«Exaltation» ou «Le mystère de la vie» est l’intitulé de cette exposition. L’artiste, on l’aura compris, aime la nature. Mais une nature appréhendée comme support esthétique, élément onirique, composante d’un univers personnel d’une foisonnante richesse.
Je ne connaissais pas Chahrazed Fekih. À peine avais-je eu un aperçu de son travail lors d’une récente exposition de groupe, et l’enthousiasme d’une amie dotée d’un juste regard. Ceci pour expliquer qu’à mon grand regret, je n’ai pas eu l’occasion de parler jusque-là de cette artiste.
Il faudrait aussi, peut-être, lui reprocher sa discrétion en ces temps où tout un chacun se pousse du col, et s’acharne à occuper les avant-postes de l’actualité.
Chahrazed a suivi un parcours académique classique à Sfax et à Tunis. Elle a participé à plusieurs expositions de groupe à Tunis et ailleurs. Mais on croit savoir que l’exposition présentée à la galerie Saladin serait sa première exposition personnelle. Et nous ne pouvons que lui en vouloir d’avoir tant attendu. Cela pour dire, simplement, que dans le foisonnement d’expositions, de foires, de salons, où se bousculent le pire et le meilleur, cette exposition est une pépite.
« Exaltation » ou « Le mystère de la vie » est l’intitulé de cette exposition. L’artiste, on l’aura compris, aime la nature. Mais une nature appréhendée comme support esthétique, élément onirique, composante d’un univers personnel d’une foisonnante richesse. Pour présenter cet univers que l’on imagine peuplé de succubes, d’incubes, d’elfes, de nymphes et de génies des forêts, l’artiste choisit le trait, rigoureux et malléable du crayon noir. Ses dessins évoquent, dans leur exceptionnelle délicatesse, dans leur maîtrise, dans leurs digressions et leurs amalgames, les variations des maîtres de la Renaissance. L’humain est présent sous forme de portraits mais aussi de sculptures évocatrices de l’Histoire de l’humanité. Il s’allie avec grâce, harmonie et poésie à un univers végétal et animal amical et serein. Mais où pointe quelquefois comme une sourde menace : celle que la nature pourrait laisser affleurer pour qui en menacerait l’ordre et la beauté. L’ordre nouveau qu’ instaure l’artiste n’est pas innocent. Et c’est peut-être pour cela qu’il est si fascinant.
Mais laissons la parole à Rim Ben Boubaker, la curatrice, qui a fait un magnifique travail sur cette exposition :
«Chahrazed Fekih joue sur l’illusion et l’étonnement, éveille les sens et les perturbe. Ce vertige, né de l’illusion et du doute face à ce qui naît de sa main ou ce qui apparaît comme un «ready-made» naturel, conduit à une réflexion sur ce qu’est une œuvre d’art».