennahdha, Jamila Ksiksi, et la députée du Parti destourien libre Abir Moussi, à échanger des excuses», mais cette dernière a catégoriquement refusé exigeant des excuses du bureau de l’ARP et du bloc d’Ennahdha.