Djerba, l’île paradisiaque. Un nom accroché à des palmiers, une kyrielle de plages de sable pur, de calme et de rêve. Havre de paix, son nom évoque le retour aux sources et le romantisme. En parlant d’elle, nul n’a su le faire sans déraisonner. Elle a inspiré des poètes, depuis le plus grand jusqu’au dernier des rimailleurs. Gagnée par le tourisme, elle a continué d’émerveiller, d’étonner. L’âme y retrouve ces instincts qu’anesthésie la vie civilisée : le besoin de retour aux jouissances naturelles. Tout au long d’une semaine, le halo des projecteurs sera dirigé vers cette île qui sera l’épicentre de la Francophonie. C’est qu’à l’aune du XVIIIe Sommet de la Francophonie, qui aura lieu à Djerba les 19 & 20 novembre, les perspectives économiques, les défis culturels, la mobilisation des acteurs de la Francophonie au-delà des frontières et le renforcement d’une unité territoriale autour d’une langue commune vont constituer les thèmes principaux des panels qui seront organisés en marge du Sommet. En effet, la Francophonie est une belle histoire. L’usage du français par les non-Français procure un supplément d’âme. C’est un rapport de fécondation, donc de civilisation. La Francophonie, ce n’est pas simplement la France. Quand on parle de Francophonie, il y a 88 pays qui sont concernés. Le terme « Francophonie » est apparu vers la fin du XIXe siècle, pour décrire l’ensemble des personnes et des pays utilisant le français. Il acquiert son sens commun lorsque, quelques décennies plus tard, des francophones prennent conscience de l’existence d’un espace linguistique partagé, propice aux échanges et à l’enrichissement mutuel. Des hommes et des femmes de lettres seront à l’origine de ce mouvement. Quoi de plus naturel pour une entreprise adossée à l’usage de la langue. C’est pour ainsi dire que c’est une internationalisation de la langue française qui s’opère et qui soustrait un peu la France à son statut de pays dépositaire de cette langue, mais qui reste le grand frère pour les pays francophones. Aujourd’hui, la Francophonie est une propriété commune où chacun à sa place et peut s’y sentir à l’aise. La Francophonie est aussi un legs d’histoire. Mais c’est un legs qui n’est pas venu avec la colonisation. Il est à rappeler que dans le cadre du mouvement réformiste au 19e siècle, Kheireddine Pacha, fasciné par la modernité de la France, avait fondé à Tunis le collège Sadiki où on enseignait la langue française et aussi les autres disciplines en français. En quelque sorte, c’est nous qui sommes allés chercher le français. Il n’est pas venu à nous avec les armes ou par la force. Et c’est à travers cet enseignement au collège Sadiki que la nouvelle élite formée à ces valeurs a lutté contre la colonisation en Tunisie ou ailleurs en Afrique. Il n’empêche, ce sont les pères fondateurs de la Francophonie qui ne sont autres que l’ancien Président tunisien, Habib Bourguiba, et ses homologues sénégalais, Léopold Sédar Senghor, et nigérien, Hamani Diori, ainsi que le Prince Norodom Sihanouk du Cambodge, qui ont su majestueusement porter cette idée de la Francophonie et lui donner un sens plus large, plus solidaire. C’est également grâce au français que nos élites ont été nourries à la bonne mamelle, celle des droits de l’homme, de la tolérance et de l’ouverture. Le rapport avec le français n’est pas une pesanteur ou des sévices. Nous devons être à l’aise avec l’usage de cette langue. Certes, notre langue est l’arabe et nous sommes arrimés à la culture arabo-musulmane, à cela vient s’ajouter cette dimension francophone qui donne un supplément d’âme et d’ouverture. C’est aussi un choix d’un modèle de société, non pas un modèle occidental, parce que nous voulons rester attachés à notre authenticité, mais un modèle de civilisation enrichie, parce que la Francophonie nous apporte le tout dans une démarche d’ouverture et de non-exclusion. C’est un arrimage à la culture, à la science dont les œuvres et les innovations ne sont pas traduites en arabe, et c’est là que le bât blesse. Nous avons besoin d’acquérir les langues pour accéder à la science, à la culture et aux valeurs civilisationnelles. Pourquoi s’amputer délibérément un pied sur lequel on peut mieux marcher sous prétexte que ce n’est pas arabo-musulman ? Nous sommes pour l’ouverture qui signifie enrichissement de l’identité propre. Il faut qu’on soit imbus de cette idée parce que nous voulons aller de l’avant et que toute exclusion est une force d’inertie qui nous tire vers l’arrière.
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