Un jeune s’est donné la mort à Mornag. Il avait à peine 25 ans. Un âge où on commence à rêver d’une vie heureuse, où on pense à des projets de vie. Un âge où tous les chemins du possible devraient s’offrir à tous. Se suicider à cet âge est la preuve que toutes les issues sont fermées. Que les plus vulnérables sont ceux dont la voix est faible, qu’on n’entend jamais, qui n’ont pas de porte-voix, de porte-parole.
Si ce jeune s’est donné la mort, c’est que personne n’a essayé de lui prêter main-forte, de l’assister. Peut-être qu’il a lancé un cri de détresse que personne n’a écouté. Peut-être qu’il a subi une injustice que personne n’a essayé de réparer. Une chose est pourtant sûre : personne n’a tenté d’empêcher ce drame, cette tragédie. Mais sa mort ne doit pas servir à faire naître les haines inexpiables. Exploiter ce drame à des fins politiques en essayant de mettre le feu dans les quartiers pauvres, c’est instrumentaliser un malheur aux dépens de la peine d’une famille qui cherche encore à comprendre les raisons de ce suicide. Imputer cette mort à des querelles familiales « aiguës », est une manipulation qui ajouterait la colère à la souffrance.
Pourtant, ce décès porte un message : celui de l’échec de la Tunisie. Un pays qui ne reconnaît pas la détresse de ses enfants. Qui ne lutte pas contre les injustices. Que malgré leur patience, malgré leurs sacrifices, les Tunisiens souffrent et continuent de souffrir. Que tous les espoirs en un avenir meilleur ont volé en éclats. Que le pays est plongé dans une tourmente qui risque d’emporter tout dans son sillage. Qu’aucune perspective n’est tracée pour rétablir la confiance et sauver les meubles. Que les discours des politiciens ne collent pas à la réalité.
Et que la vérité, celle des rues, des régions reculées est autre que celle prônée en vase clos, intra-muros, derrière les bureaux feutrés et les voitures blindées. Derrière ce suicide, il y a la peur. Cette peur qui détruit la confiance, toute confiance, en tous. Une peur qui paralyse les Tunisiens et tous les moteurs de croissance avec. Que cette peur porte un nom : c’est celle de la jeunesse tunisienne qui a perdu la maîtrise de son destin. Et que la seule façon de conjurer cette peur, c’est de rallumer tous les moteurs et d’ouvrir de nouveau les lucarnes de l’espoir.