Yamen Ben Zekri incarne parfaitement le football de notre siècle. Cet intrépide globe-trotter a en effet goûté à plusieurs championnats sur au moins trois continents: l’Afrique, l’Europe et l’Asie, portant son bâton de pèlerin dans huit clubs différents (excusez du peu !) 1997-2004 : CSHL, 2004-2006 : CA, 2006-2008 : Ezzamalek d’Egypte, février-mai 2008 : prêt pour Riffaâ Bahrein, 2008-2009: Bastia, janvier 2010 : Al Chamal Qatar, 2010-2011: Al Wahda Tripoli et 2011-2012: Assalmia Koweit. Né le 6 octobre 1979 à Tunis, il s’engage en 1991 pour les minimes du CSHL. Son premier match senior a été EST-CSHL (3-0) en 1997, alors que le dernier a coïncidé avec l’affiche de la compétition koweitienne de 2012 Assalmia-Al Chabab (2-1). Notre invité a eu le privilège de jouer 14 rencontres en équipe nationale entre 2007 et 2012, le premier étant Seychelles-Tunisie (0-3) le 24 mars 2007. A son palmarès une Coupe de Tunisie 2001 avec le CS Hammam-Lif, et une coupe d’Egypte 2008 avec Ezzamalek. Cet agent de joueurs Fifa et professeur d’Education physique et sportive est marié et père de deux enfants
Yamen Ben Zekri, dans l’esprit de beaucoup de gens, un imprésario, ou agent de joueurs, est assimilé à un «samsar» qui gagne de l’argent facile sur le dos des footballeurs. Est-ce vrai ?
Non, nous sommes en fait dans le management, pas dans le rayon d’activités de courtier. Cette perception-là, nous voulons la corriger. D’ailleurs, la fédération internationale (Fifa) nous appelle désormais intermédiaires. Je dois apporter un outil de travail social, médical, technique… à mes protégés qui sont comme des enfants pour moi. Ils me font vivre, et vice-versa. Mon expérience de joueur me permet de les prendre en charge convenablement et de leur être utile. Dans notre métier, il faut un maximum de confiance et de crédibilité. Malheureusement, certains intrus, qui n’ont pas passé les examens et ne disposent pas de l’agrément Fifa, dépravent notre métier. Il s’agit de l’organiser et de le débarrasser des intrus. Ces dernières années, cette fonction a été gangrenée à un point où elle ne fait plus vivre les plus honnêtes, les agents respectueux des règles du jeu.
Au fond, est-il facile d’obtenir une licence d’agent de joueurs ?
Non. D’abord, il faut avoir été joueur ou dirigeant, et avoir au moins le niveau du bac. Ensuite, vous devez passer un examen et rester constamment sur la brèche, avoir une bonne faculté d’évaluation du joueur.
Comment avez-vous envisagé une telle reconversion ?
Cela m’était arrivé alors que j’étais encore joueur. J’avais besoin d’un agent qui s’occupe de tout afin que je puisse me concentrer sur les seules affaires du terrain, quelqu’un qui me fasse progresser. Je n’étais pas un super-joueur. Mais grâce aux conseils de mon agent, j’ai effectué une carrière honnête et même plus, jouant dans pas moins de huit clubs dans six championnats différents sur trois continents. J’ai dû faire preuve de beaucoup de sérieux, de discipline et de rigueur, et observer une hygiène de vie quasi-impeccable. Cela constitue pour moi un motif de fierté tout à fait légitime. J’ai disputé 42 matches en Egypte dans un championnat de toute première qualité, 32 en France avec Bastia…
Justement, comment êtesvous parti pour l’aventure professionnelle hors du pays ?
