L’objectif est d’associer, à une formation scientifique d’excellence, une ouverture intellectuelle de chaque instant à la production artistique et culturelle nationale et internationale.
Les forts en maths, les as de l’économie, les virtuoses du digital se sont laissé séduire, et se sont découvert, eux aussi, une curiosité artistique. La preuve : les succès que remportent, chaque fois, les expositions montées dans la chapelle de l’Ihec. Il est vrai que celles-ci sont toujours conçues de manière à susciter un questionnement, d’éveiller une curiosité, de provoquer une volonté de décoder leur environnement.
La dernière en date, «La Cité», organisée dans le cadre de « Campus Culture», est, cependant, particulière. Plus qu’une simple exposition, elle s’inscrit dans une action globale, un parcours, un cheminement d’éveil et de découverte.
Les protagonistes : quatre écoles dévolues à former nos élites. Ihec Carthage, l’Ipest, Dauphine Tunis, Holberton Tunis. Toutes quatre ont pour mission de préparer leurs étudiants aux enjeux du monde d’aujourd’hui et de demain. Mais toutes sont conscientes que la citoyenneté ne se construit pas sur la seule expertise scientifique, non plus que sur la seule performance.
«Campus culture est né de cette volonté : associer à une formation scientifique d’excellence une ouverture intellectuelle de chaque instant à la production artistique et culturelle nationale et internationale».
Concrètement, comment cela se traduit-il ?
Ces jeunes, pour la plupart, vivent et étudient dans des cités, y travailleront plus tard. L’exposition d’ouverture de Campus Culture a choisi de s’interroger sur la Cité.
La cité des artistes
De façon inattendue, les deux commissaires de l’exposition—Fatma Kilani et Chacha Atallah — ont choisi de commencer, non pas par l’historique de la cité—cela viendra après—, mais de celle rêvée, imaginée, des artistes. Gnaoui Sbaï élabore d’étonnantes maquettes qui sont autant de rébus. A partir de pièces détachées, de cubes de lego, de figurines ou autres gadgets, il crée des cités pas tout à fait imaginaires puisqu’il offre des pistes de reconnaissance : une tour Eiffel, pour Paris, une dune pour Dubaï, Mickey et Central Park pour New York. Mais aussi une foison de références, d’icônes, de suggestions publicitaires, le tout unifié par la couleur blanche et organisé selon une étonnante cohérence dans ce chaos rigoureusement agencé.
Ali Tnani, par opposition à ce foisonnement urbain, efface la cité dans ses dessins. Partant d’un fond de graphite uniforme, il gomme toute vie, toute architecture, ne laissant deviner que les traces de ce qui fut une cité. Et augurant, peut-être, le monde virtuel de demain.
La cité d’hier et d’aujourd’hui
C’est au lendemain de la Seconde Guerre que fut lancée une politique de reconstruction. Celle-ci concernait les quartiers d’habitat, les ponts et chaussées, les bâtiments administratifs, les voies de circulation, les infrastructures. Des types de bâtiment étaient définis et reproduits à travers tout le territoire. Et c’est à travers des panneaux de photos que l’on découvre les similitudes que l’on avait peut-être oubliées : le lycée de Carthage, que l’on croyait unique, ressemble fort, par exemple, à celui de Zaghouan ou de Bizerte. Il en est de même de certains tribunaux ou autres bâtiments.
Plus près de nous, des prises de vue de Google, captées il y a quelques jours à peine, montrent une réalité pas toujours perçue des différents quartiers de la capitale : zones informelles ou structurées, habitat planifié ou anarchique, densité du réseau routier, existence d’espaces verts, nombre de mosquées et d’institutions éducatives dans les différentes zones, nombre souvent en exacte opposition.
La cité ludique
Vous le savez peut-être, il existe, depuis 1980, une tradition de gaming, jeux vidéos de city-builders. Grâce à des manettes, et des techniques de plus en plus précises et performantes, les étudiants sont invités à construire leur cité idéale. Mohamed Spoot, un collectionneur fou du city- builders, met à leur disposition des jeux historiques des années 80, puis 90, et enfin dernière génération. Il les aide à construire leurs villes, avec ses routes, ses bâtiments, ses éclairages, ses infrastructures, ses espaces verts, ses cours d’eau, ses écoles, ses administrations….
Il faut avouer que cela fait rêver.
Campus Culture
Campus Culture se poursuivra au mois d’avril par une série de tables rondes qui se tiendront dans les différentes écoles partenaires du projet. On y invitera architectes, urbanistes, paysagistes, sociologues, économistes.
Ces rencontres permettront de dresser l’état des lieux, d’envisager l’avenir, et d’imaginer la ville de demain.