La clochardisation rampante de nos rues et de nos villes est plus qu’évidente…
Les marchands ambulants envahissent tous les espaces et bousculent avec leurs étals anarchiques toutes les règles et toutes les conventions. Le pire c’est qu’ils ne semblent pas vouloir s’arrêter en si bon chemin.
Devant ces situations inédites, nos élus municipaux ou nos gouverneurs sont dans l’incapacité absolue d’arrêter le fléau. Certes, il y a eu des tentatives sérieuses, du moins dans la capitale, pour déloger ces marchands et les installer dans des espaces aménagés. Faute de volonté politique et suite au laisser-aller administratif, ce programme est tombé à l’eau.
Pour l’heure, on se contente de gérer l’anarchie sous toutes ses formes. C’est le cas dans toutes nos villes. Le spectacle quotidien offert est désolant. Le citoyen n’éprouve aucune fierté d’appartenir à de telles villes tellement le chaos qui y règne les a transformées en cours des miracles.
Bien installés dans leur environnement
Les artères de Tunis et, particulièrement le centre-ville, se présentent sous leur aspect le plus déplorable. De mémoire de Tunisien, on n’a jamais assisté à un tel désordre dans nos villes. Ce qu’on appelle le commerce informel est tout sauf “commerce”. Il étouffe nos villes et occasionne des préjudices énormes aux activités commerciales organisées.
C’est ainsi que tous les commerçants installés de façon légale ou les différentes boutiques sont privées de leurs droits et certains sont carrément au bord de la faillite. D’autres ont choisi, tout simplement, de mettre la clé sous le paillasson tellement la concurrence de ce commerce illégal était oppressante.
Le nombre de ces marchands progresse, chaque jour, à un rythme soutenu estimé à plusieurs centaines, il y a cinq ou six ans dans la capitale, ils pourraient compter actuellement jusqu’à plus d’un millier. Leur nombre ne cesse d’augmenter dans toutes les villes du pays au point de submerger toutes les autres activités commerciales, culturelles et de loisirs.
Depuis leur apparition dans les villes, ces vendeurs (au début à la sauvette) ont réussi à s’implanter et à squatter des territoires qui sont comme leur propriété. Ils se sont, même, organisés sous forme de corporation liée à un syndicat parallèle à l’Ugtt. C’est grâce à cette organisation qu’ils ont pu tenir tête aux autorités et imposer leur présence.
Ils ont, de plus, des soutiens politiques souterrains et des affinités avec certaines personnalités influentes durant la période précédente.
On ne s’étonne donc, plus, de l’inefficacité des mesures prises partout pour venir à bout de ce fléau. Toutes les villes du pays ont essayé toutes les méthodes et toutes les dispositions sans parvenir à leurs fins. Les autorités qui ont essayé d’arriver à des compromis (offre d’espaces disposant d’eau et d’électricité ainsi que des sanitaires, location symbolique d’emplacements aménagés et d’autres incitations et avantages) n’ont rien pu obtenir. A l’Ariana, au Kef, à Sousse, à Sfax et ailleurs, c’est le même constat. Les intéressés n’en font qu’à leur tête. Ils préfèrent déserter les lieux qu’on leur indique pour exposer leurs marchandises tout le long des rues et des trottoirs des villes. Le phénomène des étals anarchiques s’amplifie et se diversifie. Chaque jour, de nouveaux arrivants occupent les espaces restés vides et envahissent toutes les rues où il y a des passants. A Tunis, on ne reconnaît plus la Place Barcelone, l’Avenue de Paris, la Rue Charles De Gaulle, les Arcades de l’Avenue de France, les autres rues adjacentes. Ces gens ne prennent en compte ni les aspects économiques, ni les aspects esthétiques et environnementaux des espaces urbains qu’ils investissent. Les municipalités de ces différentes villes sont, ainsi, mises devant le fait accompli et ne peuvent rien faire. Les responsables municipaux ou régionaux se disent incapables de prendre quelque mesure que ce soit de peur de créer des troubles. C’est cette réaction de faiblesse qui est exploitée par ces marchands.
Aucune solution en vue ?
Quand on circule dans nos villes, on ne se sent plus à l’aise. On a même peur de s’attirer les foudres de ces vendeurs si par hasard ils jugent que le passant ne les “respecte pas” ou qu’il leur est “hostile”.
En tout cas, circuler dans les méandres de ces étals posés à même le sol et sur les trottoirs limite de façon très claire la liberté de déplacement des citoyens dans leurs villes. Sans parler des abus commis par ces gens qui s’installent devant les entrées des immeubles, des magasins, des passages piétons, etc…
Si dans le temps, il y a eu quelques tentatives de trouver une solution à cet épineux problème, il paraît que, pour l’heure, tout le monde a baissé les bras. Tous les responsables évitent de se confronter à ces commerçants de peur d’être la cible des critiques et des attaques rangées des lobbies en place. Toujours est-il que nos villes subissent ces fléaux sans aucun espoir de voir un jour venir une solution radicale. Aucun indice, en effet, ne montre qu’il existe un plan prêt à être mis en œuvre pour éradiquer ce phénomène et lui apporter une solution définitive. Pour ce faire, il faut une volonté inébranlable et une vision claire des enjeux. Il suffit de rappeler que cette volonté avait donné ses fruits lorsque les autorités avaient décidé de déplacer les activités des commerçants de la Rue Zarkoun à Tunis, vers l’espace connu, aujourd’hui, sous le nom du marché (ou souk) de Moncef-Bey. C’était juste à la fin des années 1990 avec un maire de Tunis tel que feu Mohamed Ali Bouleymane. Plus de 600 stands offrent des marchandises diverses et des revenus conséquents aux propriétaires. Les efforts pour réinstaller les vendeurs à l’étal dans des espaces aménagés par les municipalités n’ont pas abouti. Les autorités ont proposé, dans une grande partie des villes du pays, des locaux et des lotissements à ces marchands. Mais on constate que ces endroits n’ont pas été occupés et sont restés tels quels. Rien n’a été tenté pour persuader ces gens de venir s’installer dans ces espaces et se conformer aux réglementations.
Faudra-t-il réfléchir à des solutions plus pointues et plus conformes aux règles en vigueur. Mais sans état d’âme ou autres considérations politico-politiques.
Nos villes retrouveront-elles leur beauté d’antan ou devrons-nous mettre une croix sur cet espoir, somme toute légitime ?