Où placer les enfants durant l’horaire du travail ? Sur qui compter pour les prendre en charge le temps d’une journée ? Tel est le dilemme auquel les parents sont confrontés
La fermeture provisoire des crèches, des jardins d’enfants, des écoles et des garderies scolaires met les parents entre le marteau et l’enclume ! Se trouvant dans l’obligation de continuer à se rendre sur les lieux du travail, ils ne disposent cependant pas des solutions idoines et coutumières, leur permettant de s’assurer de la garde de leurs progénitures.
Où placer les enfants durant l’horaire du travail ? Sur qui compter pour les prendre en charge le temps d’une journée ? Tel est le dilemme auquel les parents sont confrontés. Certes, bon nombre d’entre eux ont l’habitude de prendre des congés durant les vacances afin de marquer une pause bénéfique aussi bien pour eux que pour leurs enfants et de planifier des sorties et des excursions. Néanmoins, la situation n’est point la même. L’épidémie du coronavirus est à l’origine de la fermeture desdits espaces et établissements en guise de protection des enfants contre la contamination et d’évitement de la troisième phase d’une pandémie. D’ailleurs, la reprise des cours et la réouverture desdits espaces d’enfants demeurent suspendues en raison de l’absence de toute visibilité sur le tournant que risquerait de prendre l’évolution de la pandémie.
Une séparation infligée…
La prise d’un congé durant cette période critique ne relève pas de l’évident, vu que la majorité des employés et des employées souhaiteraient vivement se mettre en quarantaine, à l’abri d’un virus qui circule, semant la panique aussi bien auprès des adultes que des séniors. Arbia a 42 ans. Elle travaille comme femme de ménage dans une société privée. Prenant la charge d’un mari en chômage et de trois enfants, soit deux filles et un garçon, âgés respectivement de 11 ans, 7 ans et 2 ans et demi ; elle a eu du mal à décrocher une semaine de congé auprès de son employeur. «Vu que mes enfants sont fragiles de santé, j’ai dû prendre 10 jours de congé depuis janvier, pour les assister durant les périodes des grosses angines et des poussées de fièvre. Je comprends parfaitement la réaction de mon patron. Cependant, je ne peux pas compter sur mon mari pour les garder vu qu’il n’est pas mû par le sens de la responsabilité», indique-t-elle, embarrassée. Arbia avait, en effet, l’habitude de placer ses deux filles chez sa sœur durant les vacances. Quant à son cadet, elle comptait sur l’amabilité d’une veuve qui garde trois autres enfants en bas âge contre la modique somme de 60 dinars par mois. «La dame travaille à titre informel. Elle a refusé de perdurer son activité durant cette période critique et d’assumer ainsi une responsabilité plus périlleuse que jamais. Du coup, j’ai sollicité l’aide de ma belle-sœur pour prendre soin de lui. Ainsi, je serais privée de voir mon enfant six jours d’affilée vu que ma belle-sœur habite à Sidi Hassine alors que j’habite au Bardo et qu’il m’est impossible de faire la navette après avoir terminé le boulot. Je me contenterais, contrainte, de lui rendre visite seulement les dimanches», ajoute-t-elle, la gorge nouée.
«Que ferais-je sans ma belle-mère ?»
Moôtaz et Hajer viennent tout juste de quitter un supermarché au Bardo après avoir fait les courses nécessaires pour la semaine, en ce dimanche 15 mars. Ce jeune couple, et à l’instar de la plupart des Tunisiens, s’inquiète de l’état épidémique du pays. «Nous avons été dans l’obligation de quitter notre domicile pour faire les courses même si nous continuons à travailler, chacun dans son domaine, et à nous rendre tous les jours à nos postes», fait remarquer Moôtaz, comme s’il voulait justifier sa présence dans un espace public alors que toutes les consignes prononcées par les spécialistes convergent vers l’impératif de rester chez soi ! En effet, Moôtaz est fonctionnaire. Sa femme travaille comme biologiste dans un laboratoire d’analyses médicales. Ils ont un enfant de 10 mois, inscrit dans une crèche de renom depuis six mois. «Après l’accouchement, j’ai bénéficié d’un congé de maternité de deux mois. Puis, je comptais mettre mon fils dans une crèche, sauf que ma belle-mère s’y était opposée et avait décidé de consacrer deux mois supplémentaires pour le garder à la maison. Depuis six mois, mon enfant est placé dans une crèche réputée pour la qualité irréprochable de ses services, au point que nous avions payé les frais d’une année à l’avance. Mais dans la situation où nous sommes, tout a été chamboulé. Heureusement, poursuit Hajer réconfortée, que ma belle-mère nous soutient toujours dans les moments difficiles et qu’elle a accepté, encore une fois, de laisser le tout pour le tout pour prendre soin de son petit-fils. D’ailleurs, que ferais-je sans elle ?». Une chance qui n’est pas évidente pour tous…
La superwoman
Imed, 52 ans, est spécialisé dans la maintenance et l’entretien des équipements électroménagers. Ce père de famille se promène tranquillement en cette matinée dominicale. Serein, il ne semble aucunement angoissé par l’épidémie. Pourtant, sa famille compte six personnes dont son père, âgé de 83 ans. «Ma femme travaille comme vendeuse dans une pâtisserie. Elle comptait, dès le début de l’épidémie, prendre un congé pour s’occuper aussi bien de nos enfants que de mon père», indique-t-il. Pour lui, seule sa femme saurait prendre soin de ses enfants, de leur hygiène de vie mais aussi de son père durant les périodes des vacances ou dans les moments difficiles. «Dieu merci, je gagne bien ma vie et je ne compte pas sur le salaire de ma femme pour arrondir les fins de mois. Du coup, l’activité professionnelle de ma femme n’a rien de sacré. Elle est facultative du moment que ses devoirs familiaux s’imposent», souligne-t-il. Il ajoute : «Il ne s’agit aucunement de sous-estimer le mérite professionnel de ma femme, bien au contraire. Sauf que son mérite de mère, d’épouse et de belle-fille vaut mille fois plus que celui, professionnel. D’ailleurs, si elle n’avait pas décroché un congé, c’aurait été une véritable catastrophe pour nous. Elle est la seule à pouvoir tout mettre dans l’ordre comme par une baguette magique».
Il est clair que les Tunisiens sont, quelque peu, rassurés quant à la protection de leurs enfants contre le virus du moment qu’ils sont exempts de se rendre dans les établissements scolaires et parascolaires. Toutefois, l’agencement de l’horaire familial, lui, et la synchronisation des devoirs parentaux et ceux de la vie active font défaut en raison de l’absence de mesures adaptées à cet effet, en cette période de crise sanitaire. L’instauration du couvre-feu et l’interruption des activités professionnelles non vitales sont de mise, le temps de dépasser la période d’incubation du virus. Seules ces mesures permettraient de réaliser des résultats optimaux contre ce fléau. En attendant, et vivant dans l’incertitude totale, les Tunisiens prennent leur mal en patience et prient pour un dénouement qu’ils espèrent dans le plus bref des délais…