L’expert auprès de l’UGTT, Karim Trabelsi a souligné lundi à Tunis, la nécessité de relever la tranche de revenu exonérée totalement de l’IRPP de 5 mille dinars actuellement à 7 mille dinars.
Intervenant à une table ronde sur « LA JUSTICE FISCALE, UN ENJEU DE SURVIE A LA PORTÉE DE LA TUNISIE », organisée par l’association Al Bawsala, Trabelsi a considéré qu’un revenu de 7 mille dinars par an représente le nouveau seuil de pauvreté en Tunisie, tel que « déterminé par le gouvernement et les organisations internationales ».
Et de préciser que « la réforme du barème l’impôt sur le revenu des personnes physiques, constitue la première des priorités pour l’UGTT, dans la liste des réformes fiscales, eu égard à la cherté de la vie ».
Il a assuré que « l’élargissement de la base de cette première tranche, a fait l’objet d’un accord avec le gouvernement au cours de dernières négociations, toute en reportant les négociations techniques y afférentes à une date ultérieure, en raison du coût que devra supporter l’État ».
Le représentant de l’UGTT a par ailleurs, appelé le gouvernement à publier le projet de loi de finances pour l’exercice 2023, avant qu’il ne soit paraphé par le Chef de l’État, pour permettre aux organisations et experts d’interagir avec les mesures fiscales qu’il contient et de présenter des propositions pour les améliorer.
« Il faut publier d’urgence le projet de réforme fiscale considéré comme faisant partie du projet de réforme que le gouvernement est en train de négocier avec le FMI. Il faut aussi, lancer un dialogue avec les organisations, notamment avec l’UGTT et l’UTICA », a-t-il souligné.
Et de pointer l’absence de transparence et de reddition de comptes au niveau des structures de l’État, concernant les données et les procédures fiscales.
Trabelsi a également, proposé de réviser la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) dont l’application est inéquitable, considérant qu' »il faut que cette taxe indirecte soit progressive, selon les tranches de revenus, avec la possibilité d’exonérer les familles défavorisées sur présentation du carnet de soin gratuit ».
De son côté, le fiscaliste, Amine Bouzaiene a demandé l’adoption d’un nouveau barème de l’IRPP comprenant 16 tranches au lieu de 5 actuellement, expliquant que cela va permettre de redistribuer l’effort fiscal entre les différentes catégories sociales, sans en faire supporter la charge à la classe moyenne seulement. « Il s’agit aussi, de pousser les catégories à revenu élevé à payer davantage d’impôts ».
Bouzaiene a appelé également, à lutter contre l’évasion et la fraude fiscales en Tunisie qui coûtent à l’État 25 milliards de dinars (43,3 % du budget 2022).
Il a encore, déconseillé à la Direction générale des impôts d’adopter une politique d’austérité, l’incitant à renforcer ses ressources humaines pour remédier au manque d’inspecteurs et investir dans la logistique et la technologie.
Il a souligné l’importance de revoir la contribution des entreprises à l’effort fiscal d’autant plus que les recettes provenant de l’impôt sur les sociétés ne dépassent pas 4,1 milliards de dinars, selon la loi de finances 2022, soit 11,7 % des recettes fiscales. Ces recettes sont trois fois inférieures à l’IRPP.
Bouzaiene a estimé qu’il est nécessaire de rétablir le taux d’imposition sur les sociétés à 25 % contre 15 % actuellement (il a été réduit de 29 points depuis 2014), et ce pour mobiliser des ressources pour l’État et retrouver l’équilibre entre l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu.
L’expert a par ailleurs, souligné la nécessité de réviser le système des avantages fiscaux qui coûte à l’État plus de 5 milliards de dinars (soit environ la moitié du déficit budgétaire pour 2022), dépassant la contribution des entreprises à l’effort fiscal, sans que la contrepartie sur le plan social de ces avantages ne soit effectivement prouvée.
Bouzaiene, a estimé que la mise en place d’un impôt sur la fortune est un mécanisme efficace pour mobiliser des ressources pour l’État et réduire les écarts flagrants, étant donné que 1 % des Tunisiens les plus riches détiennent le quart des richesses du pays et que 10 % des Tunisiens les plus riches possèdent 85,2 % de ces richesses alors que le reste de la population n’en possède que 4,8 %.
Il a proposé la création d’un impôt sur les grandes fortunes, comme levier pour le renforcement des ressources propres de l’État. Lequel impôt devrait cibler les 10 % de Tunisiens les plus riches d’une façon progressive et doit s’appliquer à un taux plus élevé à la tranche de 1 % des Tunisiens les plus riches.
Réagissant à cette proposition, le représentant de l’UTICA, Chiheb Slama a fait remarquer que l’instauration d’un impôt sur la fortune n’a pas fait preuve d’efficacité sous d’autres cieux ce qui a contraint des pays comme la France et les États Unis à l’abandonner.
Il n’est pas certain de « la bonne application de ce genre de mesures », appelant à rompre avec le populisme.
Slama, a considéré que la Loi de Finances 2023 doit comporter des réformes fiscales qui encouragent l’investissement national et étranger et que l’objectif de cette loi ne doit pas être seulement de mobiliser des ressources pour l’État.
Il a indiqué que la justice fiscale tant attendue en Tunisie ne pourrait être atteinte qu’en intégrant le secteur informel qui représente plus de 50 % de l’économie, aux circuits organisés et en repensant l’imposition des professions libérales dans le sens d’une meilleure adéquation entre les niveaux d’imposition du capital et du revenu.