Le confinement général, dicté par la sagesse de protéger tout un peuple contre une pandémie envahissante et impitoyable, a chamboulé la vie des Tunisiens. Outre la crainte d’être contaminé et de périr, outre les chiffres que l’on ne cessait de véhiculer à longueur de journée, trois mois durant, et qui usaient aussi bien de la capacité humaine à résister à la peur et de se munir d’une résilience virant vers l’épuisement, les Tunisiens ont dû, contraints, marquer un stand-by indéfini, qui aurait pu s’étendre Dieu sait combien de temps. Le confinement général et ce qui en suit comme règles de précaution, dont l’interdiction des rassemblements, la distanciation sociale, l’arrêt des activités jugées comme étant secondaires par comparaison avec la préciosité des vies humaines, tous ces facteurs ont joué au détriment de célébrer, normalement et jovialement, les fêtes des mariages et des fiançailles.
Bon nombre de couples qui s’apprêtaient, impatiemment, à s’unir pour la vie, pour le meilleur et pour pire et s’adonnaient, probablement depuis des mois, aux préparatifs des noces, se sont heurtés, inopportunément, à un obstacle qui les dépasse amplement. Mohamed, âgé de 42 ans, s’était enfin décidé à pénétrer dans la cage d’or, après avoir trouvé son âme sœur. Son mariage était prévu pour le 20 mars 2020. Une semaine auparavant, il avait signé, ainsi que sa dulcinée, le contrat de mariage. Ni lui ni son épouse ne s’attendaient à ce que cette petite cérémonie familiale, organisée à la maison de son beau-père, se substituerait — et pour toujours— à une cérémonie de mariage, amoureusement et généreusement envisagée. «Nous avions donné, six mois à l’avance, un acompte de deux mille dinars à l’espace de mariage dans lequel nous comptions organiser notre mariage et rassembler pas moins de deux cents parents, proches et amis. Ma femme avait passé beaucoup de temps à se déplacer auprès des centres d’esthétique et de mise en beauté pour finir par choisir celui qui mettra en valeur son charme pour la nuit des noces. Mais entretemps, tant de préparatifs étaient menés non sans joie, aussi bien par notre couple que par nos familles, afin de réussir à merveille notre mariage», raconte Mohamed, sur un ton qui dénote à la fois de l’ironie et de la perplexité…Et en dépit des infos véhiculées sur le Covid-19, de la panique qui commençait à gagner du terrain chaque jour auprès des Tunisiens, Mohamed s’accrochait encore à son projet le plus chéri : célébrer son mariage en bonne et due forme ! «Les préparatifs du mariage nous ont coûté plus de 15 mille dinars. Nous avons pensé à tous les détails : la salle des fêtes, les petits gâteaux et les amuse-gueules qui seront servis aux convives, la décoration, le podium, la troupe musicale, les photos et la vidéo qui immortaliseront à jamais les trois heures de fête, prévues impatiemment. Avant deux jours de la signature du contrat de mariage, mon épouse s’était rendue auprès de la boutique de location des robes de mariée pour l’ultime essayage, afin de rajuster la robe à ses mesures. Nous avons même organisé un dîner familial auquel une vingtaine de personnes avaient tout de même marqué leur présence. Tout marchait, en fait, comme sur des roulettes jusqu’au jour où le couvre-feu a été déclaré. Le lendemain, le gérant de la salle des fêtes m’avait contacté pour m’informer que toutes les cérémonies de mariage ont été suspendues ! », se rappelle-t-il.
Un mariage célébré de justesse !
