Accueil Actualités Commentaire : Habib Jemli, seul contre tous

Commentaire : Habib Jemli, seul contre tous

Chef du gouvernement

Par Chokri BEN NESSIR

Si ses prédécesseurs, Habib Essid et Youssef Chahed, ont fini leurs mandats en queue de poisson et dans la solitude, le chef du gouvernement désigné entame, lui, son exercice dans l’isolement. Comme un trapéziste sans filet, il annoncera la composition de son équipe gouvernementale avant la fin de l’année. Pris au piège des revendications politiques «révolutionnaires» et des critères qui placent la barre très haut, quels que soient les noms proposés, il se trouvera englué dans les ronces inextricables de la traçabilité politique et morale des candidats.

Son choix s’étant fixé sur des hommes et des femmes compétents aux mains propres et qui n’ont jamais adhéré à un parti politique. S’il a gagné un point, en coupant court de la sorte aux voix qui s’élèvent pour un gouvernement du président, il s’est délibérément placé dans l’œil du cyclone, Comme un Don Quichotte, il ira combattre des moulins à vent, alors que les trous d’air sont partout et que le pays est au bord du précipice. Son coup de bec annonce le début des hostilités avec le Président de la République qui s’est mêlé de compétences qui ne sont pas les siennes, débordant ainsi le cadre de ses prérogatives constitutionnelles. Il sera également confronté à l’épreuve du parlement dont les membres lui reprochent d’avoir pris sa décision sans aucune concertation avec les partis formant les plus importantes coalitions.

Avec un aveuglement confiant, Jemli est monté au créneau, balayant d’un revers de la main tous les résultats des tractations engagées avec les principales coalitions à l’ARP, devant l’appétit sans fin des chefs des coalitions et leur désir démesuré pour obtenir des portefeuilles ministériels.
En remontant les bretelles aux différents chefs de partis, il a mis fin à une concurrence sans limites sur les postes clés au gouvernement et qui menacerait l’action de la prochaine formation gouvernementale d’une mort réelle dès sa naissance.
Ce jour-là, il a pris son courage à deux mains pour remettre à leur place, les acteurs politiques qui veulent imposer leur loi, où tout était devenu objet de spéculation politique.

Depuis, il se retrouve seul, absolument seul. Le Président de la République, a certes, essayé d’arrêter la panique et de restaurer la confiance, recommandant au chef du gouvernement désigné de reprendre le dialogue afin que la réaction en chaîne n’emporte, d’un bout à l’autre, le prochain gouvernement dans une débâcle absolument sans précédent. Mais l’homme a campé sur sa position, faisant entendre que le salut ne viendrait pas par les compromis sans fin. Depuis, les choses sont parfaitement claires dans son esprit. Chacun devra prendre ses responsabilités et mettre ses actes en accord avec ses propos. Il a décidé de prendre ses responsabilités et d’imposer ses actes et sa vision coûte que coûte.

Face à la tentation du sauve-qui-peut, du chacun-pour-soi, Jemli n’acceptera pas la tentation du retour à la case départ. Il a déclaré que de premiers progrès, impensables il y a un mois, ont été obtenus, et que le moment de l’annonce de son équipe est imminent. Il n’attendra plus que les autres bougent pour faire bouger les lignes. La Tunisie jugera bientôt les choix de Jemli et chacun en tirera les conséquences.

En agissant de la sorte, il a démontré que sur tous les sujets, il sera intraitable et qu’il ira au bout des réformes nécessaires. C’est pourquoi, il ne faut pas perdre l’élan qui a été donné et il faut agir. Et maintenant. Car, laisser le temps au temps, on a déjà essayé. Mais le temps n’est pas notre allié. Il est notre juge et nous sommes déjà en sursis. Il est temps de conclure et d’essayer autre chose. Certes, cela nous plonge dans une nouvelle crise. Mais cette fois, c’est une crise qui nous libère du carcan des alliances qui se font et se défont au gré des jours. Cette fois, la crise nous oblige à penser autrement. C’est une chance qu’il nous faut saisir à bras-le-corps. La question la plus importante est que ce choix de Jemli aidera le pays à sortir du cercle vicieux vers un cercle plus vertueux. C’est la grille de lecture qui vaille.

C.B.N.

Charger plus d'articles
Charger plus par La Presse
Charger plus dans Actualités

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *