
Pleinement mobilisée pour lutter contre tout soupçon de corruption, l’Instance nationale de lutte contre la corruption (Inlucc) a publié un rappel à la loi mettant en garde contre les risques de conflits d’intérêts dans les rangs des députés, notamment en cette période de crise.
L’affaire de la fabrication du premier lot de 32 millions de masques lavables de protection contre le Covid-19 a fait éclater une grande polémique. Entachée de soupçons de corruption malgré les démentis officiels, elle ne cesse de faire couler beaucoup d’encre dans cette période de crise.
Pleinement mobilisée pour lutter contre tout soupçon de corruption, l’Instance nationale de lutte contre la corruption (Inlucc) est revenue sur l’affaire et a publié un rappel à la loi mettant en garde contre les risques de conflits d’intérêts dans les rangs des députés, notamment en cette période de crise.
Au fait, l’Instance avait, en premier, pointé des soupçons de corruption qui planent sur cette affaire, suite à des signalements relatifs à la fuite d’informations concernant le cahier des charges de la fabrication de ces lots de masques de protection réutilisables. Des informations qui auraient permis, selon l’Instance, à certains industriels d’accaparer et de monopoliser un type de tissu bien spécifique dont l’utilisation a été fixée par le cahier des charges élaboré par le ministère de l’Industrie.
Depuis, l’affaire a pris une grande ampleur d’autant plus qu’il s’est avéré que l’industriel en question n’est autre que le député Jalel Zayati, contacté directement par le ministre de l’Industrie, Salah Ben Youssef, pour confectionner rapidement un premier lot de deux millions de bavettes. Même si le ministre en question avait affirmé qu’il n’était pas au courant que ce propriétaire de l’usine n’est autre que le député précité, et en dépit des démentis du chef du gouvernement, Elyes Fakhfakh, l’affaire a continué de faire couler beaucoup d’encre et elle a été transférée devant la justice. En effet, l’Inlucc a transmis au procureur près le Tribunal de première instance de Tunis le dossier concernant l’affaire du monopole du tissu destiné à la confection des masques de protection ainsi que toutes les preuves en sa possession afin qu’une enquête soit ouverte à ce sujet.
Eventuels conflits d’intérêts
C’est dans ce contexte que l’Inlucc a publié dernièrement un rappel à la loi pour appeler notamment les députés à éviter tout conflit d’intérêts passible de poursuites judiciaires. L’instance rappelle que plusieurs lois constitutionnelles, législatives ou émanant du règlement intérieur de l’Assemblée des représentants visent à éviter les situations de conflit d’intérêts pour les députés.
Il est notamment question des articles 10, 11, 15, 125 et 130 de la Constitution, des articles 35, 36, 37 et 38 de la loi organique N°2014-16 du 26 mai 2014 relative aux élections et référendums et des articles 9,20, 24, 27, 28 et 29 de la loi n° 2018-46 du 1er août 2018, portant déclaration des biens et des intérêts, de la lutte contre l’enrichissement illicite et le conflit d’intérêt dans le secteur public. Toutes ces dispositions interdisent aux députés les situations de conflits d’intérêts.
L’Instance évoque notamment l’article 25 du règlement intérieur de l’Assemblée des représentants du peuple qui « interdit à tout membre de l’Assemblée des représentants du peuple de conclure des contrats à caractère commercial avec l’État, les collectivités publiques ou les établissements et les entreprises publics ». Et c’est notamment en se basant sur cet article qui interdit cette situation où un député aurait conclu un contrat à caractère commercial avec le ministère de l’Industrie pour fabriquer le premier lot de masques de protection que l’Instance a décidé de transférer l’affaire devant la justice.
Elle rappelle également qu’elle avait adressé une correspondance au président de l’ARP depuis le 11 décembre 2019 pour coordonner en ce qui concerne l’application de l’ensemble des dispositions précitées.
Il faut rappeler dans ce contexte que lors de sa dernière interview télévisée, le chef du gouvernement, évoquant cette affaire, a réitéré que le pays est en état de guerre, et que le pragmatisme et la diligence doivent l’emporter sur les procédures d’usage. « C’est moi qui ai demandé à ce que ces 2 millions de masques soient fabriqués en une semaine pour être distribués aux marchés de gros et aux forces sécuritaires », a-t-il déclaré.
En tout cas, Mohamed Abbou, ministre d’État auprès du Chef du gouvernement chargé de la Fonction publique, de la Gouvernance et de la Lutte contre la corruption, a décidé d’affecter une équipe pour contrôler la fabrication de masques de protection destinés à un usage non médical. Dans un communiqué paru vendredi dernier, le ministère ajoute que cette équipe, qui a déjà commencé son travail, est affiliée à l’Instance générale de contrôle des dépenses publiques. Nous apprenons de sources fiables que le rapport de cette inspection sera prêt demain jeudi et sera présenté au Chef du gouvernement ainsi qu’à la commission de lutte contre la corruption au sein de l’ARP.