Mohamed s’en doutait, mais ne se l’avouait pas. Il craignait que la pandémie et les instructions gouvernementales de précaution contre ce fléau risqueraient fort de jouer au détriment de sa nuit de noces, mais il continuait, enthousiaste, à croire en sa bonne étoile. «Jusqu’au jour où j’ai reçu le coup de fil du gérant de la salle des fêtes… Depuis, tout a été chamboulé. Je ne savais plus quoi faire. La première idée qui m’était venue à l’esprit, poursuit-il, n’était autre que d’attendre la fin du confinement pour relancer ma cérémonie de mariage et réaliser à ma femme son rêve de jeune fille, celui de porter une robe blanche, un voile et de fêter sa nuit de noces. Pour moi, il était impératif de réaliser tout ce que nous avons planifié». Cependant, l’hésitation signifiée quotidiennement par les responsables de la santé publique sur l’ampleur que risquait de prendre la pandémie commençait par mettre la puce à l’oreille du jeune couple. D’autant plus que certaines personnes qui avaient reçu de sa part des arrhes ont, tout bonnement, éteint leurs téléphones ! Bouleversé par ce renversement de 180°, le jeune couple a fini par se résigner et accepter la réalité. «Nous avons signé notre contrat de mariage et nous avons aussi eu l’honneur d’avoir la bénédiction de nos familles respectives. Nous sommes déclarés mari et femme devant Dieu et devant nos proches. Autant se contenter de cette célébration — quoique bien en deçà de nos ambitions et de notre planification— et de remercier Dieu pour notre union», a-t-il ajouté, serein.
Si Mohamed a réussi, un tant soit peu, à célébrer son mariage en sacrifiant, situation oblige, une fête semblable à celle des mille et une nuits, d’autres futurs mariés ont dû retarder leurs mariages à des dates ultérieures. Certains d’entre eux ont contacté les partenaires officiels de leurs cérémonies respectives, notamment les propriétaires des salles des fêtes, les centres de mise en beauté et de location des robes de mariées et autres intervenants indispensables aux dites cérémonies, dans le but de trouver un compromis sur les dates à fixer désormais, sur leur disponibilité ou encore sur les arrhes qu’ils ont versés…
Cela dit, et outre les cérémonies de mariage qui ont été annulées ou reportées à cause du confinement, d’autres cérémonies, tout aussi heureuses, ont subi le même sort.
Tant qu’on a l’Amour et la Foi…
Haïfa est une étudiante âgée de 25 printemps. Elle avait fixé ainsi que son bien-aimé une date pour célébrer leurs fiançailles. Ce jeune couple avait, en effet, fixé une date durant le mois de Ramadan. Sauf que Ramadan 2020 a, lui aussi, été hors pair !
«Nous vivions tellement mal la période du confinement que nos humeurs n’étaient aucunement favorables à une telle célébration. Toutes les conditions jouaient à nos dépens… Le Covid-19 et l’impératif de ne recevoir personne, de réduire au maximum le nombre des personnes côtoyées pour prévenir une éventuelle et redoutable contamination sans oublier le couvre-feu qui nous avait mis les bâtons dans les roues, tous ces facteurs ont contribué d’une manière directe au report de nos fiançailles», indique-t-elle, désolée. Cette jeune fille qui s’impatientait de célébrer ses fiançailles cette année a préféré reporter cette cérémonie pour 2021. «Je suis certaine que Dieu fait bien les choses. Entretemps, je terminerais mes études et j’espère que le jour de nos fiançailles sera sous de bons auspices et qu’il se passera dans de meilleures circonstances », espère-t-elle, confiante.
Le sens de la responsabilité
Autre victime du confinement général ou plus exactement de l’isolement infligé à cause du virus : Karim, 29 ans, biologiste. Ce jeune homme est natif du 14 mars. Il comptait demander la main de sa dulcinée juste après la célébration de son 29e anniversaire. Sauf que cette première démarche officielle n’a pas eu lieu. «Je suis biologiste et je suis bien avisé sur les risques colossaux de la pandémie. Certes, je comptais demander la main de la fille que j’aime durant ladite période, mais mon sens de la responsabilité a pris le dessus sur mon égoïsme. Je ne pouvais aucunement accepter l’idée de mettre la santé de mes proches, celle de ma dulcinée et celle de sa petite famille en danger. J’ai préféré, par conséquent, poursuit-il, reléguer cette première étape de mon engagement amoureux à une date ultérieure plutôt que de prendre le risque». Il est clair que, pour fêter l’amour et immortaliser la célébration d’une union sacrée d’un couple, des conditions favorables s’imposent non seulement pour y contribuer, mais aussi pour émousser toute contrainte et tout risque susceptibles d’entraver la joie. Pour les couples qui ont dû reporter leurs mariages ou leurs fiançailles pour l’année prochaine, que ce report leur soit bénéfique. Et pour ceux qui ont célébré leurs unions durant cette période critique, ils n’auront pas droit à l’erreur ! Se souvenir de la date d’anniversaire du mariage ou des fiançailles ne doit aucunement faire défaut !