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Projet Souk El Kahina : Appui à la petite agriculture en Tunisie

Aujourd’hui, 50 promoteurs sont prêts à intégrer le projet dans sa phase finale. Conçu par Enda, en partenariat avec l’Agence française de développement, le projet Souk El Kahina est inspiré par des valeurs sociales, responsables et équitables. Il vise à appuyer et soutenir la petite agriculture dans les régions de Sidi Bouzid, du Kef, du Cap Bon.

Le projet consiste à lancer des structures de transformation et de conditionnement de produits agroalimentaires par les jeunes de ces régions. Dans ce cadre, un séminaire a été organisé à Hammamet, sur la conception de ce projet qui se base sur les principes de l’économie sociale et solidaire dans le but de mettre en place le premier circuit de commerce équitable local «Souk El Kahina» dont le démarrage est prévu pour 2021.

Aujourd’hui, 50 promoteurs sont prêts à intégrer le projet dans sa phase finale, à savoir la phase d’incubation proprement dite dont 14 agriculteurs et agricultrices, représentants d’organisations de production (OP) qui comptent 2.000 adhérents, bénéficiaires indirects du projet. L’événement “One Vision, One Week”, organisé par Enda et ses partenaires, va marquer la concrétisation d’un rêve de lancement du premier circuit de commerce équitable local en Tunisie prévu en 2021.

L’objectif du projet Souk El Kahina est de préserver et développer la petite production agricole et agroalimentaire de qualité à travers l’instauration d’un système de labellisation et un circuit de commerce équitable et social permettant l’intégration de petits producteurs dans le circuit économique.

Quand Mohsen découvre Enda

Mohsen est né en 1944 à Nefza. Il n’a pas fait d’études et a toujours travaillé dans l’agriculture avec son père. Un jour, il ne résiste pas à la tentation de découvrir la vie à la capitale. «J’entendais dire qu’à Tunis tout le monde vivait bien, s’habillait bien, alors que la campagne était en pleine crise, dans les années 50. Alors, j’ai décidé d’abandonner le travail agricole. A Tunis, j’ai rejoint mon frère aîné qui était ouvrier agricole, dans la zone de Khaznadar, chez des patrons italiens».

En 1970, Mohsen est engagé comme manutentionnaire dans une minoterie à La Manouba. Il perçoit ce changement de statut comme une promotion sociale, et l’associe à la «baraka» engendrée par la femme qu’il venait d’épouser quatre mois auparavant. Je chargeais les sacs de semoule et de farine de 100 kg sur le camion et j’accompagnais le chauffeur pour les livraisons aux grossistes et aux boulangeries sur l’ensemble du territoire de la République. J’étais très bien payé et bénéficiais, en outre, de tous les repas pendant les déplacements.

Poursuivant ses propos, il ajoute : «Quand j’ai connu Enda, elle s’occupait de la protection de l’environnement de la réserve de Ichkeul. Puis elle s’est spécialisée dans les crédits pour les petites gens, comme ceux de notre quartier. Un quartier appelé Hay Ellil, le quartier de la nuit, parce que les habitants, dépourvus d’autorisation de bâtir, travaillaient la nuit pour construire un toit et échapper ainsi aux rondes des contrôleurs de la voirie, au risque de voir le fruit de leur travail anéanti. En fin de compte, les autorités débordées ont fini par fermer l’œil sur ces constructions et cela a permis au quartier de s’étendre. Enda est arrivée comme une manne tombée du ciel pour nous sortir de la pauvreté et de la marginalité. Dans ma famille, le premier prêt date de 1997 ; il était au nom de ma femme, et s’élevait à 150 D. Je tenais alors une boucherie, ici même, dans cette boutique contiguë à la maison. Mais comme j’étais souvent absent pour mener d’autres projets ici et là, j’ai décidé de transformer la boucherie en «hammas», ce commerce étant plus facile à gérer par ma femme. Dès qu’Enda a débuté les crédits pour les hommes, mon fils et moi-même avons établi chacun un dossier de prêt. Mon fils aîné, Sami, malgré trois années d’études supérieures en droit, a choisi de faire du commerce».

De son côté, Aïd est né le 10 octobre 1952 dans le village de Nebeur, dans le gouvernorat du Kef. A la fin de ses études primaires, il quitte son village natal pour le collège du Kef qu’il fréquente pendant deux ans. En 1969, bouleversé par le décès de sa mère et le remariage de son père, Aïd arrête ses études et se lance sur le marché du travail. «J’ai commencé ma vie professionnelle dans le domaine du textile, comme contrôleur de production, dans une usine à Tajerouine. Après trois ans, j’ai décidé de rejoindre la capitale où j’ai trouvé un emploi dans le même secteur. Je me suis perfectionné grâce à une opportunité de stage de formation en Espagne. Nous nous sommes, ensuite, lancés, ma femme et moi, dans un projet d’ouverture d’un point de distribution de café. J’achetais la marchandise en vrac, par sac de 50 kg ; on la mettait en paquet et j’en assurais la distribution. La deuxième étape a été la création de notre propre emballage avec notre marque. C’est en 1998 que nous avons eu connaissance de l’existence d’Enda. Ma femme a obtenu un prêt de 500 D; c’était le point de départ et la voie vers la «baraka». Voici comment j’ai fait fructifier cet argent. C’était le début du mois de Ramadan. Vous savez que juste après la rupture du jeûne, les cafés reçoivent beaucoup de clients, et une majorité d’entre eux demandent des chichas. J’ai entrevu un bon créneau, et avec toute la somme empruntée à Enda j’ai acheté des chichas que j’ai vendues en un clin d’œil. J’ai refait la même opération quatre fois pendant ce même mois de Ramadan. J’ai obtenu un bilan très positif, 1.300 D de bénéfices après déduction de la mise de départ, c’est-à-dire les 500 D. Après ce coup de maître, j’ai pris confiance en moi ; les prêts et les risques d’endettement ne me font plus peur. Ainsi, Enda m’a permis d’entrer dans le système en douceur et d’en comprendre les mécanismes».

Et de conclure : «Avant l’octroi d’un deuxième prêt, une commission composée de la direction d’Enda, d’un expert sénégalais et d’un autre palestinien, est venue évaluer le projet. La commission a proposé que ma femme devienne actionnaire dans le projet et non plus une simple employée sans statut. Les 2.000 D obtenus m’ont permis de passer la vitesse supérieure. Au lieu de vendre entre 300 et 400 kg de café par semaine, j’en écoulai 700 kg. Nous sommes et nous resterons toujours redevables à Enda. Nos derniers prêts, qui s’élèvent chacun à 5.000 D, sont en cours de remboursement. Mais le rôle le plus important de cet organisme, et le service le plus inestimable qu’il nous a rendu, est de nous avoir introduits dans le monde des prêts et initiés à la gestion de la dette. Notre seul mérite est d’avoir su en profiter. Aujourd’hui, nous entretenons une relation d’amitié. Je cherche toujours des conseils auprès d’Enda lorsque je dois entreprendre quoi que ce soit».

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