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De la nooéconomie : Le nouveau visage du capitalisme


Financiarisation du capital, regroupement en des agglomérations, zones géographiques intensives en connaissances, émergence d’un nouveau salariat et développement des TIC sont les piliers de l’économie du savoir.


«Imaginez une économie dont la ressource principale est infinie. Imaginez une économie dotée d’une justice intrinsèque, une économie qui facilite et récompense le partage, une économie où le chômeur a davantage de pouvoir d’achat que le salarié, une économie où 1 et 1 font 3, une économie dans laquelle tout le monde naît avec du pouvoir d’achat et où, enfin, le pouvoir d’achat ne dépend que de vous-même».
C’est avec ces expressions-là que le conférencier et essayiste franco-algérien Idriss Aberkane définit souvent, dans les conférences qu’il donne ou dans les essais qu’il écrit, l’économie du savoir. Étant une figure de proue française de la nooéconomie, comme il préfère l’appeler, Aberkane a fait le tour des médias francophones en faisant l’éloge de l’économie du savoir et en plaidant en faveur d’une révolution qui fait basculer l’ordre économique vers l’économie de la connaissance.
Mais concrètement qu’entendons-nous par l’économie du savoir? Est-ce que la Tunisie est en mesure d’entrer de plain-pied dans cette nouvelle révolution, sachant que le rapport de la Berd ” économie du savoir: évaluation de la Tunisie” qui a été publié en 2016 met l’accent sur les atouts de la Tunisie qui lui permettent de réussir sa transition vers l’économie dite du savoir?

Pour s’affranchir de la dépendance au pétrole
Tout d’abord, ce qu’il faut souligner en premier lieu, c’est que l’économie du savoir n’a pas été jusque-là définie clairement et d’une manière précise dans la littérature. Sur sa définition mais également sur son origine, les économistes divergent. Et par conséquent, sa conception et son déploiement ne font pas l’unanimité, au vu de la diversité des courants et des écoles. Mais, une chose est sûre: l’économie du savoir est étroitement liée à la technologie et l’information.
En effet, cette notion de l’économie fondée sur les connaissances a surgi dans les années 70, lorsqu’un nouveau cycle du capitalisme post-industriel a démarré. Il est caractérisé par une croissance du capitalisme basée sur l’immatériel (la marchandisation des connaissances) et une financiarisation accrue de l’économie. Pour l’essayiste français Aberkane, les prémices du concept de l’économie du savoir datent, effectivement, de 1977, l’année où le président américain, Jimmy Carter, a déclaré dans l’un de ses discours que la crise énergétique est « l’équivalent moral de la guerre».

Dans ce contexte, le président américain a précisé que l’indexation du dollar sur les matières premières limite son potentiel, tandis que son indexation sur la connaissance rend son potentiel infini. “Cet idéal n’a pas été atteint au cours des quarante années qui ont suivi, les millions de morts des différentes guerres qu’ont connues l’Afrique centrale et le golfe Persique – encore la région la plus volatile du monde parce que la plus riche en hydrocarbures bon marché –sont là pour en témoigner”, précise l’essayiste dans son ouvrage «économie de la connaissance».
Pour le docteur et chercheur à l’Université de Paris-Saclay, Jean-Pierre Bouchez, il existe deux courants différents associés au régime de croissance basée sur l’économie du savoir. Le premier se réfère au «capitalisme cognitif» et fait partie de l’école de la régulation. La seconde mouvance est néolibérale inspirée des travaux de l’Ocde et des organisations internationales. Le second courant étant le courant actuellement prépondérant.

Les pôles de l’économie du savoir
En tout état de cause, l’on a défini trois pôles de l’économie du savoir qui sont : le savoir, les technologies numériques de l’intellect (TNI) et les finances concentrées au sein d’un espace territorial, définies souvent comme étant des économies d’agglomération intensives en connaissances. A ce titre, la Silicone Valley est le premier exemple de référence au monde, où les entreprises qui rallient technologies, innovation, financiarisation des capitaux, pullulent. Partant, plusieurs économistes américains affirment que les TIC sont au centre de l’économie du savoir dans la mesure où elles offrent des outils et des dispositifs inédits pour la diffusion et le maniement du savoir.
En ce qui concerne la financiarisation du capitalisme ou le capitalisme financier, ce processus a été à l’origine de l’apparition d’une nouvelle génération de propriétaires qui sont majoritairement des investisseurs institutionnels (fonds de pension, fonds mutuels ou fonds communs de placement et fonds spéculatifs).

De nouvelles règles de gouvernance (corporate governance) ont été alors mises en place, notamment dans les entreprises cotées et sont à l’origine de l’émergence d’une nouvelle façon de diriger et de management au sein des entreprises, où il est question de recentrer l’organisation interne sur les compétences-clés et les activités créatrices de valeur comme le Retd (Recherche et développement), le Design, le Marketing…. Ce qui a impliqué la naissance d’un nouveau salariat et des nouveaux métiers articulés autour de ces activités.
En somme, on peut dire que l’économie du savoir constitue le nouveau vecteur de la croissance du capital. Présentée comme étant un cercle vertueux, qui promet prospérité et richesse infinies, elle permet de s’affranchir de la dépendance des économies à la production des hydrocarbures. Dans un tel contexte, la Tunisie peut-elle rattraper son retard, notamment numérique et prendre part à cette nouvelle économie post-industrielle ?
En tout cas, pour Idriss Aberkane, la simple comparaison entre les exportations tunisiennes et algériennes est suffisante pour mettre en exergue la diversification des exportations tunisiennes qui présente déjà un avantage dont la Tunisie peut se vanter et qui met l’accent sur le savoir-faire industriel jusque-là acquis par les Tunisiens. Mais les divers indicateurs mondiaux, notamment relatifs à l’innovation, prouvent que la Tunisie a désormais du pain sur la planche et doit redoubler d’efforts pour passer d’une économie à faible coût à un hub économique.

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