«Nous sommes tous plus ou moins fous», affirme Baudelaire dans «Le vin de l’assassin». «Du plus» au «moins», la variable est considérable, et plus considérable encore est la diversité des représentations que peut susciter la notion de folie.
Du crime au génie et de la bouffonnerie à la frénésie, tout ce qui s’écarte «plus ou moins» de la ligne claire de la raison et de la norme est susceptible d’être tenu pour folie. Ces nuances infinies et vertigineuses de la folie, la littérature les a parcourues au fil des siècles, et elle y a, semble-t-il, trouvé un terreau fertile. Mais elle y a aussi affronté la menace permanente de la destruction et de la perte de tout contrôle. Comment la folie entre-t-elle en Littérature, comment affecte-t-elle —ou nourrit-elle— l’écriture et l’imagination ? Quelles significations accorder aux motifs, aux mythes et aux personnages emblématiques de la folie? Que devient la littérature lorsque les auteurs eux-mêmes frôlent la démence?
Erasme, en 1511, dans son «Eloge à la folie», dénonce le dogmatisme et le fanatisme du Moyen-Âge. La folie est productrice de guerres et de conflits guidés par des «parasites» et des «imbéciles».
“De 1850 à la fin du siècle, il fallait être fou pour écrire», constate Sartre, dans «L’Idiot de la famille». La névrose, jugée condition sine qua non du génie littéraire, est recherchée, traquée, voire simulée par nombre d’écrivains — et bien au-delà des limites historiques fixées par Sartre. Torture du corps et de l’esprit, cet état pathologique se révèle un dangereux mais fécond voyage dans l’univers poétique. Aphrodisiaque de l’écrivain, stimulant ses capacités poétiques, la «folie qu’on enferme», expression rimbaldienne réutilisée par André Breton dans le Manifeste du surréalisme de 1924, devient l’ardent objet d’une quête à laquelle se livrent les surréalistes. Breton, fort de son savoir dans le domaine psychiatrique, écrit dans ce Manifeste que les fous «puisent un grand réconfort dans leur imagination» : «Et de fait, les hallucinations, les illusions, etc., ne sont pas une source de jouissance négligeable. […] Les confidences des fous, je passerais ma vie à les provoquer».
Si Breton remarque l’importance de l’imagination pour les fous réels, Julien Roirand va plus loin et affirme le goût du romanesque qu’ont les fous de fiction, comme si les écrivains ressentaient le besoin de créer leur double de papier, un double à qui la folie est acquise sans difficulté.
Le département d’Italien de la Faculté des Lettres de l’Université de La Manouba, la Présidence Afrique de l’Aislli (Association internationale d’études de langue et de littérature italiennes) et la Chaire V. Consolo pour le Dialogue des cultures et des civilisations, organisent le VIe Colloque international d’études méditerranéennes, intitulé : «La folie, entre création et destruction » les 24 et 25 février 2020.