Miser sur le transport, c’est miser sur l’avenir. Il faudra inévitablement accélérer le projet du (réseau ferroviaire rapide), les projets d’autoroute dans les régions intérieures et améliorer l’infrastructure du métro léger qui se font avec une grande lenteur. A l’orée d’une nouvelle décennie, il est grand temps de franchir un cap historique dans le réseau national de transport.
Le secteur du transport n’a pas connu le grand chamboulement qu’on attendait depuis la révolution du jasmin. La qualité de l’infrastructure du transport constitue généralement le socle vital pour l’amélioration de la circulation et la sécurité routière. Le constat est qu’il n’a pas abouti, loin s’en faut, en Tunisie. Trains, bus, métros et voitures roulent au ralenti, enregistrent des accidents dramatiques avec de nombreuses victimes et des retards incessants qui perturbent le trafic et le travail. Le dossier du RFR ,réseau ferroviaire rapide qui devait permettre un grand saut qualitatif dans l’infrastructure des trains à grande vitesse accuse un retard terrible avec un taux d’avancement qui tourne autour des 30% et nécessitera bien des années encore avant de voir le jour. Pourtant le transport est le moteur de la croissance économique qui assure le progrès et la prospérité d’une nation jusqu’à en faire la fierté. C’est la clé de voûte de tous les défis en matière de sécurité, de santé et de qualité de vie urbaine.
Naguère avec l’accélération des projets d’autoroutes en Tunisie et l’installation du métro léger par les allemands ont donné un bel élan à la Tunisie. Aujourd’hui si des projets d’autoroute continuent à se concrétiser aux quatre coins de la Tunisie comme l’autoroute Sfax-Gabès ou Sousse-Kairouan pour ne citer que celles-là constituent de bons points à relever, car pour tout le reste c’est le néant. Le parc de bus est vieillissant, les rames et les quais des métros sont désuets et obsolètes, la flotte de trains subit constamment des pannes et des dysfonctionnements.
Au ciel et sur mer, le tableau n’est pas plus reluisant. Les compagnies nationales d’aviation et de navigation traversent une grande période de turbulences même si aucun accident aérien ou maritime n’a été enregistré. Fait inédit, en 2017, une statistique impressionnante affirme qu’aucune victime n’a été enregistrée à travers le monde durant les trajets en avion même si on commence très mal l’année 2020 avec le dernier crash lourdement mortel en Iran. Pour sa part Tunisair tire son épingle du jeu à ce niveau. Toutefois, les dettes structurelles et la complexité de l’activité à l’échelle internationale à cause de « l’open sky » ont causé du tort aux fleurons de l’économie nationale jadis notamment pour Tunisair qui se trouve fortement concurrencée et dépassée par les événements. Une annonce du PDG Ilyés Mnakbi mercredi dernier au sujet d’une compression massive du personnel qui devrait passer de 7.800 à 3.000 employés est envisagé pour la compagnie qui compte une flotte de 28 avions. Quand on vous disait que le transport se porte plutôt mal en Tunisie…
L’importance qu’accordent les citoyens à la qualité du transport n’est pas fortuite. Elle comporte de nombreux enjeux sur les plans économiques pour des villes toujours plus dynamiques et sociaux en matière de santé notamment. En zone urbaine, les embouteillages permanents et les bouchons aux heures de pointe agacent tout le monde. En particulier les taxis qui craignent pour leurs revenus journaliers. D’ailleurs si la rupture est consommée entre les taxis d’une part et leur clientèle et les taxis scooters d’autre part ce n’est pas pour des raisons banales. La crispation des clients désemparés par les taxis qui les laissent souvent à l’abandon et les nouveaux chauffeurs de taxis scooters qui ne cherchent que du travail à la sueur de leur front leur donnent raison. Le transport peut jouer le rôle de pourvoyeur d’emplois et garant d’une meilleure qualité de trafic et de circulation. Mais le plus important demeure la sécurité des usagers sur les routes et durant les trajets multimodaux. Il faut reconnaître que le bât blesse avec des statistiques affligeantes qui classent la Tunisie dans une position peu enviable en matière de sécurité routière malgré les nombreux efforts et les progrès tangibles enregistrés sur le terrain grâce au travail de la société civile et la sensibilisation permanente sur les dangers de la route qui ont grandement fait avancer la législation et agit sur les comportements et les mentalités.
Progrès en matière de sécurité routière mais…
Le parc automobile tunisien a littéralement explosé après l’avènement de la révolution du jasmin qui a vu les concessionnaires auto se frotter les mains en ayant réalisé des revenus vertigineux. En cinq ans, il aurait quasiment doublé selon de nombreuses sources passant à plus de 200.000 voitures en circulation. Ceci implique le risque qu’il y ait un nombre plus important d’accidents de la route. En effet, la Tunisie comptabilise chaque année plus d’un millier de victimes par an soit à raison de quatre morts par jour. Les derniers drames routiers qui ont fait prés de trente morts dans un bus à Amdoune (Béja) le 1er décembre 2019 ou encore les femmes agricoles en début d’année mortes sur leur chemin vers les champs transportées comme du bétail résonnent dans toutes les têtes par la force du choc. Ces accidents mortels lourds en pertes humaines démontrent que le chemin est très long en Tunisie avant d’envisager « des routes plus sûres » comme le souhaite la société civile.
La balle est dans le camp des décideurs et notamment la nouvelle formation gouvernementale qui se met en place afin d’œuvrer à améliorer l’infrastructure routière et le transport en général. Les défis sont nombreux et majeurs. Le retard occasionné dans de nombreux dossiers n’est plus permis pour sortir de la phase de stagnation économique et de tergiversations politiques. Les pays voisins de la Tunisie comme le Maroc ont franchi un cap énorme dans ce domaine grâce à la stabilité politique et à une stratégie aboutie sans parler des moyens plus conséquents assurément. Il faudra rassurer les bailleurs de fonds afin d’investir de nouveau et continuellement dans le transport en Tunisie car il n’y aurait pas une crainte de défaut de remboursements de crédits dans ce domaine indispensable au développement de notre pays qui vit une véritable transition démocratique. Cette dernière doit aller de pair avec la croissance économique qu’on espère dans une prochaine décennie qu’elle soit à deux chiffres pour la Tunisie. En cas d’échec de connaître de grandes avancées dans un secteur qui constitue le poumon de la vie économique et le moteur du développement, il sera illusoire de croire en un avenir prospère.