Je crois avoir réussi à gérer convenablement ma carrière : le CSHL que j’ai quitté assez jeune, puis le CA qui m’a propulsé vers l’étape du professionnalisme à l’étranger et avec lequel j’ai disputé 42 rencontres, dont deux derbies ratés, je dois l’avouer, car je n’y ai pas donné la plénitude de mes moyens. Puis Ezzamalek, en Egypte, où j’ai été le premier joueur tunisien à évoluer, montrant la voie à Anis Boujelbane, Wissem El Abdi, Mohamed Selliti, Hamdi Nagguez, Ferjani Sassi… A un certain moment, j’étais blessé. J’ai dû partir au Bahrein, puis en France. Comme chaque joueur tunisien, j’ai été tenté par l’argent. J’ai commis l’erreur d’être parti trop tôt dans le Golfe, sans doute en pensant aux pétrodollars. Car partir dans le Golfe, c’est au fond préparer une pré-retraite.
Remontons le fil du temps, et parlez-nous de votre arrivée dans le football ?
Cela advint par le moyen incontournable des parties de quartier. Rue Ali Ben Ayed, à Hammam-Lif, nous étions une bande de passionnés à jouer chaque jour. Je dois dire que ma mère Saloua me préparait le sac, les repas de sportif… Mon père Lamine m’a également encouragé tout en veillant à la réussite de ma scolarité. Je leur suis énormément reconnaissant. J’ai signé à l’âge de 11 ans pour le CSHL qui reste ma seconde famille, le club qui m’a fait connaître.
Qui vous a conduit au Club Africain ?
Mongi Ben Brahim, avec le concours de Lassaâd Ouertani et Oussama Sellami qui venaient de la JSK et du ST.
Quel est votre meilleur souvenir ?
Deux ou trois ans avant son ouverture, nous rêvions du stade de Radès comme d’un écrin qui ressemble au stade de France. Eh bien, quoi de mieux que d’inaugurer ce stade avec le CSHL par une finale victorieuse de coupe de Tunisie (1-0) contre le favori, l’ESS en juin 2001.
Et le plus mauvais ?
Devoir un jour raccrocher, il n’y a rien de plus pénible! Les blessures vous torturent et ne vous laissent plus la force d’aller plus loin encore. Ce moment-là a été très dur pour moi.
En qualité d’arrière central, avez-vous inscrit beaucoup de buts ?
Six buts en tout et pour tout. Mais j’aimerais vous dire que, jeune footballeur, j’ai joué pratiquement à tous les postes, y compris celui de gardien. Senior, j’ai pratiquement évolué partout en défense: latéral, axial, pivot… Je jouais des deux pieds, et disposais d’une bonne lecture du jeu.
Quelles sont les qualités d’un bon défenseur axial ?
Il doit être agressif, clairvoyant, intelligent, rapide et posséder une bonne lecture du jeu.
Quelles étaient vos idoles ?
Tarek, Ben Yahia, Maâloul, Ayadi Hamrouni…
A votre avis, quels sont les joueurs tunisiens à avoir réussi à l’étranger ?
Hatem Trabelsi, Zoubeir Beya, Adel Sellimi, Imed Mhadhebi, Khaled Badra et Aymen Abdennour.
Parlez-nous de votre famille ?
Elle reste au cœur de mon existence. J’ai épousé Zeineb en 2006. Nous avons eu Saloua et Yahia.
Vous considérez-vous un homme comblé ?
Dieu merci, je n’avais pas un talent monstrueux, mais j’ai réussi à m’imposer dans six championnats différents, ce qui n’est pas donné à tout le monde.
Enfin, comment trouvez vous le professionnalisme en Tunisie ?
Notre football n’a rien de professionnel. En Egypte où j’ai joué, les clubs disposent de solides infrastructures et de sources de financement presque inépuisables. Le niveau de notre championnat est de plus en plus faible en raison de deux facteurs essentiels : l’état catastrophique des pelouses, et la désaffection prononcée du public. Nos joueurs n’ont plus la cote à l’étranger. Résultat: il y a de moins en moins de joueurs qui partent monnayer leur talent que ce soit en Europe ou dans le Golfe.