Le titre de l’événement sonne comme une énigme à décrypter, une charade à résoudre. Et il faut avouer que jusqu’à la fin de la visite, je n’ai su en trouver la clé. Mais peut-être que Yasmine Ben Khelil souhaitait justement, à la manière des surréalistes, que cela demeure inexpliqué, et que l’on se contente de la sonorité des mots.
En fait, Yasmine s’est inspirée, pour son exposition-installation, d’un artiste qu’elle n’a pas eu le temps de connaître : Ammar Farhat dont un vieux film retraçait le travail en présentant son atelier. C’est en partant de la thématique de l’atelier qu’elle a construit son propos. Cette thématique semble d’ailleurs adoptée comme démarche par le B7L9 pour présenter les artistes qu’il invite. Tous deux ont raison, en fait, car c’est là que tout commence. C’est dans l’atelier de Yasmine Ben Khelil que l’on découvre son aire de travail et celle de repos, ses instruments et ses inspirations, ses échappées et ses obsessions. Car Ammar Farhat n’est pas la seule de ses obsessions. Il y a aussi la voix de ce poète inconnu qui résonne en elle, ce Salah Farhat, destourien de la première heure, dont les talents de poésie n’étaient connus que d’un petit cénacle. En lui, elle retrouve tout ce l’interpelle et la préoccupe : comment saisir le temps présent sans le fixer, donner une forme au mouvement du monde, donner une âme aux formes incomprise… Par-delà le temps, Yasmine, jeune artiste et vieille âme, se fait l’écho de ces artistes disparus, de ces voix quelquefois oubliées. D’eux, de leur trace, elle tire la seule conclusion qui lui semble possible : « Rien dans le monde n’est immuable, tout est mouvant, incertain».
A partir de cet a priori, décrypter la démarche de Yasmine offre une clé : « C’est donc à partir de cette dynamique entre désir d’immuabilité et sentiment de métamorphose que j’ai choisi de construire mon histoire. Un récit qui tente de reproduire la sensation du monde, cet espace que nous traversons et qui nous traverse, où tout est relié, mais rien n’est homogène».
Alors oui, l’immuabilité des pierres qu’elle parsème dans son espace, mais métamorphose des plantes et des fleurs qu’elle cueille autour de B7L9. Il n’y a pas de chrysanthèmes autour du B7L9, cette fleur, souvent assimilée à la mort qu’elle accompagne, est trop sophistiquée pour ces lieux. Mais les fleurs des champs, fruits du hasard et de l’incertitude, parfait exemple de la notion de métamorphose qui sous-tend le travail de l’artiste, constituent le cœur de l’exposition.
Une exposition en mouvement, cette deuxième notion qui interpelle Yasmine, une exposition qui évoluera au fil des jours, des visites, des promenades, des rencontres, des découvertes, et qui, comme souvent dans ce lieu atypique, en mouvance, ne sera pas la même que celle que nous avons vue.
Et qu’il nous faudra donc redécouvrir.
ADAM'S AUCTIONEERS & VALUERS
16 juin 2021 à 21:04
Superbe article. S’agissant d’AMMAR FARHAT, une de ses huiles sur toile majeure dépeignant une mariée tunisienne et datée de 1951 sera mise à la vente chez ADAM’S AUCTIONEERS & VALUEERS à Dublin, Irlande, le 30 Juin 2021, sous le numéro 361.
Ici le lien: https://www.adams.ie/Asian-Art-Day-2/30-06-2021?excl_keyword=&gridtype=listview&high_estimate=&keyword=ammar&keyword_tmp=&low_estimate=&page_no=1&sort_by=