
Les Journées théâtrales de Carthage s’inscrivent dans une dynamique permanente qui les rehausse, les revigore, les renouvelle. Au fil des éditions, cette manifestation poursuit une œuvre inlassable qui consiste à construire, semer et accumuler tant d’acquis. Des éditions qui se font écho et dialoguent, loin du ressassement et des sentiers battus. La force de ce Festival puise continuellement dans les espaces, infiniment ouverts, de la connaissance. Comme ils ne sont ni définitifs ni figés, ces espaces provoquent des questions dans lesquelles ils s’impliquent, dialectiquement, comme pour colmater des brèches ou tenter une mémoire hermétique qui remonte à la nuit des temps.
Les accents de ce Festival se répercutent sur la pierre et sur les colonnes des gradins des théâtres romains et byzantins bâtis sur les collines de la Tunisie, dans ses buissons et dans ses plaines, dans ses villes et dans ses régions. C’est un Festival qui fouille dans le paradis des origines, parmi les ruines et les pierres, en quête de quelques pépites des tragédies de Sénèque, de Sophocle, d’Euripide ou d’autres auteurs de comédies de situation.
N’étaient-ils pas animés et constamment fréquentés tous ces théâtres à l’époque du « Grenier de Rome », lorsque Rome était, après Carthage, le centre du monde ? Quels spectacles donnait-on à Tipaza et à Timgad en Algérie, à Palmyre et à Busra Al-Sham, ou encore à Sabratha, à Lebda en Oman et ailleurs ?
Les peuples de ces contrées n’ont-ils connu la pratique et la représentation théâtrales qu’avec Maroun Naccache, alors que les historiens affirment que les théâtres étaient plus nombreux que les colisées et les arènes ?
Ce Festival se doit de préserver sa voix au sein de la cacophonie, afin de (re)formuler les questions et de les proposer aux institutions de recherche et aux savants chargés de ces investigations.
Sur le point de fêter leur quarantième anniversaire, les JTC doivent déterrer leurs racines arabo-africaines tout en s’identifiant à l’autre, à la liberté, aux progrès et aux valeurs civiques qu’elles symbolisent : dans ce cheminement, nous serons inspirés par ce que Saadallah Wannous appelle «notre faim de dialogue». N’avons-nous pas d’ailleurs nous autres, Arabes et Africains, cette grande «faim de dialogue» que le théâtre apprend à calmer ?
Dramaturges, chercheurs, créateurs, journalistes et cher public, soyez les bienvenus à Carthage, terre de rencontres et d’amour. C’est ainsi que nous nous sommes toujours précipités pour vous accueillir et avons souvent pris tout notre temps avant de vous dire au revoir.
Par Dr Hatem Derbel
(Directeur de la 21e édition des Journées théâtrales de Carthage)