Souad Massi au Festival International de Hammamet : L’art de clore les festivités d’été en douceur

Le concert donné par Souad Massi, la douce et élégante chanteuse algérienne, est en réalité l’avant-dernier rendez-vous d’art avant l’épilogue de cette 55e édition du festival de Hammamet.

L’artiste est connue par notre public et elle en a même réussi à fidéliser quelques-uns grâce notamment au concourt de l’Institut français ; cette institution s’active dans notre pays quand il s’agit de culture et d’art en organisant, entre autres, depuis maintenant cinq ans des concerts pour faire connaître l’art de cette complète cantatrice, musicienne et compositrice. Ce public fidèle à Souad Massi fut donc présent en grand nombre lors de la soirée du 18 août dans les gradins combles du formidable lieu du festival de plein-air de Hammamet. Ce fut un public, n’étant pas dans la surenchère, concentré, admiratif de la magnifique prestation de l’artiste et très réceptif de l’âme algérienne et la sensibilité qu’elle véhicule ainsi qu’aux paroles arabes tirées de l’œuvre de l’auteur et poète Ahmed El Iraki.

Le commencement et les détails du spectacle
Vers 22 heures pile un trio est entré en scène dans un décor minimaliste composé du musicien spécialiste du oud électrique algérien à savoir l’artiste fantastique et plein d’énergie Mehdi Dalil et le percussionniste, excellent chanteur et acteur Rabah Khalfa et sans oublier notre star de la chanson algérienne ayant porté la musique indigène vers les dimensions de la musique internationale et universelle. Le spectacle avait durée une heure et demie sans une minute de plus. Les spectateurs furent devant trois chercheurs de la musique. Ceux-ci n’hésitent pas à improviser sur scène, à prendre des risques, à être à l’aise, à arrimer leur corde en direct en toute harmonie et mélodie. Ils étaient en permanence à la recherche de la bonne note et de l’émotivité communicante avec le public présent avec son hétérogénéité d’âge, de genre et de nationalité.
Personnellement, j’ai été admiratif et j’avais une faiblesse particulière pour la chanson « Khalouni » que Souad, comme le public aime la nommer en toute familiarité et proximité de cœur et d’union entre la culture algérienne et notre culture, avait partagé avec l’excellente voix rauque, sincère et triste de Rabah Khalfa. Ces deux artistes, le temps de dix minutes durant, ont montré la limpidité de leur voix et leur ancrage artistique profond dans la terre maghrébine notamment avec ses ramifications amazighes. Leur voix est d’une authenticité saillante dans la mesure où elle n’a pas besoin, comme on le voit de plus en plus aujourd’hui, de mastérisation et d’arrangement pour atteindre un sens esthétique et une beauté acceptables.

La singularité de la musique de Massi
A écouter de près la musique fredonnée par Massi, son originalité réside dans l’aspect que la cantatrice arrive à chanter le drame et la tragédie algériens avec le sourire, la sobriété et la finesse, voire le raffinement esthétique. Avec cette artiste, les mots coulent de source, dans une facilité qui n’est pas à la portée de tout chanteur. Souad est une artiste véritable qui prend son temps et interprète soigneusement ses chansons. Les messages qu’elle véhicule passent avec le bon rythme, le dosage qu’il faut, la bonne tonalité et avec beaucoup d’imagination au point que cela prend les allures de l’évidence.
Agée maintenant de 47 ans, Souad possède désormais un répertoire très respectable et a des chansons qui sont connues du moins dans l’espace méditerranéen. À ce titre, on cite par exemple « Misk Ellil » que le public n’a cessé de demander jusqu’à la dernière seconde du spectacle, aussi « Ahki ya Raoui », « Ghir Enta », « Lazem tnouth bikri » et bien d’autres chansons. D’ailleurs dans ce dernier morceau, l’artiste montre, exprime et adresse un message aux jeunes désireux de réussir leur vie en leur rappelant qu’il faut qu’ils se réveillent tôt. En effet, c’est un hymne à la discipline et à son importance dans le bonheur personnel et professionnel. Par ailleurs, la cantatrice et ses deux compagnons de route avaient un coup de cœur pour le morceau : « Talit Al Bir ». A travers cette pièce musicale et les mots qui la composent, la chanteuse exprime, à sa façon, les méandres de la personnalité algérienne en commençant par raconter le quotidien de la Kasbah. Cette chanson porte en elle la tragédie, les chagrins, les multiples blessures, les frustrations et les sentiments d’échec d’une grande nation qui ne se soulève pas encore : l’Algérie.
Le style musical de l’artiste
Le style de Souad Massi renoue avec la bonne musique algérienne alternant les percussions de la Darbouka et les jolis sons de l’Oud qui rappellent les airs et les ambiances andalous. Dans son style musical Souad prend le chemin du fameux chanteur kabyle Idir ; mais avec beaucoup plus d’ouverture sur les mélodies et paroles arabes et étrangères. Elle présente donc une créativité musicale simpliste, décomplexée et presque sans artifices rappelant aussi le style français de Georges Moustaki ou encore de Brassens ; même si elle chante en arabe.
In fine, cette chanteuse avec ses deux musiciens sur scène ont bien terminé en beauté sur une bonne note cette fin des festivités. Ils ont ainsi très bien réussi à s’insérer dans cette scène donnant sur la mer en présentant harmonieusement une musique se fondant tout naturellement avec les éclaboussures des vagues leur brise, leurs mouettes et avec le vent automnal qui annonce son arrivée en soufflant de plus en plus fort et en signalant presque la fin des vacances, voire de la récréation, et le retour de la saison de besogne.

Mohamed Ali Elhaou

Laisser un commentaire