Plus de 100.000 compétences pluridisciplinaires ont quitté la Tunisie. Cette fuite des cerveaux se résume par le fait que ces diplômés partent à la recherche de meilleures conditions de travail à l’étranger. Plus de détails avec Laurent Forlani, consultant et expert en stratégie marketing et communication digitale avec «https://moningenieur.express». Sa mission est de rassembler les meilleurs ingénieurs tunisiens et les coordonner en véritable «Force de réponse rapide» au service des nombreux clients français, puis dans toute l’Europe. Interview.
Selon vous, pourquoi plus de 100.000 compétences multidisciplinaires ont quitté la Tunisie depuis 2011 ?
Ce phénomène préoccupant est lié à deux facteurs principaux. Tout d’abord, le manque d’offres d’emploi sur le marché local qui correspond au niveau d’études et à la spécialisation des ingénieurs tunisiens. D’ailleurs, des médecins et des scientifiques de haut niveau font partie de ces 100.000 compétences. Ensuite, un niveau de rémunération très inférieur à ce qui est pratiqué, à compétence égale, dans d’autres pays, notamment en France.
Pouvons-nous considérer la fuite des cerveaux comme un avantage pour la Tunisie ou bien, au contraire, un inconvénient ?
Oui, je dirais que cette fuite pourrait être considérée comme un avantage, si on parle de l’expérience qu’ils peuvent acquérir à l’étranger et aussi de l’argent qu’ils vont envoyer au pays, étant devenus des TRE (Tunisiens résidant à l’étranger).
Je dirais également que non, ce n’est pas un avantage, si on considère l’éloignement que cela engendre avec leur pays, la famille, la culture et la façon de vivre. Beaucoup d’entre eux décident au bout d’un certain temps de revenir dans leur pays d’origine car ils ne supportent plus ce déchirement permanent lié à cet éloignement.
Comment la fuite des cerveaux tunisiens affecte-t-elle l’économie tunisienne ?
C’est bien évidemment un élément qui influence négativement la situation économique de la Tunisie, puisque ses «forces vives», qui sont des moteurs du progrès et du développement rapide, ne sont plus là pour faire avancer le pays.
A ce propos d’ailleurs, le 23 mai dernier, Mme Najla Bouden, Cheffe du Gouvernement tunisien, évoquait ce néfaste problème à Davos: «Ce n’est pas uniquement de la formation que nous avons besoin en tant que pays en développement, mais c’est retenir les compétences que nous produisons qui revêt pour nous une importance cruciale», affirme-t-elle.
Avez-vous des statistiques à donner ?
On considère que 6.500 ingénieurs de haut niveau quittent la Tunisie chaque année, et cela ne cesse d’empirer. Ce sont les chiffres mis à jour et révélés par l’Ordre des ingénieurs tunisiens (OIT).
Comment avez-vous eu l’idée de lancer cette plateforme ?
Cela fait plus d’un an que nous réfléchissons à ce nouveau service pour les ingénieurs tunisiens. Car nous sommes motivés par deux ambitions : permettre aux ingénieurs de notre pays de pouvoir exercer leur talent et expertise sur des projets importants, en étant rémunérés à la hauteur de leur expérience. Ainsi que de stopper cette hémorragie de «fuite des cerveaux» qui est très dommageable pour la Tunisie.
C’est quoi son concept ?
La plateforme digitale «https://moningenieur.express» va permettre à l’ingénieur tunisien, en quête d’emploi, de télé-migrer en télé-travaillant, c’est-à-dire qu’il pourra travailler à tout moment sans quitter la Tunisie, en mission courte ou longue durée, pour des entreprises françaises et européennes, avec des rémunérations très attractives (grâce au système de portage salarial mis en place par la plateforme) et dans des conditions de travail optimales.
Comment fonctionne-t-elle ?
Le processus de mise en contact est simple et rapide : l’ingénieur demandeur d’emploi dépose gratuitement son CV, les entreprises s’inscrivent également gratuitement et décrivent précisément leurs besoins, les algorithmes de matching de la plateforme font coïncider instantanément les demandes des recruteurs avec les profils adéquats… Il ne reste plus qu’au service client de la plateforme de mettre en relation l’entreprise et l’ingénieur jusqu’à l’aboutissement du contrat de prestations de services.
Le client recruteur est facturé en euros et la solution intégrée de portage salarial permet légalement à l’ingénieur d’être rémunéré directement en Tunisie, en dinars tunisiens. La plateforme se rémunère grâce à une commission perçue du recruteur et de l’ingénieur.
Quel est son rôle et quelles sont ses missions ?
Notre plateforme est unique en Tunisie et va permettre à des ingénieurs tunisiens de gagner en expertise avec des entreprises étrangères, de gagner plus d’argent sans avoir à quitter leur pays et leurs familles. Nous sommes persuadés que la France, premier partenaire économique de la Tunisie, encouragera ce type de projet, salutaire pour le développement de nombreuses entreprises françaises. D’autres marchés européens seront prochainement approchés.
Quels conseils donneriez-vous à un débutant ?
Je conseillerais chaque ingénieur débutant de s’inscrire vite sur notre plateforme, l’inscription est gratuite !
Qu’attendez-vous des autorités tunisiennes par rapport à votre projet et que faut-il faire ?
Nous espérons leur soutien et leur appui, puisque cette initiative ne pourra que contribuer positivement à réduire la fuite des cerveaux.
Propos recueillis par Sabrine AHMED