Dans son intervention exhaustive lors du webinaire, organisé récemment par l’Association tunisienne du pétrole et du gaz (Atpg)
sur «La guerre en Ukraine : ses impacts sur les produits pétroliers en Tunisie et dans le monde », Rafik Bezzaouia, conseiller auprès
de la direction générale de la Steg, a, de prime abord, passé en revue quelques préalables qu’il considère essentielles dans son analyse sur l’impact du conflit russo-ukrainien sur les produits énergétiques.
Parmi ces préalables figure le mix énergétique pour la production de l’électricité qui est basé quasi-exclusivement sur le gaz naturel à hauteur de 97%, « l’infime partie de 3% provient de sources d’énergies renouvelables. Cette petite part devrait atteindre 30% à l’horizon 2030, lequel combustible gaz naturel provient de trois sources, à savoir l’importation du côté de l’Algérie, (moyennant 45% en 2021), 17% cédés à la Steg et le reste (38%) proviennent de sources locales (gaz national). Encore faut-il noter que les prix de cession du gaz dépendent des prix des produits pétroliers », précise le conseiller.
Evoquant l’impact financier, l’intervenant a dû rappeler que la part du coût du combustible — le gaz naturel — est d’environ 76% du coût de revient de l’électricité, c’est dire le poids financier du coût du gaz. De même, le coût du gaz approvisionné par la Steg représente 94% du coût du gaz commercialisé à la clientèle, qu’il soit domestique, industriel ou tertiaire.
Mais ces coûts de revient qui dépendent donc fort étroitement du prix du gaz ne sont pas couverts par les tarifs de vente. En effet, les chiffres de 2019, qui est une année représentative, montrent que les tarifs de vente de l’électricité couvrent en moyenne 76% du coût de revient, donc couvrant à peine la facture du gaz et les tarifs du gaz commercialisé.
« Tout ceci étant dit, l’impact de la conjoncture énergétique lié à la guerre Russie –Ukraine, qui a fait augmenter le prix du baril, dont le seuil de 130 dollars a été dépassé le 8 mars dernier. Toutefois, l’impact de cette augmentation sur le prix du gaz se fera ressentir progressivement dans six mois pour le gaz algérien et dans environ 9 mois pour le gaz national. La moyenne sur six ou neuf mois est faite pour parer aux fluctuations sensibles ».
M.Bezzaouia a insisté, par ailleurs, sur les prémices de la crise énergétique qui ont commencé à être ressenties par la Steg depuis juin 2021, où la partie algérienne a limité la vente, à la société, des quantités de gaz au niveau contractuel. En effet, et conformément aux changements importants et structurels des fondamentaux du marché de l’énergie et, plus particulièrement celui du gaz naturel, observés, la Steg ne bénéficie plus depuis mai-juin 2021 de la flexibilité d’approvisionnement en quantité extracontractuelle. Elle s’est retrouvée, du fait, contrainte de combler le déficit par l’achat de l’électricité auprès de la Sonel Gaz pour pouvoir passer la pointe estivale 2021. « Cela a engendré un surcoût économique des estimations préliminaires via l’achat de l’électricité finale toute prête par Sonel GAZ (l’homologue de la Steg du côté algérien) au lieu du gaz. Le coût estimé a atteint 100 millions de dinars au cours du second trimestre 2021. Mais ce surcoût continue en 2022 et continuera et sera peut-être accentué notamment pour la prochaine pointe estivale de cette année, où la demande d’électricité augmente et, par conséquent, celle du gaz naturel ».
La loi de finances 2022 a été basée sur l’hypothèse du prix du baril de 75 dollars. Cette hypothèse a conduit à un besoin pour compenser et équilibrer les résultats financiers de la Steg pour l‘exercice 2022, moyennant 2.200 millions de dinars, selon le ministère des Finances.
Néanmoins, « avec l’augmentation du prix du baril, les ciblages qui ont été établis par les services financiers de la Steg ont montré, à titre d’exemple, que l’augmentation d’un dollar du prix du baril induit un besoin supplémentaire de 46 millions de dinars. Sachant que la facture énergétique côté Steg dépend fortement du prix du Brent essentiellement », précise l’intervenant.
Et de conclure, que deux effets notables doivent être pris en considération, dont l’effet sur la sécurité d’approvisionnement énergétique et la difficulté de s’approvisionner en quantité extracontractuelle en gaz algérien, le surcoût économique dû à la substitution de ce gaz par l’achat de l’électricité finale et le second effet celui du surcoût financier lié directement ou indirectement au prix du baril du pétrole.